Quelle saveur, certes surannée ("rien n'intéresse et n'émeut autant les adolescents et les adultes que l'astronomie") ; et quelle langue, admirable...

 

EXTRAITS DES INSTRUCTIONS MINISTÉRIELLES

 

du 30 septembre 1920

 

RELATIVES A L'ORGANISATION DES COURS COMPLÉMENTAIRES,
DES ÉCOLES PRIMAIRES SUPÉRIEURES ET DES ÉCOLES NORMALES

(Décret et arrêtés du 18 août 1920)

 

 

ÉCOLES NORMALES

 

Le régime institué en 1905 dans les écoles normales prête à de nombreuses critiques. Ainsi que l'a prouvé une enquête, ouverte dès 1918, dont les résultats ont dicté le projet soumis au Conseil supérieur, une sorte de malaise règne dans ces établissements. Chaque école normale est, pour ainsi dire, coupée en deux ; elle contient un établissement d'enseignement général (ce sont les deux premières années) et un établissement d'éducation professionnelle, une école de pédagogie (c'est la troisième année). Pendant deux ans, les élèves-maîtres préparent le brevet supérieur, conçu, lui-même comme un examen de culture générale beaucoup plus que comme un examen de capacité pédagogique. Pendant ces deux ans, ils ne jettent pas un regard sur l'école d'application pourtant voisine. Les études ressemblent alors à celles qu'on peut faire soit dans un collège, soit dans une école primaire supérieure ; la ressemblance est même si grande qu'elle confine parfois à l'identité ; en certaines matières, nous l'avons déjà noté, les programmes des écoles normales et ceux des écoles primaires supérieures paraissent littéralement copiés les uns sur les autres. Au contraire, en troisième année, les élèves-maîtres se préoccupent surtout de leur futur métier, on les initie à la science de l'éducation, à la législation scolaire ; ils font à l'école d'application des stages prolongés. Et, s'ils poursuivent leur éducation générale, c'est pour se livrer à des travaux bien différents de ceux auxquels ils étaient habitués les années précédentes : on leur demande un mémoire ou, comme ils le disent eux-mêmes, une "thèse" analogue au mémoire des candidats à la licence ès lettres ou au diplôme d'études supérieures. Bref, on peut reprocher à l'école normale, telle que l'a faite le régime inauguré en 1905, trop de modestie quand elle se borne à rééditer l'enseignement des écoles primaires supérieures, trop d'ambition quand elle adopte des méthodes qui ne conviennent dans les Facultés qu'à des étudiants de seconde ou troisième année. Au début, une sorte de stagnation qui rebute les élèves ; à la fin, une avance précipitée qui les met vite à bout de souffle. Au début, trop peu de souci de leur fonction future ; à la fin, trop peu de temps pour s'y préparer. Telles sont les défectuosités qui résultent de l'espèce d'incertitude que la dualité de l'école laisse planer sur sa destination : empruntant ses traits tantôt à l'enseignement moyen, tantôt à l'enseignement supérieur, elle semble avoir perdu sa physionomie propre.

 

La réforme de 1920 a pour but de rendre aux écoles normales le sentiment net de leur rôle spécial : à aucun moment, depuis l'entrée de l'élève jusqu'à sa sortie, ses maîtres n'oublieront qu'il est destiné à devenir instituteur. Son éducation professionnelle doit être l'objet de tous les soins, et elle doit commencer dès le premier jour de la première année. Mais, pour un homme dont la mission est d'instruire les autres, l'éducation générale fait partie intégrante de l'éducation professionnelle. L'instituteur doit être un homme instruit. Il faut, à l'école normale, pousser plus loin qu'à l'école primaire supérieure l'enseignement littéraire et scientifique. En passant de l'une à !'autre, l'élève doit éprouver la sensation du renouveau. Si les mêmes questions reviennent devant lui, il faut qu'elles prennent un aspect différent, que sa réflexion retourne en tous sens les données qui lui ont été jadis présentées, qu'il recherche les causes profondes là où il n'a jusqu'à présent saisi que les apparences extérieures. Le normalien, qui doit faire ses débuts d'instituteur vers la vingtième année, n'a pas le loisir de faire ample connaissance avec les méthodes scientifiques de l'enseignement supérieur. Du moins est-il nécessaire qu'il en ait comme un avant-goût, qu'il fasse sur l'autel de la science une prélibation, afin qu'il conserve toute sa vie une fraicheur d'esprit, une curiosité intellectuelle qui sera pour ses élèves comme pour lui-même une condition de progrès. S'il n'y boit pas à longs traits, du moins qu'il se rafraîchisse à cette fontaine de Jouvence. Progressivement, non plus par un saut brusque, mais par lentes avancées, il doit donc passer du niveau de la troisième année d'école primaire supérieure au niveau des bons élèves de la classe de philosophie ou des étudiants de première année de nos Facultés. Voilà le degré de culture générale qu'il est nécessaire d'atteindre pour que l'éducation professionnelle elle-même porte ses fruits. Voilà le degré de culture générale que la réforme de 1920 s'efforce de donner aux normaliens en fonction de leur culture professionnelle et sans qu'ils cessent un jour de faire leur apprentissage du métier d'instituteur. L'école normale ainsi conçue ne pourra se confondre avec aucun autre établissement d'enseignement, mais c'est que, par l'âge et par la préparation de ses élèves comme par leur destination, elle a à jouer dans notre société un rôle qui n'est celui d'aucun autre. Et c'est précisément pour la mieux adapter à sa fonction propre qu'a été effectuée la nouvelle réforme.

