Louis-Michel Le Peletier de Saint-Fargeau (1760-1793), quel incroyable visionnaire ! Naturellement, on ne l'a pas suivi : vous vous rendez compte ? Des enfants bien et uniformément éduqués, dans le respect du travail manuel qui plus est ! Non mais, où irait-on, comme ça ?

 

 

"Les graves difficultés intérieures et extérieures que connaît la Convention n'empêchent pas travaux et discussions de se poursuivre obstinément en faveur de l'organisation d'une éducation nationale. Tour à tour, les projets ou rapports de Marie-Joseph Chénier, Barère, Daunou, Lakanal, Le Peletier, Roume, reprennent en tout ou partie les idées développées par Condorcet"
(L. Decaunes, Réformes et projets de réforme de l'enseignement français de la Révolution à nos jours", IPN, 1962, p. 21).

 

Plan d'éducation nationale
présenté à la Convention nationale
par Maximilien Robespierre le 13 juillet 1793

 

[suite]

 

 

Je propose que, dans chaque canton, la dépense de la maison d'institution publique, nourriture, habillement, entretien des enfants, soit payée par tous les citoyens du canton au prorata de sa contribution directe. Pour rendre la proportion plus sensible, je prends l'exemple de trois citoyens.

Je suppose l'un ayant tout juste les facultés requises autrefois pour être citoyen actif, c'est-à-dire payant la valeur de trois journées de travail, que j'évalue trois livres.

Je suppose à l'autre un revenu de 1 000 livres, qui lui produit 200 livres d'imposition.

Enfin je donne à l'autre 100 000 livres de rente, pour lesquelles il paie une contribution de 20 000 livres.

Maintenant, j'évalue par aperçu la taxe pour l'éducation commune des enfants à une moitié en sus de la contribution directe.

Quelle sera la portion contributoire de ces trois citoyens ?

L'homme aux trois journées de travail paiera pour la taxe des enfants une livre dix sous.

Le citoyen qui a 1 000 livres de revenu, y contribuera pour 100 livres.

Et celui qui est riche de 100 000 livres de rente, mettra pour sa part dans la taxe 10 000 livres.

Comme vous voyez, c'est un dépôt commun qui se forme de la réunion de plusieurs mises inégales : le pauvre met très peu, le riche met beaucoup ; mais lorsque le dépôt est formé, il se partage ensuite également entre tous ; chacun en retire même avantage, l'éducation de ses enfants.

L'homme aux trois journées de travail, moyennant sa surtaxe de 30 sous, se verra affranchi du poids d'une famille souvent nombreuse ; tous ses enfants seront nourris aux dépens de l'État ; avec ce faible sacrifice de 30 sous, il pourra avoir jusqu'à sept enfants à la fois, élevés aux frais de la république.

J'ai cité l'homme aux trois journées, et cependant ce citoyen était dans la classe ci-devant privilégiée, il était doué de l'activité : quelle foule innombrable ne profitera pas, d'une manière encore plus sensible, de la bienfaisance de cette loi ; puisque toute la classe des citoyens ci-devant inactifs, au moyen d'une taxe moindre que 30 sous, jouira du même avantage.

Il est de toute évidence que, depuis la classe des citoyens ci-devant inactifs, en remontant jusqu'au propriétaire de 1 000 livres de rente, tout ce qui se trouve dans l'intervalle a intérêt à la loi.

Même pour le propriétaire de 1 000 livres de rente, elle est utile ; car il n'est aucun citoyen qui, jouissant de ce revenu, ne s'abonne volontiers à 100 livres par an pour la dépense de l'éducation de tous ses enfants. Ainsi tout le poids de la surcharge portera uniquement sur ceux qui possèdent plus de 1 000 livres de rente.

Ainsi, plus des dix-neuf vingtièmes de la France sont intéressés à la loi ; car certainement il n'y a pas plus d'un vingtième des citoyens dont le revenu excède 100 pistoles.

Dans toute cette partie nombreuse de la Nation, je ne vois de lésés que les célibataires ou les personnes mariées et sans enfants ; car ils mettent comme les autres à la masse commune, et ils retirent zéro. Mais je doute que leurs plaintes vous touchent ; ceux-ci ont moins de charge que le reste des citoyens.

D'après ce système, vous voyez qu'il n'y a que le riche dont la taxe se trouverait plus forte que ce qui lui en coûterait pour élever sa famille. Mais dans sa surcharge même, j'aperçois un double avantage : celui de retrancher une portion du superflu de l'opulence, celui de faire tourner cette surabondance maladive au soulagement des citoyens peu fortunés, j'ose dire au profit de la société tout entière, puisqu'elle lui fournit les moyens de fonder une institution vraiment digne d'une République et d'ouvrir la source la plus féconde de prospérité, de splendeur et de régénération.

J'ose le demander, où sera maintenant l'indigence ? Une seule loi bienfaitrice l'aura fait disparaître du sol de la France.

Jetez les yeux sur les campagnes ; portez vos regards dans l'intérieur de ses chaumières ; pénétrez dans les extrémités des villes, où une immense population fourmille couverte à peine de haillons ; connaissez les détails de ces utiles familles là même le travail apporterait l'aisance ; mais la fécondité y ramène encore le besoin. Le père et la mère, tous deux laborieux, trouveraient facilement dans leur industrie ce qu'il leur faut pour vivre ; mais ce pain gagné péniblement n'est pas pour eux seuls, des enfants nombreux leur en arrachent une partie, et la richesse même qu'ils donnent à l'État repousse sur eux toutes les horreurs de la misère.

