Écrites dans  une langue exemplaire, par un homme d'une probité parfaite, devant qui on a plaisir et honneur à se découvrir (l'Inspecteur Général Georges Belbenoît, longtemps Président de l'USEP, et qui nous a quittés récemment, le 28 avril 1999, à 80 ans - aussi bien, il mériterait de faire partie de nos Justes), ces pages sur l'éveil n'ont pas vieilli d'un iota. Nous n'en donnons ici que le premier chapitre (pp. 2-23), le document originel comprenant 149 pages ! On pourra trouver dans le Bulletin de la Société française de Pédagogie (n° 179, juillet-septembre 1974, pp. 25-56), sous le titre "Réflexions d'un profane sur l'éveil", une conférence de G. Belbenoît sur le même sujet (mais plus aisée à lire).
J'associe au souvenir de G. Belbenoît celui de Victor Host (1914-1998). Ceux qui savent me comprendront
Ce texte devait être le pendant des Instructions relatives à l'enseignement du français à l'école élémentaire (circulaire du 4 décembre 1972). Il n'a jamais été publié, parce que... 8;-)...
Mais il faut bien établir une comparaison (qui sera raison, dans ce cas présent) : les dites Instructions relatives à l'enseignement du français à l'école élémentaire occupent, dans la version de l'Imprimerie nationale, 35 pages. Par conséquent, les 146 pages du document Belbenoît, véritable manifeste et formidable profession de foi, ne pouvaient, à l'évidence, être publiées en l'état. C'est donc un document pour l'histoire qu'on trouvera ici. Ce n'est pas un mérite si mince.

 

 

 

I. Introduction

 

Avant 1969, les programmes et horaires de l'école élémentaire faisaient séparément leur place à la morale et à l'éducation civique, à l'histoire et à la géographie, aux exercices d'observation, aux travaux manuels et au dessin, au chant et à l'initiation musicale.

L'arrêté du 7 août 1969 ne comporte plus qu'une rubrique "disciplines d'éveil" couvrant tous ces domaines, un horaire hebdomadaire de 6 heures leur étant attribué globalement (sans autre précision sur la distribution interne).

Les pages qui suivent ont été rédigées à la suite d'une série de stages académiques et nationaux. Elles constituent moins des instructions à proprement parler, qu'un texte d'orientation destiné à alimenter d'abord le travail des équipes d'animation pédagogique dans le cadre de la formation continue, puis la concertation des maîtres, enfin et aussi, bien sûr, la réflexion personnelle de chacun.

Une telle conception est dans la logique de la rénovation pédagogique. Mais elle conduit évidemment à soulever des questions beaucoup plus qu'à fournir les réponses (et celles qui sont suggérées ne sont nullement frappées du sceau de l'infaillibilité : sans être avancées au hasard, elles sont faites pour être discutées, complétées, amendées). Aussi bien, semble-t-il, les maîtres attendent plutôt des encouragements à l'initiative que des directives rigides.

Une première préoccupation a été de répondre à des questions restes en suspens depuis l'arrêté du 7 août 1969 : que sont les activités ou disciplines d'éveil ? Où est l'unité interne de leur groupe ? Quelles sont leurs relations avec les autres activités de l'école élémentaire, dans son cadre traditionnel ou dans un cadre rénové ? Le chapitre I est consacré à cette réflexion préliminaire.

Le chapitre II veut mettre en évidence, sous la variété des activités, (esthétiques, manuelles, scientifiques...), une démarche pédagogique commune, conforme à ce que nous savons de la psychologie de l'enfant comme aux principes de l'éducation permanente et aux besoins d'un monde en mutation. Il s'achève sur la question cruciale de l'éducation morale et civique, considérée comme la clé de voûte non seulement des activités d'éveil, mais de l'ensemble de l'éducation scolaire dispensée par l'enseignement public.

Un troisième chapitre contient quelques recommandations pratiques pour l'élaboration, par les maîtres eux-mêmes, de leur plan de travail.

 

 

II. Le texte en dix points

 

Au total, le texte développe un petit nombre de propositions simples, ni vérités scientifiques, ni points de dogme, mais hypothèses de travail.

1. La notion d’éveil éducatif peut s’éclairer par une réflexion sur les différents niveaux de signification du mot "vigilance", de celle de l’animal à celle du citoyen.

2. La pédagogie d’éveil reconnaît que l’enfant, comme l’adulte, n’apprend que s’il se sent réellement concerné par la connaissance à acquérir, que si le problème à résoudre présente pour lui un sens authentique, lui apparaît comme son problème (alertant par conséquent sa vigilance et engageant sa responsabilité).

3. Cette pédagogie a sa place partout. Mais les activités d’éveil sont celles où elle peut se déployer de la manière la plus libre et la plus féconde, parce qu’elles concernent la relation, une et multiple, de l’enfant à un monde matériel et culturel, concret et imaginaire, intérieur et social, où il agit, observe, et s’observe agissant.