 

Des lignes qui précèdent, on aurait tort de conclure que nous ne retenons rien du régime de 1905 et que nous nous bornons à ramener le régime antérieur. Il est vrai qu'en apparence les écoles normales de 1925 ressembleront à celles de 1900 plus qu'à celles de1910 : la .préparation professionnelle y sera pratiquée dès la première année, et le brevet supérieur sera reporté à la troisième. Mais sous ces analogies extérieures, que de différences profondes ! Pour quelles raisons a-t-on cru devoir, en 1905, réserver la préparation professionnelle à la troisième année ? "Le programme des écoles normales, disait-on, a, par la force des choses, un caractère encyclopédique : il attire et retient l'attention des élèves sur les multiples matières de 1'enseignement primaire. Y ajouter des exercices professionnels et ménagers serait excessif. D'autre part, ceux-ci exigent une liberté de temps et d'esprit qu'on ne saurait trouver tant que les élèves seront astreints à l'entraînement .qu' exige un système régulier d'études. L'expérience a montré d'ailleurs que, si l'éducation professionnelle a été en partie sacrifiée dans les écoles normales, cela tenait à la nécessité de mener de front les études générales et la pratique de l'enseignement". Ces arguments conservent-ils aujourd'hui toute leur force ? Le programme des écoles normales a-t-i1 toujours un caractère encyclopédique ? En continuant, suivant 1'exemple donné en 1905, à alléger le plan d'études, n'avons-nous pas laissé aux normaliens le loisir nécessaire pour se consacrer, dès la première année, aux exercices professionnels et pour y apporter toute leur liberté d'esprit ? A la vérité, si l'éducation professionnelle était négligée avant 1905, dans les écoles normales, c'est que la préoccupation du brevet final y absorbait toutes les énergies. Il est vrai qu'on peut redouter le même résultat de la mesure qui reporte le brevet supérieur au terme de la troisième année. Mais, de même que le programme de 1920 n'est plus le programme de jadis, de même le brevet supérieur de l'avenir ne ressemblera pas à celui du passé : s'il conserve le caractère d'un examen extérieur et public, il n'en sera pas moins en relations étroites avec les études faites à l'école ; il en sera le terme naturel ; il ne devra pas se préparer au moyen d'une sorte de "forçage" ; ce sera un véritable "certificat de fin d'études normales" plutôt qu'un "brevet supérieur" et si, alors que le premier nom lui conviendrait mieux, nous lui conservons le second, c'est en raison du statut légal du brevet supérieur de capacité et des avantages légaux qu'il confère. Mais ce nom ne doit pas tromper ; l'évolution des écoles normales ne suit pas le rythme alterné que de malicieux esprits croyaient déjà apercevoir : nous ne revenons pas au régime d'il y a vingt ans.

 

Loin d'être la négation pure et simple de la réforme de 1905, la réforme de 1920 en est, à bien des égards, la suite naturelle. Comme en 1905, nous voulons aujourd'hui "enlever des anciens programmes ce qui reste d'un temps où 1'école, normale préparait au brevet élémentaire", donner la place qui leur revient aux applications pratiques de la science, "réduire les heures de leçons... et augmenter le temps réservé au travail personnel des élèves". Mais surtout nous voudrions voir régner dans les trois années de nos écoles normales l'esprit libéral que la réforme de 1905 avait introduit dans la dernière. Après deux ans de travail discipliné, presque de travail forcé, sous la menace constante de l'examen du brevet supérieur, les normaliens étaient transportés dans un autre monde, et leur troisième année était une année de libre travail, presque de loisir studieux - sans grand souci de l'examen familial qui devait terminer les études. Nous ne voudrions pas jurer que certains n'ont pas abusé de cette liberté ; on pouvait d'autant mieux s'y attendre qu'elle survenait plus brusquement, et que les bénéficiaires y étaient moins préparés. Il n'en est pas moins vrai que ce régime intellectuel était celui qui convient à des jeunes gens qui s'apprêtent à devenir des maîtres. Nous souhaitons que durant les trois années, le travail apparaisse à l'école normale comme libre et spontané, que rien n'y ressemble au surmenage ou au "bourrage", que les élèves aient le temps de compléter, par d'amples lectures, les leçons de leurs professeurs, et que rien – pas même le souci de l'examen final – n'y rétrécisse l'horizon.
On le voit : l'évolution des écoles normales se poursuit toujours dans le même sens ; comme en 1905, comme en 1886, nous voulons élever le niveau de culture des futurs instituteurs et faire d'eux, "non des brevetés, mais des éducateurs".

 

ÉDUCATION PROFESSIONNELLE

 

L'éducation professionnelle se poursuivra durant les trois années de deux manières :

1° Par des leçons et conférences de pédagogie, de morale professionnelle et d'administration scolaire, que donnera le directeur ou la directrice ;
2° Par des stages dans les écoles élémentaires.

