Votre leçon d'histoire a été bien faite ; vous avez été très sobre de dates, je vous en fais mon compliment ; vous n'avez pas noyé votre récit dans les détails secondaires ; vous avez souligné les deux faits essentiels, autour desquels se groupent les évènements ; et vous avez montré comment les arrière-neveux recueillent les fruits de la politique passée, ou paient les imprévoyances et les fautes commises par leurs pères. Votre leçon était bien préparée, elle a été bien présentée.

 

Comment se fait-il cependant que vos élèves n'aient pu répondre aux questions que vous leur avez adressées pour vous assurer qu'ils avaient compris ? Pourquoi paraissaient-ils distraits ou inattentifs tout le long de votre leçon ? Pourquoi ne suivaient-ils pas votre parole ?

- Eh bien, c'est vous-même, mon cher instituteur, qui avez été cause, sans vous en douter, de cette dispersion de l'attention de vos élèves !

Voyez un peu comment s'y prend le capitaine quand il veut commander sa compagnie ? Il se place devant ses soldats, au centre de sa troupe, afin de pouvoir dominer et voir tout son monde, et de manière que tous ses hommes se sentent sous ses yeux… Ou encore votre inspecteur, à une conférence, lorsqu'il développe devant vous une question d'éducation ou qu'il dirige vos discussions, vous avez besoin de le voir, il veut lui-même vous parler de sa bouche et de ses yeux…

Et vous, comment avez-vous fait tout à l'heure, pendant votre leçon ?... Vous comprenez où je veux en venir… Vous arpentez la salle, marchant à grands pas, à droite, à gauche, promenant votre enseignement d'un bout de la classe à l'autre, dispersant les regards et l'attention des enfants qui bientôt sont lassés de vous suivre… N'oubliez pas que pour bien écouter une personne dont la parole nous intéresse, il faut que nous la voyions.

Placez-vous donc devant vos élèves, embrassez-les de votre regard, afin que leurs yeux rencontrent les vôtres sans effort. Ils concentreront leur attention sur ce que vous leur dites ; et si, de plus, votre leçon est animée, vivante, elle pénètrera sans effort dans leur esprit.

 

 

G. J., in Revue pédagogique n° 17, 2ème semestre 1885