"C'est mon cahier de Devoirs à la maison", me dit l'élève.

 

Je le feuillette ; chaque page porte un grand signe au crayon bleu qu'y a laissé la main du maître. Je prends deux, trois, dix, vingt cahiers, sur tous je retrouve le même signe. Je lis un de ces cahiers ; il est émaillé de fautes dont pas une n'a été touchée ni même soulignée. Ainsi des autres cahiers. Qu'est-ce alors que ce signe ? un trompe-l'œil ? Le maître a l'air d'avoir corrigé le devoir ; le directeur a l'air de croire que le devoir a été corrigé ; l'inspecteur primaire a l'air d'avoir vérifié. Rien de mauvais comme cette série d'apparences convenues. Et l'élève, que pense-t-il ? qu'il faut avoir l'air de faire son devoir ? Mais, me dit-on, le maître n'a pas le temps de voir chaque jour tous ces devoirs. Je comprends ; qu'il n'en voie que dix, ou moins encore ; mais qu'il les voie vraiment ! Ne faisons rien que de sincère, rien que de sérieux ; et par notre exemple apprenons à nos enfants à ne rien faire que de sincère, que de sérieux.

 

E. A., in Revue pédagogique, 1885