 

Pédagogie

 

Première année. - Pédagogie générale.

 

L'école normale est essentiellement une école de pédagogie. Ce n'est pas un institut de pédagogie, organe d'enseignement supérieur où la pédagogie se crée ; c'est une école élémentaire de pédagogie, une école où la pédagogie s'enseigne. Elle doit s'y enseigner dès la première année : pourquoi tarderait-on à faire connaître aux élèves maîtres les principes généraux d'un art qu'ils sont destinés à pratiquer toute leur vie ? Estime-t-on que leur expérience est encore trop courte pour que cet enseignement puisse s'appuyer sur elle ? Mais les élèves maîtres n'ignorent pas tout de l'école et de l'écolier ; n'étaient-ils pas, hier encore, des écoliers ? N'observent-ils pas les écoliers durant leur stage à l'école d'application ? Leur centre de perspective a changé : c'est de la chaire maintenant qu'ils voient la classe ; mais cette nouveauté les intéresse : n'est-ce pas le moment de les faire réfléchir sur les règles générales dont ils aperçoivent chaque jour l'application ? Telles sont les raisons pour lesquelles des leçons de pédagogie générale sont inscrites au programme de première année.

Toutefois, les directeurs et directrices feront bien, avant de commencer ce cours, d'attendre le dernier trimestre. Il suppose connues des notions que seul peut fournir le cours de psychologie et il sera d'autant plus profitable qu'il s'appuiera sur une plus riche moisson d'observations faites dans les écoles élémentaires.

 

Quant à la méthode à suivre dans cet enseignement, il est à peine besoin de l'indiquer. Le directeur en trouvera la matière dans son expérience personnelle de professeur et d'inspecteur, dans ses lectures, dans les incidents de la vie scolaire. Au surplus, si le titre du cours est nouveau, le programme ne fait guère que reprendre, en les coordonnant, d'une manière plus systématique, et en écartant celles qui risquent de prêter à des développements scolastiques, des questions qui sont familières aux directeurs puisqu'elles figuraient à l'ancien programme de troisième année sous la rubrique : "Applications de psychologie et de la morale à l'éducation".

 

Deuxième année. - Pédagogie spéciale.

 

Tandis qu'en première année le directeur examine les règles générales de la pédagogie, celles qui conviennent à toute éducation collective et à toute matière d'enseignement, il entre, en deuxième année, dans l'examen des méthodes propres à chacune des disciplines enseignées à l'école élémentaire.

 

Une heure est consacrée chaque semaine à cet examen qui sera continué, en troisième année, dans la conférence de pédagogie prévue à l'article 100 (nouveau) de l'arrêté organique. Il n'y a pas lieu de modifier la procédure suivie à cet égard dans la plupart des écoles normales; on peut, soit examiner systématiquement, à propos de chaque matière d'enseignement, les diverses difficultés que révèle la pratique, les périls qui guettent les débutants, soit prendre pour point de départ une leçon entendue à l'école d'application, un manuel en usage, un passage d'un auteur pédagogique, et rechercher, sur cet exemple, les qualités et les défauts d'un bon enseignement, soit enfin combiner les deux méthodes.

 

C'est pendant cette seconde année que seront faites les lectures de pédagogues modernes ou contemporains que le programme de 1905 plaçait en troisième. Aucune liste n'est fournie, même à titre d'indication. C'est dire que la plus grande. liberté de choix est laissée aux directeurs et directrices. A vrai dire, on peut se demander s'il est bien nécessaire que nos instituteurs et institutrices aient lu Locke, Kant, Spencer ou Mme Necker de Saussure. L'étude de ces auteurs, qui se placent à des points de vue si différents de celui d'un éducateur populaire du vingtième siècle, peut être proposée à des étudiants qui veulent pousser plus avant leurs recherches pédagogiques, à ceux qui fréquenteront les instituts de pédagogie de nos universités, ou encore aux futurs professeurs de nos écoles normales, aux candidats à l'inspection primaire. Il est à craindre que nos élèves maîtres ne perdent beaucoup de temps à ces lectures. Si donc on étudie, en deuxième année, des textes de pédagogues, que ce soient de courts morceaux choisis, des passages essentiels des grands maîtres qui ont fixé les principes de notre doctrine, ou que ce soient des fragments d'auteurs contemporains parlant de notre école, de nos études et de nos élèves.

 

Troisième année. - Morale professionnelle et administration scolaire.

 

Lorsqu'ils entrent en troisième année, les normaliens ont étudié et réétudié, sous différents aspects, la plupart des chapitres de la morale pratique ; ils les ont revisés pour les enseigner à l'école d'application. Un seul leur demeure inconnu, celui qui désormais les intéresse le plus directement, le chapitre des obligations que leur imposera leur profession. Il est temps, au moment où ils vont quitter l'école normale pour faire leurs débuts dans l'enseignement, de leur dire ayec précision ce qu'on attend d'eux : tel est le but du cours de morale professionnelle.