Là, par l'injustice vraiment odieuse de notre économie sociale, tous les sentiments naturels se trouvent dépravés et anéantis.

La naissance d'un enfant est un accident. Les soins que la mère lui prodigue sont mêlés de regrets et du mal-être de l'inquiétude. Á peine les premières nécessités sont-elles accordées à cette malheureuse créature ; car il faut que le besoin qui partage soit parcimonieux : l'enfant est mal nourri, mal soigné, mal traité ; et souvent parce qu'on souffre il ne se développe point ou il se développe mal ; et à défaut de la plus grossière culture, cette jeune plante est avortée.

Quelquefois même, le dirai-je, un spectacle plus déchirant m'a navré ; je vois une famille affligée ; j'approche : un enfant venait d'expirer ; il était là... et d'abord la nature arrachait à ce couple infortuné quelques pleurs ; mais bientôt l'affreuse indigence lui présentait cette consolation plus amère encore que ses larmes..., c'est une charge de moins.

Utiles et malheureux citoyens, bientôt peut-être cette charge ne sera plus pour vous un fardeau ; la République bienfaisante viendra l'alléger un jour ; peut-être rendus à l'aisance et aux douces impulsions de la nature, vous pourrez donner sans regret des enfants à la patrie. La patrie les recevra tous également, les élèvera tous également sur les fonds du superflu de la richesse, les nourrira tous également, les vêtira tous également ; et lorsque vous les reprendrez tout formés de ses mains, ils feront rentrer dans vos familles une nouvelle source d'abondance, puisqu'ils y apporteront la force, la santé, l'amour et l'habitude du travail.

Quelque considérable que dût être la taxe des enfants, ce ne serait pas un motif suffisant pour se priver des avantages d'une aussi belle institution, puisque cette taxe ne grèverait que le riche ; tandis que les parents dont la fortune est médiocre paieraient au-dessous de ce qu'il leur en coûterait chez eux pour élever leurs enfants.

Mais cette charge ne sera pas énorme, si vous adoptez quelques autres dispositions que je vous propose.

D'abord, le produit du travail des enfants viendra au soulagement de la dépense de la maison ; tout enfant au-dessus de huit ans, c'est-à-dire, plus de la moitié des élèves, peut gagner sa nourriture. Il n'y aura que les enfants de cinq, six et sept ans qui seront en pure charge ; ceux-là recevront sans rien mettre. Quiconque a vu des lieux où fleurit l'industrie, sait qu'on connaît l'art d'employer fort utilement des enfants de huit ans et au-dessus.

Tout consiste à établir un ordre sage et à bien monter la machine.

Ici tous les intérêts concourront à multiplier auprès des maisons nationales d'institution des objets de travaux à la convenance des enfants.

Les citoyens du canton s'occuperont, s'empresseront d'en appeler les occasions, puisque la masse des produits diminuera d'autant la charge qu'ils supportent.

L'ardeur des enfants sera animée par des encouragements qu'un règlement sage présentera à leur émulation.

Les maîtres eux-mêmes recevront des récompenses, lorsque les enfants confiés à leurs soins auront emporté le prix du travail.

Je crois qu'il est encore une autre ressource dont nous pourrons grossir les fonds destinés à nos établissements.

Quelques enfants auront des revenus personnels.

Tant qu'ils seront au nombre des élèves de la Nation, toute dépense cesse pour eux : qu'est-il besoin que ces revenus épargnés chaque année grossissent leurs capitaux pour le moment où ils seront en âge de jouir de leur bien ? N'est-il pas plus naturel que pendant le temps où la Nation prend soin d'eux, leurs revenus soient appliqués à la dépense commune ?

Notre droit positif se joint ici à la raison pour indiquer cet emploi.

Les pères et mères, par droit de garde, jouissaient des revenus de leurs enfants mineurs ; mais l'entretien des enfants en était la condition et la charge : alors la charge passerait à la patrie ; il paraît juste et convenable qu'elle jouisse aussi des avantages.

Voici donc comme je propose de doter nos établissements d'institution nationale.

1. Le produit du travail des enfants.

2. Les revenus personnels des enfants qui y seront élevés pendant tout le temps de leur éducation.

3. Le surplus sera fourni par les produits d'une taxe imposée sur tous les citoyens du canton, chacun dans la proportion de ses facultés.

Je n'ajoute plus qu'une observation pour terminer cet aperçu : c'est que les intéressés devant eux-mêmes administrer, ainsi que je vais le développer dans un instant, la plus sévère économie sera apportée dans les dépenses. Les dépenses se borneront au juste nécessaire. Aucun domestique ne sera employé dans les maisons d'institution : les enfants les plus âgés donneront aux plus jeunes les secours dont ils pourront avoir besoin ; ils seront, chacun à leur tour, le service commun ; ils apprendront, tout à la fois, à se suffire à eux-mêmes, et à se rendre utiles aux autres.

