Stephenson reprit son ancienne préoccupation : le perfectionnement de la locomotive et l'invention des chemins de fer. Robert, à mesure qu'il grandissait, prenait sa part des travaux de son père.

Nous ne suivrons pas les deux Stephenson dans tous les essais qu'ils durent faire, dans toutes les luttes qu'ils soutinrent contre les préjugés, les ignorances et l'envie. Qu'il vous suffise de savoir, mes enfants, qu'à partir de la découverte de la lampe, quatorze années complètes s'écoulèrent, quatorze années de dur labeur, d'essais de toute sorte, pendant lesquelles, loin de trouver aide et encouragement chez ses compatriotes, Georges fut abreuvé de mépris et traité de fou.

Lorsqu'il lui fallait passer sur les terres des fermiers pour lever des plans et étudier le terrain où l'on devait poser les rails, il rencontrait les résistances les plus obstinées. Les cultivateurs s'imaginaient que l'établissement de ces nouvelles machines allait les ruiner. L'air, disaient-ils, serait empoisonné par les locomotives ; on ne pourrait plus élever de volailles, les arbres sécheraient sur pied, les bestiaux épouvantés refuseraient de paître dans le voisinage de ces infernales routes, les étincelles qui s'échappaient de la locomotive mettraient le feu aux récoltes. Bref, c'était un concert de haines et de malédictions.

Stephenson fut odieusement chassé par les fermiers d'un seigneur, qui lui interdirent de passer sur leurs terres en lui faisant mille menaces.

Puis ce furent le propriétaire et les employés d'un canal voisin qui, pensant que les chemins de fer allaient ruiner les transports par eau, se concertèrent pour faire avorter les plans de Georges. On apostait des hommes partout pour empêcher Stephenson de lever des plans.

Afin d'échapper à cette ridicule surveillance, il eut recours à la ruse. Lorsqu'il voulait lever un plan, il faisait tirer des coups de fusil dans un endroit opposé ; les gardes, croyant au passage de braconniers, quittaient leur poste pour courir sus aux prétendus malfaiteurs.

Pendant ce temps, Stephenson, à la hâte, et au clair de lune, levait le plan dont il avait besoin.

Mon Dieu ! dit Francinet, les Anglais sont donc un peuple bien arriéré !

- Non, mon ami ; mais en Angleterre, comme en France et comme partout, il y a des ignorants. Or, l'ignorance s'épouvante de tout ce qui est nouveau ; elle essaie de se mettre en travers de ce qu'elle ne comprend pas, et le progrès se fait toujours malgré elle. Voilà pourquoi, mes enfants, il est si important de s'instruire ; car, si l'instruction que nous recevons ne nous rend pas capables de rien inventer nous-mêmes, elle nous empêchera du moins d'apporter des entraves au génie.