4. Une pédagogie centrée sur les enfants en situation d’apprentissage doit évoluer avec eux. C’est pourquoi sa mise en œuvre est évoquée à deux moments :

- celui où le problème majeur est d’exploiter la crise du passage à "l’âge de raison" et à l’école élémentaire ;

- celui où la préoccupation immédiate est l’entrée dans de bonnes conditions dans le premier cycle secondaire.

5. Une même démarche pédagogique - dite "spiralaire" - assure la continuité de cette évolution et elle la structure, au sein des activités d’éveil (et de chaque activité dans sa transformation en discipline) comme dans l’ensemble des activités éducatives. Schématiquement, elle enchaîne trois phases : la première est d’activité autonome, d’où peuvent se dégager des sujets d’étude significatifs pour les enfants ; la seconde comporte des essais, recherches, apprentissages méthodiques, avec mise en commun des ressources du groupe et apports complémentaires du maître ; la troisième est une synthèse suivie de réinvestissement, les difficultés rencontrées à ce stade fournissant le point de départ d’une nouvelle "spire".

6. Le processus ainsi engagé est par nature indéfini, et la méthode même interdit d’en prévoir le déroulement dans le détail. Cela ne dispense pas les maîtres, bien au contraire, d’avoir des objectifs précis.

Toutefois ces derniers doivent être définis en termes de compétences plus que de connaissances (et notamment de compétences nécessaires pour mener à terme avec profit au moins la scolarité obligatoire). Les différentes activités doivent être analysées comme des moyens d’atteindre ces objectifs - communs à toutes ou à certaines, ou spécifiques.

7. Les plus élevées de ces compétences sont celles qui font l’homme et le citoyen. On ne peut ni s’abstenir de les définir, ni les définir dans l’abstrait. Il faut faire référence explicite à un système de valeurs, aussi ouvert et riche de tensions que le suppose une société comme la nôtre, changeante, pluraliste, conflictuelle. "Tout projet d’éducation est projet de société" : la démocratie exige seulement que ce dernier soit clairement énoncé et librement débattu.

8. Une pédagogie qui enracine l’œuvre globale d’éducation dans les activités d’éveil ainsi conçues implique une évolution de l’organisation du travail et de la vie scolaire, ainsi que de la relation pédagogique, dans le sens de l’ouverture et de la coopération.

9. Elle n’a évidemment de sens que si l’on accepte, avec les conséquences qui en découlent, de concevoir l’homme dans le cadre d’un projet de société démocratique, en tenant compte des données les plus généralement admises de la science contemporaine.

10. La cohérence du projet veut que le maître soit devant son enseignement comme l’enfant devant son apprentissage, c’est-à-dire en position de recherche face à une difficulté qui le concerne personnellement. Cela suppose un style de programmation qui lui laisse une grande marge d’initiative. Celle-ci comporte des risques (pour le maître et pour les élèves). On s’en garantira par le travail d’équipe et par le recours à des réseaux de soutien (qu’il importe donc de faire fonctionner).

 

 

Comme il a été indiqué plus haut, des annexes consacrées aux aspects techniques ou pratiques de tel ou tel champ disciplinaire complèteront ultérieurement le présent "texte dorientation" ; elles pourront d'ailleurs provenir de sources diverses, aussi bien d'expériences locales convenablement validées que des expérimentations conduites par les chercheurs spécialisés, ou des résultats de la recherche fondamentale. Dans tous les cas, elles ne prendront leur sens que par référence au texte commun.

 

 

CHAPITRE I : une réflexion préalable

 

 

I.1. - Qu’entend-on par éveil ?

 

L’éveil ne se prête guère à une définition en forme. La notion est intuitivement admise de tous, mais sans accord explicite sur le contenu.

Dès qu’on la creuse, elle se révèle ambiguë : elle implique à la fois un processus et sa fin. Il importe de savoir comment éveiller l’enfant, mais plus encore à quoi il doit s’éveiller. On peut mettre l’accent sur la fin : les valeurs qui font l’adulte et le citoyen ; ou bien sur la pédagogie par laquelle, en s’aidant de la psychologie génétique, on aide l’enfant à s’éveiller. Avec des enfants jeunes, il semble logique de privilégier la technique pédagogique. Mais dans une perspective d’éducation, au sens plein du terme, le but ne se dissocie pas du chemin. Une classe active, des enfants éveillés et vifs, c’est souvent bon signe, parfois illusion. L’important est de faire des adultes réveillés, critiques, des travailleurs entreprenants, des hommes d’initiative, des citoyens vigilants. L’éveil à soi-même et aux autres, à un monde mouvant et à une société conflictuelle, débouche sur la culture et la démocratie, qui ne peuvent prospérer qu’ensemble. Et c’est pourquoi l’éducation morale et civique est à sa place - au sommet - parmi les activités d’éveil.

 

 

Qu’est-ce que s’éveiller ? Bien des choses...