Il n'existera donc, à proprement parler, que trois articles de dépense : les appointements des instituteurs et institutrices, le vêtement, la nourriture des enfants. Je propose de fixer les appointements des instituteurs à 400 livres, et ceux des institutrices à 300, en leur donnant, pour leur nourriture, double portion de celle des enfants les plus âgés. Quant aux vêtements, les étoffes les plus communes y seront employées, et vous pouvez concevoir que les frais n'en seront pas considérables. Tous les citoyens du canton ayant un intérêt commun à l'économie, chacun y mettra un peu du sien ; l'un y mettra son étoffe, l'autre le métier qu'il fait, les mères de famille leur travail ; tous se partageront la tâche à l'envi, et ainsi la charge deviendra plus légère pour tous. À l'égard de la nourriture, les aliments les plus simples et les plus communs, à raison de leur abondance, seront préférés.

Il sera fait état de ceux qui conviennent à la santé des enfants ; et dans le nombre déterminé, on choisira toujours celui que le climat et la saison offrent à moins de frais. Je crois que le vin et la viande doivent en être exclus ; l'usage n'en est point nécessaire à l'enfance ; et pour vous présenter un aperçu de l'utile parcimonie qu'on peut apporter dans les frais de nourriture des jeunes élèves, je vous citerai un fait que tous les journaux du temps ont publié. Dans le grand hiver de 1788, le curé de Sainte-Marguerite à Paris, employa, avec le plus grand succès, une recette composée d'un mélange de plusieurs espèces d'aliments ; il fit vivre fort sainement une multitude immense de malheureux, et la portion d'un homme fait n'allait pas à trois sous par jour.

Maintenant, il ne me reste plus qu'à vous exposer de quelle manière je conçois que doit être organisée l'administration des nouveaux établissements d'institution publique.

Quels autres que les pères de famille du canton pourraient recevoir cette marque honorable de la confiance publique ?

Qui pourrait y apporter un intérêt plus direct ?

Où trouverions-nous une surveillance plus éclairée ?

Les pères de famille ont, tout à la fois, et le droit, et le devoir de couver continuellement des regards de la tendresse et de la sollicitude, ces intéressants dépôts de leur plus douce espérance.

Mais aussi aux pères de famille seuls est dû cet honneur... Le célibataire ne l'a pas encore mérité.

Je propose que, tous les ans, les pères de famille du canton réunis, choisissent, pour chaque maison d'éducation nationale qui y sera établie, un conseil de cinquante-deux pères pris dans leur sein.

Chacun des membres du conseil sera obligé de donner, dans tout le cours de l'année, sept jours de son temps, et chacun fera sa semaine de résidence dans la maison d'institution, pour suivre la conduite, et des enfants, et des maîtres.

De cette manière, il y aura pour tous les jours de l'année un père de famille chargé de la surveillance ; ainsi l'œil de la paternité ne perdra pas de vue l'enfance d'un seul instant.

Le père de famille surveillant aura pour fonction de s'assurer de la bonne qualité et de la juste distribution des aliments, de maintenir l'exécution des règlements pour l'emploi des différentes heures de la journée, d'activer le travail des mains, de dresser l'état des tâches que chaque enfant aura remplies, d'entretenir la propreté si nécessaire à la bonne santé des élèves, de les faire soigner s'ils sont malades, enfin de tenir constamment les enfants et les maîtres dans la ligne étroite des devoirs qui seront tracés aux uns et aux autres.

Une fois tous les mois, le conseil des cinquante-deux pères de famille s'assemblera, et chacun y rendra compte de ses observations, des plaintes ou des éloges dont sa semaine de surveillance lui aura fourni l'occasion.

Je crois utile que quelques membres des autorités constituées soient présents à cette séance, pour qu'ils puissent sans délai porter remède aux abus dont ils acquerraient la connaissance.

Pour l'administration pécuniaire, pour la recette et pour la dépense, le conseil des cinquante-deux pères formera un comité de quatre membres pris dans son sein, dont les fonctions seront de régler tous les achats pour le vêtement, la nourriture et l'entretien de la maison, de prescrire, suivant les saisons, la nature des aliments qui seront fournis aux enfants ; de déterminer les genres de travaux corporels auxquels ils seront employés ; de fixer le prix de leurs tâches ; enfin de tenir tous les registres.

Chaque mois ils présenteront leurs comptes au conseil des cinquante-deux pères de famille, et le double en sera adressé aux autorités constituées.

Telle est l'administration, tout à la fois simple et active, que je propose pour chaque établissement d'éducation. Avec ces précautions, avec cette surveillance, avec cette économie de l'intérêt personnel, nous pouvons être assurés que la taxe toujours légère pour le pauvre et pour le propriétaire d'une fortune médiocre, ne sera jamais excessive même pour le riche. Au surplus, en fait de taxe publique, c'est moins sa mesure qui appauvrit et énerve un état, que sa mauvaise répartition ou son emploi ; or ici les caractères les plus heureux d'une saine économie politique se réunissent ; puisque la taxe proposée n'a d'autres effets que de placer une somme du superflu, pour la verser sur le besoin. La somme d'une dépense qui existait auparavant, celle de la nourriture et entretien des enfants est changée mais alors tous mettaient également, c'était une charge supportée par tête ; aujourd'hui dans mon système, elle devient proportionnelle aux facultés. La pauvreté n'y met presque rien, la médiocrité reste à peu près au même point, l'opulence y met presque tout.

