L'oisiveté est la mère de tous les vices.

 


M. Edmond. - Il y a des pays, mes enfants, où la nature semble avoir fait tout pour les hommes, car elle leur fournit presque gratuitement de quoi satisfaire leurs besoins. Là, l'industrie est à peu près inconnue.
- 0h ! dit Francinet, cela doit être bien agréable de vivre dans de tels pays !
M. Edmond. - Mon enfant, les habitants de ces pays ne sont guère dignes d'envie. Comme ils ont eu moins besoin de travailler, ils sont restés moins industrieux, moins intelligents, et leur progrès moral est presque nul.
À Céram, par exemple, l'une des îles de l'Océanie, croît en abondance l'arbre appelé sagoutier. Cet arbre produit une excellente farine, le sagou, qui se mange cuit à l'eau et au sel ou bien sous forme de gâteaux. Un arbre de bonne taille peut produire de quoi faire 1 800 gâteaux.
Henri, en riant. - 0h ! oh ! Voilà un arbre bien plus commode encore que notre cerisier !
M. Edmond. - Oui, mon enfant ; car ces 1 800 gâteaux suffisent pour nourrir un homme pendant une année entière. Comme le travail nécessaire pour convertir un sagoutier en gâteaux ne demande que dix jours, il s'ensuit que les habitants de Céram, avec deux semaines de travail, se procurent de quoi vivre pendant un an. Malheureusement, cette facilité de la vie a pour conséquence l'incurie la plus complète. Les indigènes de Céram, sont, au dire des voyageurs, de beaucoup inférieurs aux habitants des autres îles où le sagoutier n'existe pas. Ils sont paresseux, voleurs, marchent nus comme des sauvages, se contentent d'un misérable abri, et s'enivrent à chaque fois que leurs relations avec les Européens le leur permettent.
- Que cela est singulier, monsieur ! dit Aimée.
M. Edmond. - Pas autant que vous croyez, mon enfant. L'oisiveté dégrade l'homme ; le travail, au contraire, est moralisateur par excellence ; il excite et élève notre intelligence.