 

C’est d’abord sortir de l’inertie, de la torpeur, de l’insensibilité : c’est voir, entendre, sentir... Mais en sachant se reprendre au flux des images : c’est regarder, écouter, goûter, bref gouverner la sensation, pour la science ou pour la poésie (poésie des mots, de la matière, du mouvement, poésie que l’on crée, poésie dont on se nourrit en la recréant, et qui est mode de pensée autant qu’essor de la "faculté inventive").

Cet éveil sensoriel est premier. Très vite pourtant s’y associent l’éveil de l’esprit et du cœur. S’éveiller, c’est s’étonner, vouloir comprendre ; c’est identifier, dans la complexité du réel, des problèmes à résoudre, chacun selon leur ordre, esthétique ou intellectuel, technique, pratique, éthique - dans la perspective, là encore, de la science ou de la poésie, mais aussi de la prosaïque vie quotidienne (après tout, c’est la vraie vie). Dans cet effort vers l’intelligible, et s’il ne l’a senti déjà d’instinct, l’enfant éprouvera que l’on n’est jamais tout à fait seul ni absolument indépendant : de multiples liens enchaînent l’homme - ou l’encordent, c’est selon -, mais en tous cas le font solidaire de son milieu de vie et des autres hommes, proches ou éloignés dans l’espace et le temps, par l’apparence, par les mœurs, par les idées. Et le maître alimentera sans peine à cette expérience le sentiment de la fraternité des hommes face à leur commune aventure, et le sens de la justice, l’un l’autre se renforçant et débouchant sur l’action.

Car finalement s’éveiller, c’est se prendre en charge et retrousser ses manches. C’est mesurer ce qu’on peut par soi-même, ce que peut le groupe, les responsabilités respectives qui en découlent, et s’engager selon ce qu’on juge le meilleur, pour son compte et avec les autres. C’est en tout cas - sauf par méthode - refuser l’indifférence et la passivité : l’éveil est, tout ensemble, prise de conscience et prise de responsabilité.

 

 

On rapprochera avec fruit, de cette notion d’éveil, d’autres qui sont voisines et associées, vigilance et disponibilité. Ce n’est pas ici le lieu de les analyser. Indiquons simplement qu’elles représentent ce même foisonnement, cette épaisseur, cette complexité qui caractérisent l’être humain. Sans se laisser prendre aux métaphores, on réfléchira sur les continuités, ou les analogies, qui relient les différents étages, des régulations de la vigilance organique aux attitudes morales, aux dispositions générales de la personne qui permettent d’être « toujours prêt » (que ce soit pour cueillir l’instant ou décider face à l’événement aussi bien faire que pour faire ce qu’on doit). La réflexion doit d’ailleurs dépasser l’individu et s’étendre aux groupes, aux classes, aux nations...

On en déduira que toutes les sciences de l’homme (qu’elles étudient ses structures ou ses comportements, individuels ou collectifs) ont beaucoup à apporter ici ; que la référence au scoutisme est pertinente de bien des façons ; qu’il ne saurait y avoir de frontière étanche entre les activités d’éveil et la pédagogie des conduites motrices (plus couramment appelée éducation physique).

Et l’on reconnaîtra peut-être aussi, dans la vogue actuelle du concept de disponibilité, un symptôme du mal de ce siècle, cette impatience générale de contraintes plus mal tolérées à mesure qu’elles sont mieux identifiées, cette aspiration insatisfaite à vivre soi-même sa propre vie dans ne convivialité retrouvée... Nous n’en mourons pas tous, mais toutes les catégories, nantis comme exclus, fournissent aujourd’hui leurs contingents d’aliénés, de drogués et de frustrés, piégés, manipulés, conditionnés, paumés ; pris dans les engrenages ou les discours jamais innocents ; transportés en commun avec la foule solitaire des hommes unidimensionnels ; prisonniers de leurs stéréotypes moteurs, mentaux, de classe ; snobs, sectaires et racistes en tous genres ; tous vaguement culpabilisés, balançant entre la contestation de droite ou de gauche et la reconquête par chacun de ses responsabilités, personnelles ou partagées. Une réflexion sur l’éveil ne peut ignorer ce fond de tableau.

Il n’y a pas d’éveil en soi : on s’éveille en situation, sur son territoire et dans son temps, dans une conjoncture historique, géographique, socio-économique et culturelle déterminée, dont dépendent non seulement les possibilités d’accomplissement de chacun, mais jusqu’à l’idée qu’il peut se faire de sa dignité et des chemins de son épanouissement.

On s’éveille au sein d’un groupe social, structuré par son histoire, ses institutions et sa culture, structurant les nouveaux venus par l’éducation, où s’expriment ses attentes, ses exigences, ses contradictions et ses conflits. On ne s’éveille pas à la société du développement industriel et des crises de croissance, au monde de l’information de masse et de la culture de masse, comme on s’éveillait jadis à une société rurale, plus soucieuse, sous son horizon restreint, de continuer que d’évoluer.