En Angleterre, la seule taxe des pauvres monte à soixante millions ; en Angleterre, dont le territoire et la population ne formeraient qu'un tiers de la France.

Là, une contribution aussi énorme est employée pour guérir une maladie du corps politique. En France, la taxe des enfants opérera des effets plus généraux et plus salutaires, puisqu'elle renouvellera tous les éléments de l'État, qu'elle épurera, pour ainsi parler, tous les germes nationaux, et qu'elle portera dans la République les principes impérissables d'une vigueur et d'une santé toute nouvelle.

Ce mot de taxe des pauvres me fait concevoir une pensée à laquelle je crois quelque moralité.

Nous regardons comme une dette de la société l'obligation de nourrir les vieillards et les infirmes hors d'état de gagner leur vie ; déjà vous en avez reconnu le principe, et vous vous occupez des moyens d'exécution. Pourquoi élever dispendieusement de nouveaux édifices ? Formons une réunion doublement utile : je voudrais que les vieillards à la charge des communes d'un canton, trouvassent leur asile dans une partie des établissements destinés à l'institution publique.

Là, presque sans frais, ils partageraient une frugale nourriture ; là, presque sans frais, ils recevraient les assistances journalières qui leur sont nécessaires : les enfants les plus âgés et les plus forts seraient successivement employés à l'honneur de les servir.

Quelle utile institution ! Quelle leçon vivante des devoirs sociaux !

Il me semble qu'il existe quelque chose de touchant et de religieux dans le rapprochement du premier et du dernier âge, de l'infirmité caduque et de la vigueur de l'enfance.

Ainsi le saint respect pour la vieillesse, la compassion pour le malheur, la bienfaisante humanité, pénétreront dans l'âme de nos élèves avec leurs premières sensations, s'y graveront profondément ; leurs habitudes mêmes deviendront en eux des vertus.

Tel est, Représentants, l'aperçu rapide du plan que je vous soumets.

Jusqu'ici il me semble que tous ceux qui ont traité cette manière se sont appliqués uniquement à former un système d'instruction publique : moi, j'ai cru qu'avant l'instruction, il fallait fonder l'institution publique.

L'une est profitable à plusieurs, l'autre est le bien de tous.

Celle-là propage des connaissances utiles ; celle-ci crée et multiplie des habitudes nécessaires.

Bientôt dans mon plan l'instruction publique aura sa place désignée, c'est une décoration partielle de l'édifice ; mais l'institution publique est la base fondamentale sur laquelle l'édifice entier est assis.

L'institution publique, comme je la conçois, sans nuire aux arts ni à l'agriculture, leur prépare au contraire une nouvelle prospérité ; elle leur emprunte quelques années de l'enfance, mais pour leur rendre bientôt des bras plus vigoureux et doués encore de toute la flexibilité du premier âge.

Ainsi la population recevra de puissants encouragements.

Ainsi les mères, par leur propre intérêt, seront ramenées au plus doux des devoirs, à celui d'allaiter elles-mêmes leurs enfants.

Ainsi jusqu'à cinq ans l'enfance sera moins abandonnée à une pernicieuse incurie ; des encouragements et quelques lumières conserveront à la République une foule innombrable de ces êtres malheureux que la nature constitua pour vivre, et que la négligence condamne chaque année à périr.

Ainsi, depuis cinq ans jusqu'à douze, c'est-à-dire dans cette portion de la vie si décisive pour donner à l'être physique et moral la modification, l'impression, l'habitude qu'il conservera toujours, tout ce qui doit composer la République, sera jeté dans un moule républicain.

Là, traités tous également, nourris également, vêtus également, enseignés également, l'égalité sera pour les jeunes élèves, non une spécieuse théorie, mais une pratique continuellement effective.

Ainsi se formera une race renouvelée, forte, laborieuse, réglée, disciplinée, et qu'une barrière impénétrable aura séparée du contact impur des préjugés de notre espèce vieillie.

Ainsi réunis tous ensemble, tous indépendants du besoin, par la munificence nationale, la même instruction, les mêmes connaissances particulières de l'éloignement du domicile, de l'indigence des parents, ne rendront illusoire pour aucun le bienfait de la patrie.

Ainsi la pauvreté est secourue dans ce qui lui manque : ainsi la richesse est dépouillée d'une portion de son superflu ; et sans crise ni convulsion, ces deux maladies du corps politique s'atténuent insensiblement.

Depuis longtemps elle est attendue, cette occasion de secourir une portion nombreuse et intéressante de la société ; les révolutions qui se sont passées depuis trois ans ont tout fait pour les autres classes de citoyens, presque rien encore pour la plus nécessaire peut-être, pour les citoyens prolétaires dont la seule propriété est dans le travail.

La féodalité est détruite, mais ce n'est pas pour eux ; car ils ne possèdent rien dans les campagnes affranchies.

Les contributions sont plus justement réparties ; mais, par leur pauvreté même, ils étaient presque inaccessibles à la charge : pour eux le soulagement est aussi presque insensible.

L'égalité civile est rétablie, mais l'instruction et l'éducation leur manquent ; ils supportent tout le poids du titre de citoyens ; ont-ils vraiment aptitude aux honneurs auxquels le citoyen peut prétendre ?