 

Le programme suit les maîtres dans leur classe et hors de leur classe. Il énumère leurs obligations strictement professionnelles et celles qui résultent de leur rôle spécial. Il se borne à des indications générales, laissant aux directeurs le soin de trouver dans leur expérience d'inspecteurs les exemples et les détails qui doivent, non seulement illustrer les leçons mais en former la substance. Il serait à souhaiter que quelques-unes de ces leçons fussent faites par les inspecteurs en exercice, inspecteurs primaires ou inspecteurs d'académie, qui chaque jour prennent sur le vif les circonstances dans lesquelles des cas de conscience se présentent pour l'instituteur, soit à l'école, soit hors de l'école. Tout au moins, le directeur et la directrice, pour renouveler leur enseignement, devront-ils se tenir en contact permanent avec les inspecteurs, s'entretenir avec eux des cas les plus délicats de déontologie professionnelle. Ils sauront ainsi quels sont, selon les lieux et les temps, les aspects de la morale de l'éducateur sur lesquels il est plus urgent ou plus opportun d'insister auprès des élèves maîtres.

 

Il n'est pas douteux que la profession d'instituteur public crée à celui qui l'embrasse des obligations spéciales et limite d'une façon particulière sa liberté. Quiconque contesterait la légitimité de cette limitation se méprendrait singulièrement sur les conditions mêmes de la vie en société. La liberté n'est pas un absolu. Toute liberté est relative. Et toute liberté est limitée par cela même que l'individu, qui lui non plus n'est pas un absolu, vit au milieu d'êtres vivants ou non, dont il dépend. A mesure que se complique la vie sociale, à mesure devient plus dense le réseau d'obligations qui nous enserre. Et si nous demeurons libres de nous affranchir de certaines d'entre elles, si notre liberté grandit en ce sens que les sociétés dont nous faisons partie dépendent elles-mêmes de plus en plus de notre volonté du moins une fois que nous avons sollicité notre admission dans l'une d'elles, sommes-nous liés par le règlement qui la régit. Sur la trame des obligations familiales ou civiques s'entrecroisent les fils des autres obligations que nous avons volontairement contractées. Un citoyen français qui s'inscrit dans une société musicale accepte, outre ses devoirs de citoyen, des devoirs spéciaux de musiciens ; il doit jouer sa partie même dans les morceaux qui ne sont pas de son goût ; est-il pour cela un citoyen diminué ? En aucune façon. De même, l'instituteur n'est pas un citoyen diminué parce qu'en demandant à devenir l'éducateur des enfants de la communauté des citoyens, il s'est engagé à remplir certains devoirs spéciaux qui limitent sa liberté de parole et sa liberté d'action. Mais peut-être avait-on eu le tort, jusqu'à présent, de ne pas avertir suffisamment l'instituteur de cette clause du contrat qui le lie à l’État. Du moins ai de nombreux directeurs n'hésitaient pas à en informer leurs élèves n'était-elle pas inscrite formellement dans le programme officiel. Le Conseil supérieur a tenu à combler cette lacune.
[On pourra faire alterner les leçons de morale professionnelle avec celles d'administration scolaire. Celles-ci seront sommaires et porteront sur les points essentiels et sur les questions - parfois menues - qui peuvent embarrasser un instituteur débutant. Il serait avantageux de choisir ces questions, de telle manière qu'un parallélisme fût établi entre la leçon de morale d'une semaine et la leçon d'administration de la semaine suivante, celle-ci étant une application de celle-là. Mais les directeurs et directrices seront libres d'employer un autre ordre]

 

Exercices pratiques.

 

Les exercices pratiques d'éducation professionnelle auront tous lieu dane une école ou dans une oeuvre post-colaire. Il faut renoncer aux leçons faites pour les élèves absents. Quel que soit l'effort d'imagination accompli par ceux qui sont chargés de faire de telles laçons, il leur est impossible de se placer exactement dans des conditions qui équivalent à la réalité, et l'exercice conserve fatalement quelque chose d'artificiel et de vain. Toutes les fois qu'on voudra demander aux élèves-maîtres d'adapter leurs connaissances à l'école élémentaire, voire à tel ou tel cours de l'école élémentaire, qu'on les mène dans une école élémentaire et dans tel cours déterminé de cette école. Toutes les fois qu'on voudra demander aux élèves-maîtresses d'appliquer à l'école maternelle leurs connaissances de pédagogie théorique, qu'on les mène à l'école maternelle. Si l'on a des remarques à faire sur la méthode suivie, on peut attendre la fin de la leçon, le départ des enfants ou le retour à l'école normale. Mais beaucoup d'observations pourront être faites au cours de la leçon même sans grand inconvénient. En tout cas, la leçon doit être faite devant des enfants réels et non devant des enfants imaginaires.

 

De même, l'exercice de "lectures populaires" prévu au plan d'études de 1905 doit être pratiqué devant un auditoire populaire réel et non devant l'auditoire populaire fictif qui serait composé des camarades du conférencier. C'est dans les oeuvres complémentaires de l'école effectivement organisées dans la ville, c'est dans les patronages et cercles populaires, dans les associations d'anciens élèves que le normalien doit se préparer à faire l'édücationn des adolescents.

 

Nous conservons donc les "leçons d'adaptation" et nous demandons aux professeurs de se joindre au directeur pour y assister et pour les apprécier, de même qu'ils doivent se joindre au directeur pour participer chaque semaine à la conférence pédagogique de troisième année. C'est le moyen d'assurer l'unité de l'éducation professionnelle. Mais ces leçons cesseront de s'adapter à une classe hypothétique, et seront des leçons d'adaptation réelle. Elles n'auront donc pas-lieu à l'école normale.