Aussi la réflexion sur l’éveil et sa pédagogie ne peut-elle faire abstraction de la société dont l’école est un organe ; et cela dans tous les cas, que l’éducateur accepte l’ordre des choses ou qu’il veuille changer la vie. Il nous faut inventer une pédagogie applicable, sans reniement personnel ni manquement à une déontologie jusqu’ici implicite, par tout enseignant de bonne foi : c’est un problème fondamental pour l’école laïque d’une démocratie où les citoyens sont idéologiquement divisés (entre eux, et, pour beaucoup, dans leur for intérieur) et s’en voient reconnaître le droit.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’éveiller des enfants (ou plutôt les aider à s’éveiller) est une opération complexe : elle se déroule dans un champ d’interactions multiples et d’équilibres instables, où l’organisme humain cherche à s’établir dans son environnement matériel et culturel, parmi les mots, les signes et les choses, où une personnalité naissante rencontre une attente sociale, au milieu de valeurs hétérogènes, qu’il appartient à chacun, tout au long de sa vie, de concilier dans l’action. Car l’éveil, répétons-le, n’est que le début d’une longue entreprise : au niveau élémentaire, c’est le processus par lequel, avec l’aide de leur maître, des enfants commencent ensemble à construire leur autonomie, d’individus et de groupes, à se faire leur place dans le monde, tel qu’il les attend, à s’y rendre disponibles, chacun pour son aventure personnelle, tous pour l’aventure collective...

Un tel concept, c’est évident, délimite moins un domaine d’activité qu’il n’appelle une pédagogie, applicable dans tout le champ de l’action éducative, à l’école et ailleurs. Pédagogie que l’on caractériserait sans doute suffisamment en disant qu’elle requiert avant tout du maître la vigilance et la disponibilité de l’animateur, mais que les rapprochements qui suivent aideront mieux à cadrer.

 

 

I.2. - La pédagogie de l’éveil

 

Par opposition à une pédagogie de formation, qui se règle sur un modèle préconçu (poste de travail, par exemple, ou concours à préparer), la pédagogie de l’éveil est une pédagogie du développement, qui ne préjuge pas. Quoi qu’on fasse, elle le sait, l’enfant se forme plus qu’on ne le forme. Il n’y a pas lieu de s’en affliger : les enfants manifestent au contact du réel, dès qu’il les intéresse, une curiosité naturelle, un appétit spontané de savoir-faire, une étonnante capacité d’apprendre. Toutefois, ces tendances ne vont pas d’elles-mêmes à leur fin, comme en vertu d’un programme génétique ; il faut les exercer et les guider. Mais sans perdre de vue que toute éducation se propose de rendre le sujet apte à continuer tout seul. Pour toutes ces raisons, il faut moins fixer à l’avance aux divers apprentissages un calendrier et une progression , que les accompagner et les soutenir discrètement dans leur démarche imprévisible, en respectant les rythmes de croissance, ceux de l’espèce comme ceux de chacun.

C’est aussi une pédagogie de la situation, qui, au lieu d’instituer autour de l’élève un espace de culture, idéal et intemporel, ne sépare pas les enfants de leur environnement. Leur apprendre à se repérer dans l’espace et le temps réels, à se situer parmi leurs pairs et parmi les hommes, dans des chaînes et des réseaux de responsabilité et de solidarité par rapport à divers ordres de valeurs, c’est les aider à identifier le cadre où ils vivent et ses implications. C’est éviter la rupture apparente entre deux mondes, celui de l’école, celui de la vie, le désintérêt et l’angoisse qui en découlent au détriment de l’action éducative elle-même. Et c’est leur permettre de s’instruire, progressivement, des réalités d’un monde où rien n’est donné gratis, où chacun, enfant ou adulte, a certes des droits à faire valoir (et à respecter chez autrui), mais surtout des efforts à fournir et des risques à prendre, pour que ne soient ni dissipé le patrimoine culturel, ni galvaudée la peine des hommes.

C’est en effet une pédagogie de la responsabilité et de la solidarité. Progressivement, elle se fait pédagogie du projet, individuel ou d’équipe, puis du contrat, librement souscrit devant un garant, maître ou classe, et préparant ainsi la voie, pour plus tard, à une pédagogie du choix - jamais sans risque. Le maître limitera celui-ci, dans les premiers stades, en veillant à ménager entre ambitions et possibilités juste le décalage qui rend le succès stimulant par sa difficulté même, et l’erreur féconde parce que repérable et réparable. En ce sens, la pédagogie d’éveil est aussi pédagogie de la réussite, c’est-à-dire de l’obstacle surmonté, du défi relevé.