Jusqu'ici l'abolition de la gabelle est le seul bien qui ait pu les atteindre, car la corvée n'existait déjà plus, et momentanément ils ont souffert par la cherté des denrées, par le ralentissement du travail, et par l'agitation inséparable des tempêtes politiques.

Ici est la révolution du pauvre... mais révolution douce et paisible, révolution qui s'opère sans alarmer la propriété, et sans offenser la justice. Adoptez les enfants des citoyens sans propriété, et il n'existe plus pour eux d'indigence. Adoptez leurs enfants, et vous les secourez dans la portion la plus chère de leur être. Que ces jeunes arbres soient transplantés dans la pépinière nationale ; qu'un même sol leur fournisse ses sucs nutritifs, qu'une culture vigoureuse les façonne ; que, pressés les uns contre les autres, vivifiés comme par les rayons d'un astre bienfaisant, ils croissent, se développent, s'élancent tous ensemble et à l'envi sous les regards et sous la douce influence de la patrie.

L'enfant est parvenu à douze ans ; à cet âge finit pour lui l'institution publique : il est temps de le rendre aux divers travaux de l'industrie.

L'en séparer davantage, ce serait nuire à la société.

Mais jusque-là la société a payé sa dette rigoureuse envers lui, elle lui a conservé tout ce qu'il reçut de la nature, elle en a même perfectionné les dons dans sa personne : il est susceptible de tout, le sol est fertilisé pour toute espèce de productions. Le jeune élève a les habitudes physiques et morales nécessaires dans tous les états, il a les connaissances d'une commune utilité aux citoyens de toutes les professions : en un mot, il a la préparation, la modification générale qu'il lui importe d'avoir reçue, soit pour le bien-être particulier de sa vie, soit pour constituer utilement une des portions élémentaires destinées à composer la république.

Cependant à cet âge placé entre le jeune et l'enfance, la patrie ne peut pas cesser toute surveillance : des soins sont encore dus à l'adolescence, parce qu'ils lui sont encore nécessaires ; et ici se présentent à nous des questions dont l'intérêt est vraiment digne de l'attention du législateur.

Au sortir de l'institution publique, l'agriculture et les arts mécaniques vont appeler la plus grande partie de nos élèves, car ces deux classes constituent la presque totalité de la Nation.

Une très petite portion, mais choisie, sera destinée à la culture des arts agréables et aux études qui tiennent à l'esprit.

Voyons quels sont les devoirs de la société envers les uns et les autres.

Quant aux premiers, l'apprentissage de leurs divers métiers n'est pas du ressort de la loi. Le meilleur maître c'est l'intérêt : la leçon la plus persuasive c'est le besoin. Les champs, les ateliers sont ouverts, ce n'est point à la République à instruire chaque cultivateur et chaque artisan en particulier ; tout ce qu'elle peut faire, c'est de surveiller en général le perfectionnement de l'agriculture et des arts, surtout d'en développer les progrès par des encouragements efficaces et par les lois d'une saine économie.

Laisserons-nous pourtant à un abandon absolu ces deux classes nombreuses des jeunes citoyens devenus artisans et laboureurs ? Ou plutôt la société ne doit-elle pas continuer encore envers eux les soins de quelque culture morale ?

Voici ce qui m'a paru utile et en même temps praticable.

La semaine appartient au travail, les en détourner serait absurde et impossible ; mais aux jours de délassement, à certaines époques qui seront déterminées, il est bon, il est convenable que la jeunesse retrouve des exercices du corps. Quelques leçons, des fêtes, des rassemblements qui appellent son attention, intéressent sa curiosité, excitent son émulation. Ainsi les heureuses impressions qu'aura reçues l'enfance ne s'effaceront point et sans rien dérober du temps nécessaire aux travaux, le repos cessera d'être oisif, et le plaisir lui-même présentera des instructions.

Vos comités dans un travail vraiment philosophique vous ont offert des moyens d'appeler dans des solennités civiques la jeunesse sortie des premières écoles.

Ici s'achève mon plan par celui de vos comités ; je n'ajouterais rien de neuf, et vos moments sont précieux.

Voici mon projet de décret.

 

 

ARTICLES GÉNÉRAUX


ARTICLE PREMIER

Tous les enfants seront élevés aux dépens de la République, depuis l'âge de cinq ans jusqu'à douze pour les garçons, et depuis cinq ans jusqu'à onze pour les filles.

II

L'éducation nationale sera égale pour tous ; tous recevront même nourriture, mêmes vêtements, même instruction, mêmes soins.

III

L'éducation nationale étant la dette de la République envers tous, tous les enfants ont droit de la recevoir, et les parents ne pourront se soustraire à l'obligation de les faire jouir de ses avantages.

IV

L'objet de l'éducation nationale sera de fortifier le corps des enfants, de le développer par des exercices de gymnastique, de les accoutumer au travail des mains, de les endurcir à toute espèce de fatigue, de les plier au joug d'une discipline salutaire, de former leur cœur et leur esprit par des instructions utiles, et de leur donner les connaissances qui sont nécessaires à tout Citoyen, quelle que soit sa profession.

V

Lorsque les enfants seront parvenus au terme de l'éducation nationale, ils seront remis entre les mains de leurs parents ou tuteurs, et rendus aux travaux des divers métiers et de l'agriculture ; sauf les exceptions qui seront spécifiées ci-après, en faveur de ceux qui annonceraient des talents et des dispositions particulières.

