Octobre 2001. Dans un grand lycée situé quelque part, dans l'un de nos T.O.M. C'est l'épreuve du bac blanc, le vrai bac ayant lieu dans moins d'un mois. En classe de Première, les élèves - tous âgés de plus de dix-huit ans - ont à cogiter à partir d'un texte délicieux de Ph. Delerm. Et voici ce qu'ils en tirent... Transmis à Jacquo Chiraquo. Car, comme d'hab', et comme disent ces braves gens, "La France paiera" ! Mais n'allons pas plus avant, sinon gare aux accusations d'injures à caractère raciste. Mais qui, dorénavant, pourra nier que le niveau monte ?

 

 

I. Texte à étudier

 

On entre dans la cave. Tout de suite, c'est ça qui vous prend. Les pommes sont là, disposées sur des claies* - des cageots renversés. On n'y pensait pas. On n'avait aucune envie de se laisser submerger par un tel vague à l'âme. Mais rien à faire. L'odeur des pommes est une déferlante. Comment avait-on pu se passer si longtemps de cette enfance âcre et sucrée ? Les fruits ratatinés doivent être délicieux, de cette fausse sécheresse où la saveur confite semble s'être insinuée dans chaque ride. Mais on n'a pas envie de les manger. Surtout ne pas transformer en goût identifiable ce pouvoir flottant de l'odeur. Dire que ça sent bon, que ça sent fort ? Mais non. C'est au-delà... Une odeur intérieure, l'odeur d'un meilleur soi. Il y a l'automne de l'école enfermé là. A l'encre violette on griffe le papier de pleins, de déliés. La pluie bat les carreaux, la soirée sera longue... Mais le parfum des pommes est plus que du passé. On pense à autrefois à cause de l'ampleur et de l'intensité, d'un souvenir de cave salpêtrée**, de grenier sombre. Mais c'est à vivre là, à tenir là, debout. On a derrière soi les herbes hautes et la mouillure du verger. Devant, c'est comme un souffle chaud qui se donne dans l'ombre. L'odeur a pris tous les bruns, tous les rouges, avec un peu d'acide vert. L'odeur a distillé la douceur de la peau, son infime rugosité. Les lèvres sèches, on sait déjà que cette soif n'est pas à étancher. Rien ne se passerait à mordre une chair blanche. Il faudrait devenir octobre, terre battue, voussure*** de la cave, pluie, attente. L'odeur des pommes est douloureuse. C'est celle d'une vie plus forte, d'une lenteur qu'on ne mérite plus.

 

Philippe DELERM, La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, Gallimard, 1997.

 

*. Claies : étagères en bois sur lesquelles on met les fruits à sécher.

**. Salpêtrée : qui a l'odeur du salpêtre, c'est-à-dire une forte odeur de moisi.

***. Voussure : courbure du plafond en forme de voûte.

 

 

II. Questions posées

 

1. Vous apprécierez, par un relevé méthodique et organisé, l'importance accordée aux sensations. (4 points)

2. Que représentent les pronoms "on" et "vous" ? Quel intérêt présente leur emploi ? (2 points)

3. Dans le premier paragraphe, relevez et expliquez les termes métaphoriques qui expriment l'effet irrésistible de l'odeur des pommes. (2 points)

4. Quels sont les divers pouvoirs attribués à l'odeur des pommes ? Votre réponse se fondera sur une analyse précise du texte et de sa progression. (6 points)

5. Dans un développement composé, vous montrerez comment la sensation fait naître une méditation sur la vie et le temps. (6 points)

 

 

III. Florilège

 

Quels sont les divers pouvoirs attribués à l'odeur des pommes ?

 

"Elle détient aussi un pouvoir que beaucoup d'autres fruits non pas qui est celui d'attirer des personnes de toutes les tranches d'âge que se soit nourrissons qui les mange râpée à la cuillère, enfants et adolescents qui en mangent pour leur goûter, ainsi que les adultes et personnes âgées qui en prennent une ou deux au dessert. La pomme est aimée de par tout le monde car elle attire petits et grands avec tous ses atouts".

"La pomme se sert de tous les pouvoirs qu'elle a pour avoir un maximum de personnes autour d'elle. Elle peut grâce à son parfum attirer même les personnes aveugles, car c'est tout un assemblage de bonnes choses de la nature qui la rend aussi avec une odeur attirante".

 

Vous montrerez comment la sensation fait naître une méditation sur la vie et le temps

 

 

"La pomme fait naître grâce à l'évolution car depuis l'âge où ils allaient à l'école jusqu'à l'âge où ils ont des rides, la pomme a toujours existé et n'a jamais changé d'apparence ce qui les laissent repenser aux jours dans leur enfance où ils prenaient en goûter ou pour un petit creux qui se faisait ressentir, une de ces appetissantes pommes".

"Plus le temps passe, moins ils mangent de pommes car ils ont néanmoins des tâches à accomplir ce qui réduit leur temps de loisirs et les pommes sont consommées moyennement. Il est aussi vrai qu'à cet âge-là, c'est l'aménagement de son petit nid avant de se caser.

Ayant passé cet âge, de mouvement non-stop, enfin les habitudes d'autrefois reprennent leurs places et on a beaucoup plus de temps à consacrer aux loisirs. Une pomme est bienvenue pour couper une soif ou combler un petit creux".

"C'est avec des sensations déjà vécues que les souvenirs restent frais"

 

 


 

 

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