Active, ouverte, suscitant et exploitant l’étonnement de chacun devant le vécu, la pédagogie de l’éveil est enfin pédagogie de la communication et de la coopération. Même hors de l’institution, l’enfant ne profiterait guère du contact avec l’environnement s’il ne pouvait bientôt confronter avec autrui (de préférence avec ses pairs) ses trouvailles ou ses hypothèses. Et c’est le groupe qui, de son mieux et avec un bonheur inégal, explore, confronte, discute : qui cerne les problèmes, critique les solutions et les met au point, qui nuance et assied les jugements, arrête les décisions, au terme de débats qu’il faut apprendre à ordonner, sur des questions qu’il faut apprendre à formuler. La classe - quand elle ne cède pas la place à des groupements variables - n’est plus seulement un rassemblement d’élèves venus entendre un maître, c’est un système d’interaction où les rôles sont plus complexes. La coopération y exprime un projet collectif, une ébauche de société, où l’on s’efforce à mettre en commun créations et découvertes, enrichies des apports extérieurs disponibles, comme on fait dans toute société. Et par là encore, sous des apparences nouvelles, le maître retrouve la plénitude de son rôle propre. Car sa maturité et sa compétence d’adulte le désignent dans le groupe pour indiquer l’accès aux sources de savoir, informations contemporaines et legs des générations, le qualifient pour guider les enfants dans leur passage de la communauté scolaire à la cité des hommes - qu’il représente auprès d’eux.

 

 

Cette pédagogie appelle dans l’école un climat, un style de vie, une relation pédagogique appropriés. Elle suppose que les élèves aient réellement, à leur mesure, des initiatives à prendre, seuls ou par petits groupes, dans la recherche ou la création. Les réseaux de communication dans l’école et dans la classe, doivent se diversifier, sans polarisation permanente sur le maître ; la classe et l’école doivent s’ouvrir largement aux sollicitations, accueillies ou provoquées, de l’environnement et de l’actualité. Face au message extérieur, oral, écrit, audiovisuel..., maîtres et élèves commencent par écouter, regarder, discuter, réfléchir ensemble, avant de se prononcer et de juger. Et le maître, au milieu des élèves, est moins celui qui sait, dirige et sanctionne que celui qui cherche avec eux, qui avec eux essaye de comprendre et d’aider à comprendre. Car il est rare que le message extérieur soit limpide, qu’il n’admette qu’une seule interprétation. Le plus souvent l’analyse laisse subsister une marge résiduelle d’incertitude. Elle est dans la nature des choses - il est sain d’en prendre conscience. Cela dit, le maître ne perd pas de vue que son rôle (quelque discrétion qu’il y mette parfois) va bien au delà de ces apparences : en toute circonstance il sait où il va, et c’est en fonction de cette intention éducative qu’il guide, oriente, stimule...

Mais il ne peut le faire qu’en cherchant à saisir ce que ses élèves vivent, à rétablir sans cesse de délicats équilibres entre ses visées pédagogiques et les réalités de la classe, entre les actions du groupe et les besoins de chacun. Le maître, face au processus éducatif, est comme le groupe devant le milieu étudié, à la fois dedans et en situation d’observateur, dans une attitude de recherche critique et créative. La position est peu confortable, en l’absence d’une certitude scientifique ou dogmatique : la sécurité qu’il apporte aux enfants par sa présence, le maître ne peut la trouver, lui, que dans la concertation et le travail d’équipe avec ses collègues.

Bref, c’est à une nouvelle façon de penser et de vivre leur métier que la pédagogie d’éveil appelle les maîtres. Et cela vaut pour la totalité de l’enseignement élémentaire.

Mais alors, pourquoi distinguer des activités d'éveil ? Ont-elles une réalité spécifique ?

 

 

I.3. - Spécificité des activités d'éveil

 

1.3.1. Éveil et instrumentalité

 

Comme le mot le suggère, l'éveil est d'abord actualisation et première mise en œuvre, par le sujet alerté, des capacités qui lui semblent le mieux répondre aux exigences de la situation. Souvent cette réaction suffit, qu'elle soit réflexe naturel, automatisme acquis, réussite inspirée. Mais il arrive aussi que l'élan vers la connaissance ou la création se heurte à des résistances ou à des impossibilités. C'est alors qu'interviennent les apprentissages. Pour franchir l'obstacle, il faut d'abord s'approprier des moyens et des techniques mis au point par d'autres : le sujet fait des gammes, expérimente pour son compte les procédés graphiques ou manuels d'autrui, se familiarise avec des dispositifs ou des méthodes d'observation, de mesure ou d'interprétation : on apprend de même manière le calcul ou la grammaire pour surmonter d'éventuelles insuffisances de l'intuition ou de l'expression.

Toute discipline ou activité scolaire comporte ainsi une part d'éveil et une part qu'on peut appeler d'instrumentalité. Éveil et instrumentalité sont complémentaires, et doivent être articulés avec soin. Le démon du bien pousserait parfois à munir l'enfant d'instruments (utiles en soi) sans attendre qu'il ait ressenti le besoin de s'en servir, à lui enseigner le solfège avant qu'il ne se soucie de musique, les lettres avant qu'il n'ait envie de lire : dressage mortel pour l'éveil ! Mais l'erreur serait aussi grave de laisser chaque enfant réinventer à son usage des solutions disponibles à portée de la main, après des millénaires de mise au point. Expérimenter par soi-même et interroger les documents ou les modèles, ce sont deux démarches complémentaires, présentes à un moment ou à un autre dans tout processus d'éveil, comme dans tout apprentissage bien conçu.