VI

Le dépôt des connaissances humaines et de tous les beaux arts conservé et enrichi par les soins de la République : leur étude sera enseignée publiquement et gratuitement par des maîtres salariés par la Nation.

Leurs cours seront partagés en trois degrés d'instruction : les écoles publiques, les instituts, les lycées.

VII

Les enfants ne seront admis à ces cours qu'après avoir parcouru celui de l'éducation nationale.

Ils ne pourront être reçus avant l'âge de douze ans aux écoles publiques.

Le cours d'étude y sera de quatre années : il sera de cinq ans dans les instituts, et de quatre dans les lycées.

VIII

Pour l'étude des belles lettres, des sciences et des beaux arts, il en sera choisi un sur cinquante. Les enfants qui auront été choisis, seront entretenus aux frais de la République auprès des écoles publiques, pendant le cours d'étude de quatre ans.

IX

Parmi ceux-ci, après qu'ils auront achevé ce premier cours, il en sera choisi la moitié, c'est-à-dire ceux dont les talents se sont développés davantage ; ils seront également entretenus aux dépens de la République auprès des instituts pendant les cinq années du second cours d'étude.

Enfin moitié des pensionnaires de la République qui auront parcouru avec plus de distinction le degré d'instruction des instituts, sera choisie pour être entretenue auprès du lycée, et y suivre le cours d'étude pendant quatre années.

X

Le mode de ces élections sera déterminé ci-après.

XI

Ne pourront être admis à concourir ceux qui, par leurs facultés personnelles, ou celles de leurs parents, seraient en état de suivre, sans les secours de la République, ces trois degrés d'instruction.

XII

Le nombre et l'emplacement des écoles publiques, des instituts et des lycées, le nombre des maîtres et le mode de l'instruction, seront déterminés ci-après.

DE L'ÉDUCATION NATIONALE

Article Premier

Il sera formé dans chaque canton un ou plusieurs établissements d'éducation nationale, où seront élevés les enfants de l'un et l'autre sexe, dont les pères et mères, ou, s'ils sont orphelins, dont les tuteurs seront domiciliés dans le canton.

Pour les villes, les enfants de plusieurs sections pourront être réunis dans le même établissement.

II

Lorsqu'un enfant aura atteint l'âge de cinq ans accomplis, ses père et mère, ou, s'il est orphelin, son tuteur, seront tenus de le conduire à la maison d'éducation nationale du canton et de le remettre entre les mains des personnes qui y sont préposées.

III

Les pères et mères ou tuteurs qui négligeraient de remplir ce devoir perdront les droits de citoyens, et seront soumis à une double imposition directe pendant tout le temps qu'ils soustrairont l'enfant à l'éducation commune.

IV

Lorsqu'une femme conduira un enfant âgé de cinq ans à l'établissement de l'éducation nationale, elle recevra de la République pour chacun des quatre premiers enfants qu'elle aura élevés jusqu'à cet âge, la somme de 100 livres, le double pour chaque enfant qui excédera le nombre de quatre jusqu'à huit et enfin 300 livres pour chaque enfant qui excédera ce dernier nombre.

Aucune mère ne pourra refuser l'honneur de cette récompense ; elle n'y aura droit qu'autant qu'elle justifiera par une attestation de la municipalité qu'elle a allaité son enfant.

V

Il sera rédigé avec simplicité, brièveté et clarté, une instruction indicative des attentions, du régime et des soins qui peuvent contribuer à la conservation et à la bonne santé des enfants pendant la grossesse des mères, le temps de la nourriture, du sevrage, et jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de cinq ans.

VI

La convention invite les citoyens à concourir à la rédaction de cette instruction, à adresser leur ouvrage à son comité d'instruction publique.

L'auteur de l'instruction qui aura été jugée la meilleure, et adoptée par la Convention, aura bien mérité de la patrie, et recevra une récompense de vingt-quatre mille livres.

VII

À la tête de cette instruction, sera imprimé l'article ci-après.

VIII

Les officiers publics chargés de recevoir les déclarations des mariages et des naissances, seront tenus de remettre un exemplaire de cette instruction à chaque personne qui se présentera devant eux pour déclarer son mariage.

IX

Tous les enfants d'un canton ou d'une section seront, autant qu'il sera possible, réunis dans un seul établissement ; il y aura pour cinquante garçons un instituteur, et pour pareil nombre de filles une institutrice.

Dans chacune de ces divisions, les enfants seront classés, de manière que les plus âgés seront chargés de surveiller et de faire répéter les plus jeunes, sous les ordres de l'inspecteur, de l'instituteur ou de l'institutrice, ainsi qu'il sera expliqué par le règlement.

X

Durant le cours de l'éducation nationale, le temps des enfants sera partagé entre l'étude, le travail des mains, et les exercices de la gymnastique.

XI

Les garçons apprendront à lire, écrire, compter, et il leur sera donné les premières notions du mesurage et de l'arpentage.

Leur mémoire sera cultivée et développée ; on leur fera apprendre par cœur quelques chants civiques, et le récit des traits les plus frappants de l'histoire des peuples libres et de celle de la révolution française.

