"[...] Après tout, le vrai coupable, c'est nous, éducateurs, qui perdons un temps précieux à enseigner gravement des connaissances accessoires et secondaires, qu'il est urgent de faire descendre à leur rang pour laisser la place d'honneur aux notions essentielles à la vie physique, aussi bien qu'à la vie intellectuelle et morale.

Comme ils préparent à la société des générations saines de coprs et d'esprit, ces grammairiens qui négligent la pensée et la parole pour fixer sur l'écriture presque toute l'attention des élèves (Le P. Girard)  !

Nous en sommes restés beaucoup trop au fameux programme du Bourgeois Gentilhomme, qui ne tient à étudier ni la morale, ni la physique, parce que l'une l'empêcherait de se mettre à son aise en colère, et parce qu'il y a dans l'autre trop de tintamarre et de brouillamini ; il n'a qu'un désir, il n'éprouve qu'un besoin : Apprenez-moi l'orthographe ! Eh ! Sans doute, apprenons l'orthographe ; mais n'en faisons pas la maîtresse du logis, ce n'est qu'une servante. Ne lui abandonnons pas l'éducation de nos enfants : elle n'est pas à la hauteur de la tâche. Elle gaspille les précieuses années d'école dans des exercices arides et stériles, dans de subtiles distinctions, dans de fastidieuses analyses de mots, alors qu'il faudrait faire provision d'idées justes, de notions exactes, sur nous-mêmes et notre rôle en ce monde. Puisque nos élèves auront bientôt à prendre leur poste dans le combat de la vie, armons-les en conséquence. Ne nous contentons pas de les prémunir contre les pièges que leur tendent nos règles bizarres du participe passé, de même ou de quelque ; avertissons-les des dangers bien autrement sérieux dans lesquels les jetterait infailliblement l'ignorance des lois de la nature...".

 

Félix Cadet, Inspecteur primaire de la Seine, in Revue pédagogique, 1880, 1er semestre, pp. 9-11 - Extrait de Lettres sur la pédagogie (résumé du cours de l'Hôtel de ville, Mairie du 3e Ardt).