En travaillant pour soi, on travaille aussi pour autrui.

 

 

 

 

 

M. Edmond. — Francinet, toi qui voudrais faire tous les métiers pour varier tes plaisirs, tu serais bien embarrassé s'il te fallait seulement fabriquer une simple épingle. Sais-tu par combien de mains passe une épingle avant d'être achevée ? Par les mains de dix-huit ouvriers qui, ayant chacun une besogne différente, la font mieux et plus vite.

 

 

Une aiguille passe par les mains de deux cent cinquante ouvriers, entre lesquels est divisé le travail.

Ainsi pour toutes choses. Les moindres objets sont le résultat d'un travail divisé entre une foule d'hommes dont chacun a fait sa besogne. Et chacun est bien heureux de n'avoir pas tout à faire par lui seul. Ainsi, l'épicier qui vous procure du sel recueilli au bord de l'Océan, du chocolat, du café et du poivre récoltés aux colonies, du fromage confectionné en Suisse, s'estime très heureux de n'être point obligé d'aller chercher si loin toutes ces choses.

— Comment ! monsieur, s'écrièrent les trois enfants, le chocolat, le poivre, le café, viennent d'aussi loin !

— Oui, mes amis ; les quelques grains de poivre qui assaisonnent votre soupe ont été apportés de bien loin par delà les mers. Il a fallu un navire, des matelots qui eussent le goût de voyager, la bonne harmonie entre les peuples de l'Europe et les colonies [défense de ricaner ! SH], pour que l'échange pût s'établir librement.

— Que tout cela est beau, monsieur ! dit la petite Aimée, et comme il a fallu que tous les hommes s'entendissent bien entre eux, pour arriver à s'arranger d'une façon si intelligente !

— Vous avez raison, mon enfant ; car, pour obtenir ces résultats merveilleux du travail, il faut que l'harmonie règne entre les hommes. Chacun choisit sa tâche selon ses aptitudes ou son goût, et comme il ne se dérange point à tout propos, il devient par l'habitude plus habile. En travaillant ainsi pour soi, chacun se trouve avoir travaillé pour les autres. Un seul profite du travail de cent mille, et les cent mille à leur tour profitent de son travail.

Tels sont les bienfaits de l'association et de la division du travail dans l'industrie.