Il n'en est pas moins vrai qu'au stade élémentaire, il y a des activités où l'éveil prédomine encore, et d'autres où l'instrumentalité requiert déjà une part beaucoup plus grande de l'attention. Même dans le cadre d'une pédagogie d'éveil généralisée, il reste de bonnes raisons de grouper les matières, soit sous la dominante instrumentale, soit sous celle de l'éveil.

 

1.3.2. Disciplines instrumentales et activités d'éveil

 

Sont dites instrumentales (ou fondamentales) des disciplines où l'on ne peut progresser que par étapes à parcourir dans un ordre donné, à partir chaque fois d'acquisitions antérieures fortement structurées, leur organisation, perçue ou non par l'élève, revêtant un caractère objectif. L'enfant manie d'abord sa langue maternelle sans en saisir les règles : elle est quand même un système organisé (qu'il utilise comme tel, même si c'est de façon rudimentaire et peu orthodoxe). La mathématique en est un aussi, même si l'initiation à son emploi gagne à débuter par une phase d'éveil et d'expérimentation libre. Cette organisation préexistante facilite d'ailleurs un apprentissage méthodique précoce. Celui de la langue peut exploiter l'usage quotidien qu'en fait l'enfant (après six années déjà, au moins, d'apprentissage informel) lorsqu'il parle et lorsqu'il écoute, hors de l'école come à l'école. En mathématique, on peut s'en tenir au niveau le plus simple, aux opérations les plus couramment utilisables – comme instruments – dans les autres compartiments de l'activité scolaire, celui de l'éveil en particulier. Et c'est précisément parce qu'ils servent ainsi tous les apprentissages ultérieurs, parce qu'ils aident notamment les activités d'éveil à se structurer en disciplines, qu'il paraît si urgent de mettre au point l'usage instrumental de ces deux outils ou langages "fondamentaux".

Les activités d'éveil se prêtent mieux que les disciplines instrumentales à une progression discontinue, plus libre, selon des itinéraires variés, ce qui ne veut pas dire qu'on ne sait pas où l'on va.

Elles permettent de multiplier les essais sans liaison, du moins apparente, (car on ne les abandonne pas au caprice, en oubliant leur objectif, la rigueur et la méthode qu'il exige). On peut y construire un puzzle, mettre en place des pierres d'attente ; non pour aboutir à une mosaïque de hasard, mais au contraire à un réseau si cohérent qu'on peut en suivre les mailles dans un ordre longtemps indifférent. Ainsi peut-on s'adapter avec souplesse à l'imprévu de l'actualité ou des curiosités enfantines, et attendre que les jeunes esprits soient assez mûrs pour saisir des relations finalement plus subtiles, plus éloignées aussi de leurs préoccupations spontanées.

Il est plus difficile de réfléchir sur une expérience confuse, des documents complexes, des problèmes concrets que d'exprimer des relations simples ou de jouer, même sérieusement, avec des mots et des symboles. Et il est difficile aussi d'appréhender l'histoire, ou la musique, ou un art plastique, comme système ordonné de méthodes et de techniques (il y a d'ailleurs des nuances sensibles entre connaissance du milieu et activités d'expression, ces dernières s'apparentant davantage, par leur genèse, à la langue ou à l'activité motrice qu'à l'histoire ou à la biologie).

Mais même en sachant attendre que le temps en soit venu, le maître doit dès le départ se rappeler qu'un jour ces disciplines devront être abordées en tant que telles : il se gardera d'entamer prématurément les apprentissages proprement dits ; mais il saura mettre à profit toute occasion de susciter l'intérêt des enfants pour les méthodes et les techniques, en tant que moyens concrets de surmonter des difficultés et insatisfactions effectivement éprouvées. C'est là proprement éveil aux disciplines… Mais d'abord et surtout, activité d'éveil.

L'éducation physique et sportive occupe une position intermédiaire. On peut la considérer comme discipline instrumentale, dans la mesure où elle conduit à des savoir-faire codifiés (sports ou danses, par exemple) nécessitant des apprentissages méthodiques à un moment ou à un autre. La pédagogie d'éveil s'y montre d'ailleurs aussi efficace qu'en mathématiques, même si une tradition encore vivace fait croire, en ce domaine longtemps conçu comme d'enseignement "spécial", à la vertu du dressage, de l'effort imposé, du montage d'automatismes.

Mais elle est aussi activité d'éveil – presque par excellence – quand elle va de la motricité spontanée, nourrie sans doute d'apports culturels, vers la disponibilité corporelle, inspirée ou non de modèles, et ses applications multiples, par une démarche analogue à celle qui conduit en français du texte libre à la conquête du style (à toutes fins).

