L'enfant et la machine à vapeur. — Histoire du jeune Potter.

 

 

Enfants, habituez-vous à être attentifs et à réfléchir sur toutes choses. Un esprit attentif a plus de puissance que vingt esprits distraits.

 

M. Edmond. — Un des plus heureux effets de la division des métiers, c'est qu'elle concentre l'attention de chaque travailleur sur un même objet et par là lui donne plus de puissance.

Enfants, écoutez une comparaison. Quand les rayons du soleil se répandent et se dispersent librement dans l'espace, ils réjouissent et réchauffent l'atmosphère ; mais ils ne sauraient produire le feu et la flamme, n'est-il pas vrai ? Eh bien ! mes amis, parmi les instruments de physique achetés pour Henri, regardez ce verre qu'on appelle lentille ; il a la propriété de rassembler les rayons du soleil sur un même point ; vous allez voir quelle force leur donne cette concentration.

M. Edmond mit la lentille au soleil, au-dessus d'un morceau d'amadou. Au bout d'une minute l'amadou prit feu. Francinet battit des mains.

— Voilà une chose bien merveilleuse, dit Aimée.

— Non moins merveilleux, mes enfants, sont les effets de l'attention sur l'intelligence, reprit M. Edmond. Un esprit distrait, qui se disperse et se dépense de tous côtés, perd de sa force ; que l'attention applique cet esprit sur un même objet, il devient mille fois plus puissant. L'esprit d'un enfant, s'il est toujours attentif à un même travail, découvrira parfois des choses qui avaient échappé à des savants. En voici un exemple.

Au commencement de l'invention des machines à vapeur, un enfant était chargé d'ouvrir et de fermer sans cesse deux robinets ; il ne pouvait quitter son travail sans mettre en danger la machine tout entière. Un enfant nommé Potter, chargé de ce travail dans une usine d'Angleterre, et trouvant sa besogne ennuyeuse et fatigante, regardait avec attention les robinets et la machine pour voir comment tout cela marchait.

"Quel malheur, se disait-il, puisque les autres pièces vont si bien toutes seules, que celles-là n'aillent pas seules aussi ! Moi, je me croiserais les bras ou je ferais autre chose, et je n'aurais besoin que d'un coup d'œil jeté de temps en temps sur la machine pour la surveiller".

À force d'attention, notre petit bonhomme eut une excellente idée. Il attacha les deux robinets aux deux bras de la machine avec des ficelles, et il vit que la machine faisait sa besogne beaucoup mieux encore que lui-même. Sûr que tout irait bien, il en profita pour aller jouer quelques instants avec des camarades.

 

Tout à coup le contre-maître arrive ; il pousse une exclamation de terreur et de colère en voyant la machine abandonnée, au risque de se briser. Il s'approche, reconnaît que tout marche comme d'ordinaire, s'en étonne, et découvre l'ingénieux expédient. "Bonne idée !" se dit-il. Et en effet, l'enfant avait trouvé, par son attention, un perfectionnement qui avait échappé aux savants inventeurs et aux vieux mécaniciens.

 

Francinet. — Monsieur, je voudrais bien être aussi ingénieux que cet enfant-là, et trouver un moyen pour que mon moulin à l'indigo tourne tout seul.

M. Edmond. — La chose n'est pas aussi simple, mon ami ; mais, si ce n'est pas toi qui le trouves, ce sera certainement un autre, et avant peu, j'en suis sûr, ce procédé incommode sera remplacé par quelque mécanisme.