Je trouve dans une école des tables vieux système, des bancs sans dossier, avec un écartement beaucoup trop grand : forcément les élèves se tiennent mal. J'en vois plusieurs qui sont assis sur l'arête du banc et qui ont la poitrine appuyée sur l'arête de la table. J'en fais l'observation à l'instituteur.

 

"Que faire, monsieur ?, me répond-il. J'ai demandé le renouvellement du mobilier scolaire ; mais la commune est pauvre ; on m'a répondu qu'on n'avait pas de ressources.

- N'auriez-vous pas pu demander simplement qu'on rapprochât un peu le banc de la table ? Il suffirait pour cela d'un coup de scie et d'une mortaise. Vos tables ne vaudraient sans doute pas des tables avec bancs à dossier ; mais au moins vos petits enfants ne seraient pas forcés de prendre, pour écrire, cette posture vraiment tortionnaire et anti-hygiénique.

- C'est vrai, monsieur, je n'y avais pas pensé. Mais je vais le demander ; et cela, on le fera.

- Un seul tableau noir !

- Oui, monsieur, c'est bien insuffisant. Quand je me suis donné la peine d'y tracer une carte ou un dessin que je voudrais pouvoir conserver pendant quelques jours, je me vois souvent obligé de les effacer, parce que j'ai besoin de mon tableau pour d'autres exercices. J'en ai demandé un second ; mais je n'ai pu l'obtenir.

- Si vous vous étiez contenté de demander qu'à côté de votre tableau on plaçât une planchette verticale, solidement fixée au mur, l'auriez-vous obtenu ?

- C'est probable, mais dans quel but ?

- C'est qu'alors, à l'aide de deux charnières, vous auriez pu y attacher votre tableau ; ce qui vous aurait permis de le retourner et d'utiliser ses deux faces. Une petite tringle, également fixée au mur, sur laquelle il reposerait quand il est étendu, dans l'un et dans l'autre sens, de manière à ne pas fatiguer la charnière, eût complété l'installation, et vous auriez deux tableaux au lieu d'un. C'est bien simple.

- Oui, monsieur ; mais c'est comme l'œuf de Colomb, encore fallait-il y penser.


- J'ai vu dans une école voisine tout le pan de mur qui fait face aux élèves, garni de trois tableaux noirs, placés à la suite l'un de l'autre. Celui du milieu est fixé à la muraille ; les deux autres, à droite et à gauche, sont montés sur charnières et adhérents à celui du milieu ; ce sont comme deux portes qui tournent sur leurs gonds et qui présentent leurs deux faces. Cela fait cinq tableaux noirs qui sont à la disposition de l'instituteur.

Mon collègue est bien heureux, monsieur ; on n'en peut pas trop avoir".

 

I. C., in Revue pédagogique n° 16, 2ème semestre 1885