De part et d'autre de cette activité charnière, on peut donc bien distinguer deux groupes de matières. Identifiables, significatives, les différences qui les séparent sont de dosage, non de nature. Elles expriment une priorité d'urgence, d'ailleurs temporaire, non une hiérarchie de valeurs : que les unes soient dites fondamentales ne rend pas les autres accessoires. Lire, écrire, compter, c'est indispensable, ce n'est pas une fin en soi : l'important, c'est l'usage qu'on en fera, notamment pour défricher ou déchiffrer le domaine de l'éveil, c'est-à-dire le monde, extérieur et intérieur. Sans la maîtrise du langage ou de l'outil mathématique on est fort dépourvu, mais si l'on ne sert pas pour comprendre le monde et y conduire sa vie, ces savoirs perdent leur raison d'être. Finalement, disciplines instrumentales et activités d'éveil valent surtout les unes par les autres, par leur liaison et leur association systématique. Elles sont plus convergentes que complémentaires : toutes peuvent et doivent à la fois contribuer à former la personnalité, à fournir les cadres de la pensée logique, à enseigner la méthode et la rigueur, à stimuler la curiosité, l'esprit de découverte, la hardiesse de création, l'initiative, l'imagination. Aussi faut-il le plus possible les employer ensemble à résoudre des problèmes vécus, tels ceux que posent l'expérience motrice ou esthétique, l'exploration du milieu naturel et humain. Il s'agit moins d'équilibre que d'unité, celle-ci n'excluant pas les différences spécifiques.

 

 

I.4. - Unité de l'éveil

 

Cette unité dans la diversité, qui caractérise les rapports entre disciplines instrumentales et activités d'éveil, se retrouve aussi à l'intérieur de ce dernier groupe.

On a eu parfois tendance à limiter le domaine de l'éveil à l'exploration du milieu, l'éducation artistique apparaissant comme d'un autre ordre. C'est privilégier à l'excès non seulement le cognitif, mais l'intellectuel. En fait, il n'y a même pas lieu de séparer formellement les activités d'éveil à dominante "intellectuelle" - ou objective (sciences de la nature et sciences de l'homme) et activités d'éveil de caractère subjectif.

Non qu'il n'y ait des différences. Dans le domaine esthétique et le domaine moral, seul le sujet lui-même peut en dernier ressort juger si son œuvre ou sa conduite répondent à son intention, si son plaisir comble son attente. Dans le domaine scientifique, c'est le réel extérieur qui arbitre, la vérification sur pièces mettant fin à la controverse et imposant un consensus que goûts et couleurs récusent.

Mais cette polarité n'exclut pas l'unité du champ de l'éveil. D'abord parce que les choix apparemment les plus personnels dans l'ordre esthétique ou moral n'échappent pas aux influences extérieures de la mode, des mentalités, du qu'en dira-t-on. Et parce que la subjectivité n'est pas absente non plus, pour le meilleur comme pour le pire, de la démarche du savant. Mais surtout parce que l'éveil, comme le langage, n'intéresse pas seulement l'intelligence : il s'agit d'éveiller la totalité d'un être vivant pour lequel les rapports sensoriels sont aussi objets et moyens de connaissance, et par là-même instruments d'adaptation au milieu. Et sans doute la technologie, l'art et les mœurs façonnent-ils celui-ci : il ne cesse pour autant d'obéir aux lois de l'écologie. Il faut se garder de réduire les activités d'éveil à l'étude du milieu, à l'initiation scientifique, en excluant l'élève, paradoxalement, de l'une et de l'autre ; il faut au contraire associer ces démarches à une éducation esthétique qui est connaissance sensible autant qu'initiation aux arts : c'est un signe (l'intégration de l'E. P. S. en est un autre) que l'on prend en charge l'enfant dans sa totalité et non sa seule intelligence, que l'on conçoit l'éducation comme un tout.

Au centre de l'action éducative, il y a l'enfant, aux prises avec ses semblables, avec son milieu, par leur intermédiaire avec lui-même. Il lui faut conquérir son autonomie comme apprendre à vivre en société ; à retrouver, au-delà des apprentissages, sa disponibilité : non plus la disponibilité passive ou instinctive de celui qui n'a encore rien essayé, mais la disponibilité de maîtrise et d'initiative de l'homme en pleine possession de ses moyes, de sa technique et de son métier. Toutes les disciplines et activités ne visent qu'à l'y aider, chacune par ses voies propres. Parmi elles, les activités d'éveil sont autre chose qu'une collection disparate de matières ayant pour seul trait commun de n'être ni le français, ni la mathématique, ni l'E. P. S. Elles ont leur unité organique, elles sont le lieu du dialogue avec l'environnement naturel et culturel, celui où se rencontrent les autres disciplines et où l'éducation rejoint la vie. C'est même là probablement que s'appréhende le mieux ce qui les distingue, toutes ensemble, des disciplines fondamentales. Derrière toute éducation, toute culture, il y a ce dialogue du sujet avec son environnement, hors duquel il n'est rien et qui sans lui est indéterminé. Dans les activités orientées vers la connaissance du milieu ou vers la création concrète, le pôle environnement a plus de consistance objective que dans la mathématique et la langue : mathématiser est un acte de l'esprit, le langage est à ce point dès l'origine incorporé à toute pensée que le sujet s'identifie à ce qu'il dit, ne fût-ce qu'intérieurement (c'est particulièrement vrai de l'enfant encore incapable de pensée objective). C'est par là que, dans une perspective génétique, comme dans un souci d'éducation au sens plein du terme, les activités d'éveil constituent le domaine d'élection pour une pédagogie globale prolongeant celle de l'école maternelle. Et leur pleine intégration s'impose pour donner à l'école élémentaire le style qui convient à ses finalités d'aujourd'hui.

