On peut au moins constater que j'ai de saines lectures...
Mais non, chère Catherine (tu permets ?) ta grand-mère n'était pas en avance, elle était seulement - si j'ose dire - pleine de bon sens, et d'amour de son métier. Un point c'est tout. Et ça vaut tellement  plus que tout le reste. C'est un de ces sacro-saints inspecteurs, qui te le dit. Allez, je t'embrasse. @+

 

Ma grand-mère paternelle était institutrice et avait de l'instruction de ses élèves une conception toute personnelle qui aurait pu faire se dresser les cheveux sur la tête des sacro-saints inspecteurs s'ils en avaient eu vent. Mais ils ne l'ont jamais soupçonnée, preuve que sa conception était aussi efficiente que sacrilège.

A l'époque du bonnet d'âne, des "cent lignes" et des retenues, elle professait que les bonnes notes font les bons élèves, que chaque enfant a du talent et que rien ne l'oblige comme la confiance qu'on lui accorde. Moyennant quoi, elle encourageait chaleureusement le pire des cancres, oubliait les quinze fautes de sa dictée pour le féliciter d'avoir pensé à accorder un adjectif au nom qualifié.

Elle se réjouissait ouvertement de ses progrès, se félicitait de pouvoir compter sur lui et l'aidait à corriger ses erreurs en le félicitant encore lorsqu'il y arrivait seul (sinon elle donnait un petit coup de pouce à sa science grammaticale). Et les cancres progressaient, reprenaient confiance en eux, et s'attachaient à ne pas décevoir cette institutrice qui leur révélait des dons que personne, et surtout pas eux, n'avait soupçonnés.

Pour les " bons" élèves, elle montrait des exigences à la hauteur de leurs capacités, en leur donnant des exercices d'une difficulté croissante, en le leur disant et en leur rappelant la parabole des talents...

Ils sont encore quelques-uns dans son village de Picardie à se souvenir de cette institutrice hors norme qui pratiquait l'encouragement et jamais le jugement discriminatoire, l'approbation plutôt que le blâme, la confiance et non le désaveu.

J'ai rencontré l'un de ses "cancres". Il a eu l'œil pétillant pour me dire qu'il pensait à elle chaque fois qu'il accordait un participe passé.

Catherine L.

 

in Veillées des Chaumières, n° 2 421, du 31 janvier 2001, p. 33

 

 


 

 

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