Ils recevront aussi des notions de la constitution de leur pays, de la morale universelle, et de l'économie rurale et domestique.

XII

Les filles apprendront à lire, à écrire, à compter.

Leur mémoire sera cultivée par l'étude des chants civiques, et de quelques traits de l'histoire, propres à développer les vertus de leur sexe.

Elles recevront aussi des notions de morale et d'économie domestique et rurale.

XIII

La principale partie de la journée sera employée par les enfants de l'un et l'autre sexe au travail des mains.

Les garçons seront employés à des travaux analogues à leur âge, soit à ramasser, à répandre des matériaux sur les routes, soit dans les ateliers des manufactures qui se trouveraient à portée des maisons d'éducation nationale, soit à des ouvrages qui pourraient s'exécuter dans l'intérieur même de la maison : tous seront exercés à travailler la terre.

Les filles apprendront à filer, à coudre et à blanchir ; elles pourront être employées dans les ateliers de manufactures qui seront voisines, ou à des ouvrages qui pourront s'exécuter dans l'intérieur de la maison d'éducation.

XIV

Ces différents travaux seront distribués à la tâche aux enfants de l'un et l'autre sexe.

La valeur de chaque tâche sera estimée et fixée par l'administration des pères de famille dont il sera parlé ci-après.

XV

Le produit du travail des enfants sera employé ainsi qu'il suit.

Les neuf dixièmes en seront appliqués aux dépenses communes de la maison ; un dixième sera remis à la fin de chaque semaine à l'enfant, pour en disposer à sa volonté.

XVI

Tout enfant de l'un et l'autre sexe, âgé de plus de huit ans, qui dans la journée précédente, si c'est un jour de travail, n'aura pas rempli une tâche équivalente à sa nourriture, ne prendra son repas qu'après que les autres enfants auront achevé le leur, et il aura la honte de manger seul ; ou bien il sera puni par une humiliation publique qui sera indiquée par le règlement.

XVII

Les moments et les jours de délassements seront employés à des exercices de gymnastique, qui seront indiqués par le règlement. Les garçons seront formés en outre au maniement des armes.

XVIII

Aucuns domestiques ne seront employés dans les maisons d'éducation nationale. Les enfants les plus âgés, chacun à leur tour, et sous les ordres et l'inspection des instituteurs et institutrices, rempliront les diverses fonctions du service journalier de la maison ainsi qu'il sera expliqué par le règlement.

XIX

Les enfants recevront également et uniformément, chacun suivant son âge, une nourriture saine, mais frugale, un habillement commode, mais grossier ; ils seront couchés sans mollesse : de telle sorte que, quelque profession qu'ils embrassent, dans quelques circonstances qu'ils puissent se trouver durant le cours de leur vie, ils apportent l'habitude de pouvoir se passer des commodités et des superfluités, et le mépris des besoins factices.

XX

Dans l'intérieur ou à portée des maisons d'éducation nationale, seront placés, autant qu'il sera possible, les vieillards ou infirmes hors d'état de gagner leur vie, et qui seront à la charge de la commune.

Les enfants seront employés chacun à leur tour, suivant leur force et leur âge, à leur service et assistance.

XXI

Les établissements de l'éducation nationale seront placés dans les édifices publics, maisons religieuses, ou habitations d'émigrés, s'il en existe dans le canton ; s'il n'en existait point, les corps administratifs sont autorisés à choisir un local convenable dans les châteaux dépendants des ci-devant fiefs, après avoir toutefois payé aux propriétaires la juste et préalable indemnité. Enfin, à défaut de ces ressources, il sera pourvu autrement à la formation la plus économique (et par devis) de ces établissements.

XXII

Chaque instituteur recevra un traitement de 400 livres et chaque institutrice 300 livres, ils auront en outre le logement et double portion de la nourriture des enfants les plus âgés.

XXIII

Les dépenses des établissements d'éducation nationale seront supportées ainsi qu'il suit.

Les récompenses fixées par l'article IV ci-dessus, en faveur des mères qui auront allaité leurs enfants et les auront élevés jusqu'à l'âge de 5 ans, ainsi que les traitements en argent des instituteurs et institutrices, seront à la charge de la République.

Quant aux frais d'établissement et d'entretien des maisons d'éducation nationale, à la nourriture et vêtement des enfants et autres dépenses de la maison, il y sera pourvu : 1° par le produit du travail des enfants, sauf la réforme du dixième, dont il est autrement disposé par l'article XV ci-dessus ; 2° les revenus personnels qui pourraient appartenir aux enfants élevés dans lesdites maisons, seront employés à la dépense commune pendant tout le temps qu'ils y demeureront ; 3° le surplus sera acquitté comme charge locale par toutes les personnes domiciliées dans le canton ou section, chacun au marc la livre de ses facultés présumées d'après la cote de ses impositions directes.

XXIV

Pour régir et surveiller chaque établissement d'éducation nationale, les seuls pères de famille domiciliés dans le canton ou section, formeront un conseil de cinquante-deux personnes choisies parmi eux.

Chaque membre du conseil sera tenu à sept jours de surveillance dans le cours de l'année, en sorte que chaque jour un père de famille sera de service dans la maison d'éducation.