 

 

 

I.5. - Continuité et évolution : des activités vers les disciplines

 

Il reste un point de terminologie à élucider : si l'arrêté du 7 août 1969 parle de "disciplines d'éveil", les circulaires qui l'ont suivi ont volontiers utilisé le terme "activités d'éveil".

Activités d'éveil, disciplines d'éveil, ce n'est pas la même chose, mais ce sont deux phases d'une même entreprise. La phase initiale d'amorçage et de découverte doit se plier, nous l'avons dit, à l'imprévu des évènements comme des réactions enfantines : le terme d'activités lui convient mieux. Mais on risquerait la stérilité à s'installer dans ce dynamisme pur et sans but. C'est pour y parer qu'on a proposé parfois de parler, plutôt que d'éveil tout court, d'éveil à l'histoire, ou à la musique, bref d'éveil à des disciplines-d'éveil ! Ce qui est vrai, par delà ces jeux de mots, c'est que les activités d'éveil doivent peu à peu sortir de leur globalité originelle. Tout en respectant le rythme de la maturation mentale, elles doivent s'organiser peu à peu en disciplines, comportant une part croissante d'instrumentalité, et ne le cédant finalement en rien, pour la rigueur des structures et les exigences méthodologiques, aux disciplines instrumentales. Mais même une fois structurées, ces disciplines resteront d'éveil bien au delà du terme de la scolarité élémentaire : elles conserveront ce rôle propre de garder les esprits disponibles face aux objets toujours nouveaux que propose chaque étape dans l'exploration d'un monde en perpétuelle évolution, d'entretenir la créativité, de prémunir cotre la routine, l'asservissement aux stéréotypes et l'ennui.

Les activités se transforment en disciplines selon une logique interne propre à chacune, mais plus encore en fonction du temps qui métamorphose l'enfant de six ans, sortant de l'école maternelle, en fille ou garçon de onze ou douze ans, prêt à entrer au collège. Parallèlement, dans le domaine de l'éveil comme ailleurs, la pédagogie initiale de développement laisse une place croissante à la pédagogie de formation au fur et à mesure qu'approchent les paliers d'orientation, que les déterminations se dessinent et s'imposent. Maturation et structuration vont ainsi de pair : on n'oubliera dans la mise en œuvre des recommandations qui suivent, ni les différences entre début et fin, ni la continuité du processus. Nous allons donc présenter les activités d'éveil successivement à deux stades :

- celui qui part du C.P. [on conservera ici provisoirement cette terminologie évidemment désuète, parce qu'elle fournit dans l'immédiat des repères familiers] où, dans le prolongement de l'école maternelle, la conduite des activités relève de l'animation plus que de l'enseignement ;

- celui qui se termine avec le C. M. 2, où les activités amorcent leur structuration en disciplines, dans la perspective du premier cycle secondaire, second cycle de la scolarité obligatoire.

On ne se hasardera pas à fixer une frontière entre ces deux stades. Au demeurant tous les groupes - ni tous les membres d'un même groupe - ne progressent pas au même rythme. Il ne faut pas non plus accuser trop le contraste entre les deux styles : les différences n'empêchent pas la continuité. Telle suggestion présentée en première phase vaudra peut-être, à quelques modulations près, plus encore pour l'aval, et inversement. Les indications données ici ne sont que des dominantes : c'est sur le terrain qu'il faut ajuster l'action.

 

 

Un mot encore, avant d'aborder le détail, pour clore - provisoirement - cette réflexion sur l'ensemble. La pédagogie d'éveil, c'est avant tout, chez le maître, une attitude, un état d'esprit, fait, nous l'avons suggéré, de vigilance et de disponibilité. Vigilance, grâce à laquelle il perçoit ce qui se passe effectivement dans le groupe (ou chez tel enfant) en situation d'apprentissage, et qui exige souvent qu'on s'écarte du plan de manœuvre (ou de leçon), si bien préparé. Et disponibilité, pour la relation d'aide qui remplacera de plus en plus le magistère traditionnel. Ces dispositions prennent appui sur des techniques, mais elles comptent plus. Aussi faut-il se garder de séparer le comment du pourquoi, et inversement. C'est, nous le verrons, penser et travailler par objectifs.

 

 

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PS : on pourra consulter avec fruit l'intéressante conférence de Georges Belbenoît, "Réflexions d'un profane sur l'éveil".