 

Le nouveau règlement prescrit à chaque: normalien de passer au moins cinquante demi-journées par an. dans une classe d'école élémentaire (ou, pour les élèves-maîtresses, dans une classe d'école maternelle). Il faut insister sur le mot "au moins" : l'intention manifeste du Conseil supérieur étant d'augmenter à l'école normale le temps consacré à la préparation professionnelle, on fera bien, toutes les fois que ce sera possible, de dépasser, même sensiblement, ce minimum.

 

Une difficulté se présentera souvent : non seulement le nombre des classes de l'école annexe, mais le nombre total des classes de la ville où réside l'école normale sera trop faible pour que les normaliens des trois années y fassent tour à tour leur stage. En ce cas, et même en d'autres, il faudra user largement d'une disposition, empruntée au règlement de 1905, qui ne semble pas avoir jusqu'à présent produit tous les résultats qu'on en peut attendre ; il faudra envoyer dans diverses écoles du département, pendant plusieurs semaines consécutives, tous les élèves-maîtres d'une promotion. Ils toucheront, pendant ce temps, une somme égale à celle qui serait dépensée pour leur entretien à l'école normale. Placés près d'instituteurs d'élite, ils se trouveront dans les conditions les meilleures pour apprendre leur métier. Ils recevront, d'ailleurs, au cours de ce stage, la visite et les instructions du directeur de l'école normale.

 

Cette organisation du stage professionnel aura son retentissement sur l'organisation du service intérieur de l'école. L'horaire devra être disposé de telle sorte que le stage professionnel ne nuise pas au développement des cours d'enseignement général. Si les élèves-maîtres fréquentent à tour de rôle une école d'application (annexe ou non), située dans la même ville que l'école normale, les cours de l'école normale seront placés, au moins pendant les demi-journées consacrées au stage, en dehors des heures de classe des écoles d'application. Si les élèves-maîtres d'une promotion sont simultanément dispersés pendant un mois dans les écoles du département, les cours de cette promotion seront interrompus pendant ce mois ; mais, par compensation, durant les périodes qui précéderont ou suivront cette interruption, l'horaire des cours sera plus chargé, afin que les programmes n'en soient pas moins étudiés dans leur intégralité. N'avons-nous pas dit que l'école normale ne ressemble à aucun autre établissement d'instruction ? Son organisation doit se prêter à toutes les nécessités que lui impose son caractère d'école professionnelle de pédagogie.

 

Nous n'avons rien à ajouter ni à retrancher aux instructions de 1905 qui sont relatives au rôle du directeur de l'école d'application pendant le stage professionnel des élèves-maîtres. La tâche de l'élève-maître lui-même grandira d'année en année. Au début de la première année, il assistera aux classes en simple observateur ; il recueillera une ample provision de faits ; son attention sera appelée par le directeur de l'école d'application sur tous les événements de la vie scolaire qui peuvent prêter à des réflexions d'ordre pédagogique, et le directeur de l'école normale, chargé du cours de psychologie, l'invitera à faire des observations ou des expériences sur les facultés intellectuelles et morales des écoliers.

 

En seconde année, parallèlement au cours de pédagogie spéciale, les élèves-maîtres et les élèves-maîtresses étudieront à l'école élémentaire ou à l'école maternelle l'application des méthodes aux diverses disciplines. Ils prendront, en même temps, une part plus active à la classe et seront chargés d'y faire des leçons ou d'y diriger des exercices. Enfin, en troisième année, on leur confiera le soin de faire entièrement la classe, sous le contrôle du directeur de l'école où ils feront leur stage. Progressivement, leur éducation professionnelle s'achèvera, et si, en sortant de l'école normale, ils ne sont pas encore les maîtres rompus à toutes les pratiques et à toutes les difficultés du métier, du moins peut-on espérer qu'ils ne pêcheront pas par excès d'inexpérience.

 

ÉDUCATION GÉNÉRALE

 

L'enseignement dans les écoles normales doit être tout différent de celui des écoles primaires supérieures. Il s'agissait, à l'école primaire supérieure, de fournir aux élèves un certain nombre de connaissances utiles. Il s'agit, à l'école normale, d'approfondir les connaissances acquises. Bien que l'enseignement, même à l'école primaire supérieure, devienne de plus en plus concret et expérimental, le cours et le manuel y jouent nécessairement un rôle important. À l'école normale il faut mettre les jeunes gens, sans intermédiaire, en présence des réalités ou des documents de première main : le cours et le livre ne doivent servir qu'à résumer les constatations faites directement par les élèves. Sans se donner l'illusion de faire la science, il faut du moins qu'ils répètent eux-mêmes les expériences et les recherches faites par les savants, qu'ils boivent à même à la source de vérité.

 

C'est en ce sens qu'ont été rédigés les nouveaux programmes. Ils sont moins encyclopédiques que les anciens. Ils ne prétendent pas constituer un tout complet. Et les maîtres pourront encore en détacher des chapitres selon les régions, selon les circonstances, ils pourront négliger les uns pour développer les autres. L'enseignement scientifique, notamment, variera d'école à école ; on insistera, dans les départements ruraux, sur les parties des sciences qui intéressent l'agriculture, et, au contraire, dans les départements où l'industrie est prépondérante, sur celles dont les applications industrielles sont fécondes.