Sa fonction sera de veiller à la préparation et distribution des aliments des enfants, à l'emploi du temps et à son partage entre l'étude, le travail des mains et les exercices, à l'exactitude des instituteurs et institutrices à remplir des devoirs qui leur sont confiés, à la propreté et à la bonne tenue des enfants et de la maison, au maintien et à l'exécution du règlement ; enfin à pourvoir à ce que les enfants reçoivent, en cas de maladie, les secours et les soins convenables.

Le surplus et le détail des fonctions du père de famille surveillant sera développé par le règlement.

Le conseil des pères de famille commettra en outre une administration de quatre membres tirés de son sein pour déterminer, selon les temps et les saisons, les aliments qui seront donnés aux enfants, régler l'habillement, fixer les genres de travail des mains auxquels les enfants seront employés et en arrêter le prix.

L'organisation et les devoirs, tant du conseil général des pères de famille que de l'administration particulière, seront plus amplement déterminés par un règlement.

XXV

Au commencement de chaque année, le conseil des pères de famille fera passer au département l'état des enfants qui auront été élevés dans la maison d'éducation nationale de leur canton ou section, et de ceux qui sont morts dans le courant de l'année précédente.

Il enverra pareillement l'état du produit du travail des enfants pendant l'année.

Les deux états ci-dessus dénoncés seront doubles, l'un pour les garçons et l'autre pour les filles.

Il sera accordé par le département une gratification de 300 livres à chacun des instituteurs de la maison dans laquelle il sera mort, pendant le cours de l'année, un moindre nombre d'enfants, comparativement aux autres maisons situées dans le département, et en observant les proportions du nombre des enfants qui y ont été élevés.

Pareille gratification sera accordée à chacun des instituteurs de la maison dans laquelle le produit du travail des enfants aura été le plus considérable, comparativement avec les autres maisons du département, et en observant aussi les proportions du nombre des enfants qui y auront été élevés. Les dispositions précédentes auront lieu pareillement en faveur des institutrices des filles.

Le département fera imprimer chaque année le nom des maisons, celui des instituteurs et institutrices qui auront obtenu cet honneur. Ce tableau sera envoyé au corps législatif et affiché dans chacune des municipalités du département.

XXVI

Pour la parfaite organisation des écoles primaires, il sera procédé, au concours, à la composition des livres élémentaires qui vont être indiqués, et à la solution des questions suivantes.

Livres élémentaires à composer

1°. Méthode pour apprendre aux enfants à lire, à écrire, à compter, et pour leur donner les notions les plus nécessaires de l'arpentage et du mesurage.

2°. Principes sommaires de la constitution, de la morale, de l'économie domestique et rurale ; récit des faits les plus remarquables de l'histoire des peuples libres et de la Révolution française : le tout divisé par leçons propres à exercer la mémoire des enfants, et à développer en eux le germe des vertus civiles et des sentiments républicains.

3°. Règlement général de discipline, pour être observé dans toutes les maisons d'éducation nationale.

4°. Instruction à l'usage des instituteurs et institutrices, de leurs obligations, des soins physiques qu'ils doivent prendre des enfants qui leur sont confiés, et des moyens moraux qu'ils doivent employer pour étouffer en eux le germe des défauts et des vices, développer celui des vertus et découvrir celui des talents.

Le comité d'instruction publique spécifiera par un programme l'objet de ces différents ouvrages.

Tous les citoyens sont invités à concourir à la rédaction de ces livres élémentaires, et à adresser leurs travaux au comité d'instruction publique.

L'auteur de chacun de ces livres élémentaires qui aura été jugé le meilleur et adopté par la Convention, aura bien mérité de la patrie, et recevra une récompense de 40 000 livres.

Questions à résoudre

1°. Quelle est la forme d'habillement complet des enfants de l'un et de l'autre sexe, le plus commode et le plus économique ?

Il sera présenté deux modèles, l'un pour l'habillement des garçons, l'autre pour celui des filles.

L'auteur du modèle qui sera adopté par la Convention recevra une récompense de 3 000 livres.

2°. Quels sont les divers genres d'aliments les plus convenables aux enfants, depuis l'âge de cinq ans jusqu'à douze, et en même temps les plus économiques ?

Les recettes qui seront indiquées par les citoyens, devront autant qu'il sera possible, être variées et multipliées ; ils auront égard aux productions qui sont les plus communes selon la saison et les différents climats de la République. Elles contiendront également pour chaque espèce de climats les quantités qui seront par jour la portion de l'enfant, en graduant les quantités indiquées suivant les différents âges.

3°. Quels sont les soins et attentions physiques propres à conserver et fortifier la santé des enfants ? Quels sont les exercices de gymnastique les plus propres à favoriser leur croissance, développer leurs muscles, et leur donner force, adresse et agilité ?

4°. Quels sont les divers genres de travail des mains auxquels on peut le plus commodément, le plus utilement employer les enfants dans l'intérieur des maisons d'éducation nationale lorsqu'ils ne seront pas occupés à des travaux au dehors ? Et quelle est la méthode la plus simple de partager les tâches et de reconnaître chaque jour facilement l'évaluation de chaque enfant ?

Les citoyens qui présenteront les solutions les plus satisfaisantes sur les trois questions précédentes, et dont les ouvrages auront été adoptés par la Convention, recevront pour chacune des trois questions résolues une récompense de vingt-quatre mille livres.