Ne retardez jamais ce que vous pouvez faire tout de suite.

 

Sans plus hésiter, Francinet s'habilla à la hâte :

- Mère, dit-il, je ne puis pas dormir, je crains que le feu soit chez mon patron ; laisse-moi l'éveiller.

En achevant ces paroles, Francinet s'élança dans 1a rue et frappa à coups redoublés à la grande porte. Phanor unit aussitôt le tapage de ses aboiements aux coups de marteau et de sonnette. C'était un bruit à réveiller les morts. La servante ne tarda pas à venir :

- Qui est là ? demanda-t-elle à travers la porte.

- Moi, Francinet, le tourneur du moulin à l'indigo, je veux parler à M. Clertan.

- Te moques-tu, petit imbécile, de réveiller les gens ? Monsieur dort, que lui veux-tu ?

- Ne vous fâchez pas, mademoiselle Catherine, et ouvrez-moi la porte. II faut que je parle à M. Clertan ; je crois bien que le feu est dans la cave aux cotons teints.

À ce mot de feu, la bonne ouvrit sans plus tarder. Le garçon courut du côté de la cave. Une odeur de brûlé très forte s'en échappait.

- Tenez, tenez, mademoiselle Catherine, ne sentez-vous pas ?

- C'est vraiment vrai ! dit la vieille cuisinière, il y a quelque chose qui brûle là ; je cours chercher Monsieur.

Un instant après, le vieillard ouvrait la porte et pénétrait dans la cave, avec Francinet et Catherine. Il n'y avait toujours aucune trace d'incendie, sauf une insupportable odeur de chiffon brûlé. M. Clertan s'approcha d'un des sacs fermés :

- C'est d'ici que vient cette odeur, dit-il ; l'incorrigible père Léon aura laissé tomber quelque étincelle de sa pipe en serrant les cotons. Le feu couve sans nul doute dans ce sac fermé ; mais avant peu il se fût déclaré et eût communiqué l'incendie aux cotons environnants. Catherine, portez ce sac dans la cour. Francinet, prends un seau et pompe de l'eau.

On porta le sac et on le dénoua dans la cour. Dès qu'il fut ouvert, la fumée commença à s'échapper, et la flamme suivit bientôt. On jeta de l'eau en abondance et on éteignit le feu. Tout cela n'avait guère demandé plus de dix minutes, pendant lesquelles Francinet avait répondu aux questions de M. Clertan et de Catherine.

- Allons, dit le riche négociant, tu es un brave garçon, Francinet ; tu as fait preuve ce soir de plus de réflexion et d'intelligence qu'un homme éprouvé de longue main, que mon contremaître. Je te remercie, mon ami ; je n'oublierai pas le service que tu m'as rendu.

Francinet était bien fier de lui ; mais il ne voulut pas se mettre au lit sans remercier Dieu de la bonne inspiration qu'il lui avait envoyée. Ce devoir rempli, il s'endormit le cœur plein de satisfaction.