 

Il en résulte que les livres qui servaient hier pourront servir demain : par leur contenu, les programmes nouveaux ne diffèrent guère des anciens qu'en ce qu'ils sont moins lourds ; c'est surtout par leur esprit qu'ils sont nouveaux, et l'esprit ne se matérialise pas dans un manuel. Ce qu'exige le nouveau plan d'études, ce n'est pas que les normaliens de demain apprennent d'autres mots et d'autres phrases que les normaliens d'hier ; c'est qu'ils accomplissent d'autres actes, c'est qu'au lieu de se borner à lire dans les livres, ils lisent dans la nature ; bien plus, c'est qu'au lieu d'assister passivement au spectacle de la nature, ils provoquent l'apparition des phénomènes et ne s'instruisent qu'en agissant. Il serait insuffisant de dire que la méthode d'enseignement, à l'école normale, doit être une méthode active : elle est l'action.

 

ENSEIGNEMENT LITTÉRAIRE

 

I. - Psychologie. Sociologie, Morale.
Philosophie scientifique.

 

Psychologie appliquée à l'éducation.

 

L'enseignement de la psychologie à l'école normale, a pour but d'apprendre à l'élève- maître à se connaître lui-même (car la connaissance de soi n'est pas moins nécessaire à l'éducateur qu'aux autres hommes) et surtout de lui apprendre à connaître l'enfant qu'il aura à diriger.

 

La psychologie ainsi comprise repose sur l'observation et l'expérience: Elle utilise les données de la conscience et les souvenirs personnels, mais aussi les récits, les biographies, mémoires et correspondances. Elle use largement de l'expérimentation. Chaque école d'application doit devenir un laboratoire où les élèves-maîtres procéderont, avec toute la discrétion et toutes les précautions que leur inspirera leur respect de l'âme enfantine, à toutes les observations, enquêtes et expériences qui seront nécessaires pour alimenter ou illustrer le cours du directeur. Le programme officiel publie une liste, purement indicative, des catégories d'observations et d'expériences qui pourront être entreprises dès la première année et dont quelques-unes (étude du langage, étude du caractère) devront être poursuivies pendant plusieurs années, parfois même par plusieurs générations successives d'élèves-maîtres. Les directeurs trouveront dans les revues et traités spéciaux des indications plus complètes, ainsi que des conseils sur les procédés à suivre pour mener à bien ces opérations.

 

L'enfant qui servira de point de départ à la recherche psychologique=ne cessera jamais d'en être l'objectif. C'est pour lui, pour son perfectionnement, que l'étude est entreprise. Aucune leçon ne sera faite sans qu'il soit question de lui, soit pour noter les traits spéciaux de sa mentalité, soit pour appliquer à son éducation les conséquences des lois psychologiques qu'on aura découvertes. L'ancien programme, tout en séparant l'étude spéculative des applications pédagogiques, recommandait de: combiner ces deux parties de l'enseignement. Il a paru plus naturel de réaliser dans le programme même cette combinaison, et d'indiquer, à côté des faits et des lois, la place des règles pédagogiques qui en sont les corollaires. C'est ainsi que l'étude positive de l'intelligence amenant à constater, à chacun de ses chapitres, les nombreuses causes d'erreurs dont nous risquons d'être victimes, chacun de ces chapitres doit mettre en garde contre elles et fournir les moyens de les éviter. De même, l'étude de la sensibilité et de la volonté, bien qu'entreprise sans autre souci que d'analyser et de décrire, aboutit à des constatations qui ne sauraient être sans conséquences pratiques ; il faut noter ces conséquences. Nous ne nous inspirons, en écrivant ces lignes, d'aucun système philosophique et nous ne faisons pas de l'utilité pratique le signe de la vérité. Nous disons simplement que de la vérité connue par ses signes propres nous devons, puisque nous formons des hommes qui agiront sur la conduite d'autrui, tirer toutes les conclusions de nature à guider leur action. Le professeur de psychologie ne doit pas laisser troubler sa vue par des considérations d'ordre pratique ; il doit demeurer un savant à l'œil sec ; mais, une fois l'objet nettement aperçu, il a le devoir de déduire de ce spectacle tous les corollaires utiles à l'art de l'éducateur.

 

Abstraction faite des modifications rendues nécessaires par cette pénétration plus intime de l'exposé théorique et des applications pédagogiques, on s'est borné à réparer quelques omissions apparentes de l'ancien programme. Il a paru nécessaire, par exemple, de consacrer un chapitre spécial à l'attention dont le rôle, important dans toute vie humaine, est capital pour l'éducateur. Un chapitre a été réservé à la représentation de l'avenir. Il est curieux de constater que les cours de psychologie, qui ne tarissent pas sur le souvenir, sont en général muets sur la prévision ; pourtant, l'homme qui agit vit dans l'avenir beaucoup plus que dans le passé ; même lorsqu'il agit sous l'influence du passé, ce n'est pas le passé qu'il a devant les yeux : il se voit lui-même agissant dans l'avenir immédiat ou lointain. Comment se fait cette représentation ? et quelles conséquences tirer de son incertitude ? La question vaut la peine d'être examinée par des éducateurs qui sont des hommes d'action.

 

Le nouveau programme écarte, plus encore que l'ancien, les problèmes métaphysiques qui pourraient se glisser dans l'enseignement psychologique : c'est ainsi que la question de la liberté est reportée à la troisième année. On s'est efforcé d'accentuer le caractère concret que doivent présenter des sujets trop souvent traités d'un point de vue purement logique : il ne saurait être question, par exemple, de fournir aux élèves-maîtres la classification scolastique des jugements et des raisonnements ni celle des sophismes, ni les règles formelles du raisonnement correct ; ce qu'il faut étudier, c'est comment, en fait, se forment nos opinions, quelles causes nous poussent à affirmer, à nier ou à douter, quelles sources d'erreurs s'infiltrent dans nos esprits au moment où nous jugeons et raisonnons et de quels moyens nous disposons pour essayer de les éviter.

 

Enfin, on a signalé, à plusieurs reprises, l'influence qu'exercent sur nos idées, nos sentiments et nos actes personnels, des causes d'ordre social : cette influence, si l'on y réfléchit, jette sur notre vie psychologique une lumière trop éclatante pour que nous en privions nos élèves. Son étude établira, en outre, un lien entre le cours de première et le cours de seconde année.

 

Sociologie appliquée à la morale et à l'éducation.

 

L'introduction de notions de sociologie constitue peut-être la plus grande nouveauté des programmes de 1920. Le mot "sociologie" n'est prononcé dans

La méthode à suivre dans cet enseignement doit être la méthode commune à tout enseignement scientifique. Elle consiste à mettre sous les yeux des élèves des faits bien observés et bien classés : elle consiste à les présenter objectivement, impartialement, à les laisser parler. Mais elle ne se borne pas à décrire, elle cherche à expliquer lés faits sociaux en dégageant les relations régulières qui les relient. La sociologie étendant ses regards sur toutes les sociétés, les plus humbles comme les plus majestueuses, les plus rudimentaires comme les plus différenciées, son étude doit ouvrir aux normaliens de vastes horizons : c'est une sorte d'histoire comparée des sociétés qui peut leur fournir des idées aussi larges que l'étude comparée des organismes vivants. D'aucuns redouteront peut-être que ces comparaisons n'inspirent à nos élèves une sorte de scepticisme moral, excusant tout, puisque les coutumes les plus opposées ont pu être tenues pour sacrées. Mais cet état d'esprit n'était précisément admissible qu'au temps où, connaissant la variété des coutumes humaines, on ignorait les causes de leur apparition, de leur transformation et de leur disparition, c'est-à-dire au temps où la sociologie n'était pas née. Cette science a ses lois comme les autres sciences ; elles montrent que les mœurs n'évoluent pas au gré de caprices individuels et que, bien que tout s'explique, tout n'est pas également bon. L'étude objective des faits sociaux suggère une appréciation de leur valeur, et par suite, loin de conduire à une sorte d'indifférentisme, elle aboutit à justifier solidement nos pratiques morales.

 

Le professeur sera libre d'étudier dans l'ordre qui lui paraîtra le meilleur les différents chapitres du programme. Celui qui figure dans l'arrêté ministériel n'est pas le seul concevable. On a parfaitement le droit de penser que, les phénomènes économiques n'étant pas les plus aisés à démêler, mieux vaudrait commencer par étudier la société familiale ou les sociétés politiques. Et l'on aurait tort de croire que, si le programme officiel place au début du cours la sociologie économique, c'est pour donner une sorte d'adhésion à la doctrine, connue sous le nom de "matérialisme historique", d'après laquelle les phénomènes économiques priment et déterminent tous les autres phénomènes sociaux. La vérité est tout autre. Considérant que les sociétés naturelles ou artificielles servent à l'homme pour satisfaire ses tendances, on s'est efforcé de classer les sociétés d'après la nature des tendances humaines qu'elles visent à satisfaire, et l'ordre des sociétés étudiées est l'ordre même des besoins humains, en allant des plus humbles aux plus nobles, des besoins organiques aux tendances intellectuelles.

 

Les derniers chapitres ne sont pas moins délicats que les premiers. Mais comment dissimulerait-on à des instituteurs, à des institutrices qui vont représenter l'État moderne, les faits sociaux d'où résulte la neutralité de l'État ? Il suffira de ne rien dire qui puisse heurter ou froisser les consciences et d'apporter, dans cette partie de l'étude comme dans celle où sont effleurées les questions sociales les plus brûlantes, toute la sérénité et toute la réserve qu'impose la méthode scientifique.

 

Enfin, on n'oubliera pas que de la sociologie comme de la psychologie sortent des conséquences pédagogiques. L'éducateur forme, non pour eux-mêmes, mais pour la société, des êtres qui ont déjà subi l'influence de la société. Sa tâche consiste à accroître, en les élevant, les services qu'ils rendront à leur groupe social et à perfectionner ce groupe en les perfectionnant eux-mêmes. Les points de contact entre la sociologie et la pédagogie sont donc très nombreux : le programme en indique quelques-uns ; les directeurs, chargés du cours, en rencontreront d'autres ; s'ils manquaient de les signaler c'est qu'ils oublieraient - et comment pourraient-ils l'oublier ? - que tous les enseignements de 1'école normale ont pour but la formation de l'instituteur.

 

Principes généraux de la science et de la morale.

 

Le plan d'études de 1905 prescrivait de faire connaître aux normaliens la méthode des sciences mathématiques, mais il était muet sur les autres sciences. Il n'est cependant pas moins nécessaire à des jeunes gens qui auront à prendre une certaine part à la vie nationale de savoir comment se fait l'histoire que de savoir comment se découvre un théorème. Et, d'une manière plus générale, l'étude de la méthode expérimentale et la vue de ses difficultés corrigeront l'excès de dogmatisme que leur inspirerait la connaissance exclusive du raisonnement mathématique. Pour former des esprits ouverts il est indispensable de joindre à l'esprit géométrique cet esprit de finesse que peut donner une étude bien comprise des méthodes des sciences physiques, des sciences naturelles et des sciences morales. Quand ils sauront au prix de quelles précautions le savant ou l'historien avancent une assertion, quelles confrontations. et quelles vérifications sont nécessaires pour aboutir à une quasi-certitude, ils pratiqueront et feront pratiquer autour d'eux une réserve intellectuelle qui ne sera pas sans influence sur la vie morale du pays.

 

Cette étude des sciences ne sera pas purement critique. En même temps que les difficultés de la recherche et les limites de la certitude, on montrera les résultats acquis et leur importance. Si l'on évite un dogmatisme excessif, ce ne sera pas pour tomber dans le scepticisme scientifique. Pour être l'œuvre de générations patientes, les conclusions de la science n'en ont pas moins une incontestable valeur. Et les scrupules avec lesquels procèdent les savants, loin de diminuer la science, rehaussent sa dignité. Il n'est pas jusqu'aux grandes hypothèses, par lesquelles des hommes de science, dépassant les limites de la certitude démontrée, projettent sur l'ensemble des phénomènes une lumière empruntée à la science positive, qui ne puissent, à la condition de n'être pas présentées comme des dogmes, suggérer pour la conduite de leur vie, comme pour le gouvernement de leur pensée, d'utiles réflexions aux éducateurs du peuple.

 

Les leçons sur la philosophie des sciences seront, comme toutes les leçons données à l'école normale, aussi concrètes que possible. On s'appuiera sur des exemples, puis, dans les cours faits à l'école,. on lira et l'on commentera des morceaux empruntés aux mémoires et correspondances des savants, à leurs biographies. Les leçons pourront être faites soit par le directeur ou la directrice de l'école, soit, pour chaque science, par le professeur chargé de l'enseigner, mais, dans ce dernier cas, les divers maîtres s'entendront pour coordonner leurs conférences, et le directeur, qui assistera à toutes, en exposera les idées communes dans la conclusion du cours.

 

L'enseignement des principes généraux de la morale demeure la tâche propre du directeur. Après avoir exposé aux élèves, en première et en deuxième année, dans les cours de psychologie et de sociologie, les faits qui constituent le fondement positif de la morale, il invitera les normaliens qui, depuis leur enfance, connaissent les préceptes moraux, à réfléchir sur les principes de ces faits et de ces préceptes. Cette réflexion sera dépourvue de tout appareil scolastique et dégagée de toute vaine érudition. Même lorsqu'il examinera les méthodes suivies pour définir l'idéal moral et les diverses conceptions de cet idéal, le directeur évitera d'entrer dans l'examen détaillé des doctrines. Il aura soin de s'en tenir aux grands systèmes. Et, même dans l'exposé des grands systèmes, il cherchera plutôt à faire comprendre l'esprit et les principes qu'à faire retenir les formules et la lettre. Un effort de traduction et d'adaptation est indispensable pour dégager, sans déformer ou trahir la pensée des grands moralistes, ce qu'il y a dans leurs écrits d'actuel et d'éternel.

 

C'est à dessein que le programme se borne à indiquer des têtes de chapitres, en laissant au directeur toute liberté dans le choix de ses développements et dans le choix de ses conclusions. Il est certain cependant que ses élèves devant enseigner une morale, le directeur d'école normale, s'il leur en enseignait une autre, trahirait leur confiance et celle de l'État. L'enseignement de la morale peut varier d'école à école dans la limite où varient les doctrines morales des philosophes ; de même que la réalité matérielle est une, bien que les théories scientifiques soient parfois divergentes ; de même que la beauté d'un chef-d'œuvre est unanimement reconnue par des critiques qui peuvent varier d'opinion sur les motifs de leur commune admiration, de même, sous les formes diverses que lui .attribuent des esprits qui l'aperçoivent chacun de son biais, la vérité morale conserve son unité essentielle, si toutefois il y a communauté de méthode entre ceux qui s'efforcent de la saisir. Les directeurs et directrices ont donc le droit de marquer leurs préférences pour tel on tel aspect du bien, mais ils ont le devoir d'adopter dans leur enseignement moral l'attitude qui, depuis Descartes, s'impose à toute science humaine.

 

II. - Langue française et Littérature.

 

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