[suite des Instructions de 1920 - horresco referens, apparaît le vocable maudit, race !]

 

II. - Langue française et Littérature.


Littérature (littérature ancienne, littérature du moyen-âge, littératures étrangères).

 

Dès son entrée à l'école normale, l'élève-maître doit se sentir dans un monde nouveau. Ce n'est pas seulement l'enseignement philosophique qui lui donnera cette impression ; tous les enseignements doivent y contribuer. C'est pour ce motif que, dès la première année, on lui fera connaître quelques chefs-d'œuvre de la littérature ancienne, dont l'ancien programme retardait la lecture jusqu'à la troisième année.

 

 

Par cela même il sera permis d'accorder à ces lectures un peu plus de temps qu'autrefois : une heure par semaine environ pendant les trois années, au lieu d'une heure par semaine environ durant la dernière année. On pourra donc consacrer cinq ou six séances (au lieu de deux) à chacun des auteurs énumérés au programme ; et ce n'est certes pas trop pour faire sentir aux élèves la poésie d'Homère, d'Euripide ou de Virgile, pour leur faire comprendre les Commentaires de César ou pour les initier à la littérature du moyen âge.

Les œuvres ont été classées soit d'après l'ordre de difficulté croissante, soit en tenant compte de la correspondance qui peut exister entre l'enseignement littéraire et d'autres enseignements. C'est pour répondre à la fois à cette double préoccupation qu'on a réservé pour la troisième année les œuvres des philosophes (sauf les dialogues les plus faciles de Platon). Mais si l'on a placé en première année l'étude d'Euripide, c'est que l'Iphigénie de Racine est inscrite au programme de cette même classe ; pour une raison analogue, la lecture de Tacite éclairera en seconde année l'étude de Britannicus. Et César figure en première année, parce que l'enseignement historique comprend, dans cette classe, l'histoire de Rome et l'histoire de la Gaule.

Il va sans dire que si toutes les œuvres énumérées doivent être étudiées, elles ne seront pas lues intégralement. Le professeur choisira les passages les plus caractéristiques, qu'il expliquera en classe, et il choisira aussi des passages plus étendus, qu'il fera lire en étude. Si intéressante que soit pour les normaliens l'étude des grands noms des littératures anciennes et étrangères, on n'oubliera pas qu'elle ne tient dans le plan d'études qu'une place secondaire.

 

Langue et littérature françaises.

 

1° Lecture expliquée. - Deux heures seront consacrées, dans chaque année, à l'explication des textes français modernes : si la part faite à cet exercice est réduite en première et en deuxième année, elle est, au contraire, accrue en troisième. On ne saurait exagérer son importance. Elle est, pour les études littéraires, ce qu'est la manipulation pour la physique ou la chimie, la dissection pour l'histoire naturelle : elle place l'élève en contact immédiat avec la réalité. Alors que dans les sciences cette réalité est un objet naturel, c'est ici une œuvre humaine, mais la méthode à suivre pour la faire connaître est dans les deux cas la même : écarter tout intermédiaire, afin que l'esprit saisisse directement la vérité ou la beauté. On évitera donc toute érudition ; on ne se servira des ouvrages de critique qu'à titre d'instruments d'analyse ; on ira droit au texte des grands écrivains.

Le choix des auteurs est laissé aux professeurs sous le contrôle des directeurs, et les listes qui figurent au programme ne sont données qu'à titre d'indication. Toutefois, la liberté des maîtres est limitée par deux ordres de considérations dont s'inspire le programme lui-même. Tout d'abord, les professeurs s'entendront entre eux pour éviter d'expliquer les mêmes textes dans les années successives. En outre, il conviendra de suivre, d'une année à l'autre, une progression.

Le programme place en première année les œuvres qui paraissent les plus faciles, tout en étant déjà plus difficiles que celles qui sont proposées pour les écoles primaires supérieures. Si La Fontaine, qui occupe une place importante dans ces dernières écoles, reparaît à l'école normale, c'est qu'on pourra y faire lire non plus les fables les plus simples, mais celles où le poète expose ses idées littéraires ou philosophiques.

En seconde année, les textes sont d'une interprétation plus délicate. C'est dans cette classe qu'on a inscrit ceux qui peuvent illustrer l'enseignement de la sociologie (Esprit des lois, Contrat social) ou 1'enseignement de la pédagogie (Émile, et, dans les extraits des écrivains de la Renaissance, Rabelais et Montaigne).

Enfin, en troisième année se trouvent les œuvres les plus abstraites, celles où sont posés lés grands problèmes littéraires et philosophiques.

Il est bien entendu que les professeurs n'auront pas à lire tous les ouvrages énumérés, ni à lire intégralement tous ceux qu'ils auront .choisis ; ils ne seront pas non plus condamnés à choisir exclusivement dans la liste officielle leurs textes d'explication; mais ils devront choisir des œuvres présentant, pour chaque année, le même degré de difficulté et le même caractère que les ouvrages indiqués au programme.

En dehors de la classé, les élèves seront invités à faire d'abondantes lectures, dont le contrôle continuera à être assuré par les professeurs, bien qu'aucune place déterminée ne lui soit plus réservée dans l'emploi du temps ; c'est au cours des visites qu'ils feront dans les études et pendant les heures qu'ils consacreront à la direction du travail des élèves que les professeurs les interrogeront sur leurs lectures personnelles, leur fourniront des indications bibliographiques, orienteront leurs choix, provoqueront leurs réflexions. Dans la semaine du normalien, allégée par la présente réforme, quarante heures environ peuvent être accordées au travail personnel ; quelques-unes d'entre elles seront réservées à de sérieuses lectures. Les élèves auront fréquemment libre accès à la bibliothèque de l'école, où ils rencontreront leurs maîtres et où ils trouveront toutes les ressources nécessaires à leur travail. La bibliothèque doit devenir à l'école normale l'ardent foyer des études littéraires.

 

2° Composition française. - Le nouveau plan d'études ne réserve qu'une heure par quinzaine (au lieu d'une heure par semaine) à la composition française. Ce n'est pas que l'importance de cet exercice doive diminuer. Mais il a paru qu'on devait davantage faire confiance aux élèves-maîtres et laisser plus de liberté à leur travail personnel. À ce point de vue comme à d'autres, ils ne sauraient être traités comme les élèves du cours complémentaire ou de l'école primaire supérieure. Le travail de préparation, au moins indirecte, qui à 1'école primaire supérieure doit être accompli en classe, n'a plus, à 1'école normale, de raison d'être. Les élèves ont été exercés antérieurement à composer et à rédiger sous la direction de leur professeur. Il faut maintenant les laisser travailler seuls. En leur dictant le sujet de composition, le maître se bornera à leur fournir quelques références, à leur donner quelques conseils. Puis, ils voleront de leurs propres ailes. Le temps qu'ils consacreront à leurs lectures, à leurs réflexions, à leur rédaction sera assez long pour qu'on ne leur demande pas plus d'une composition par quinzaine.

Les sujets seront d'un ordre plus relevé qu'à l'école primaire supérieure ; ce seront des sujets de littérature, de pédagogie, de sociologie ou de morale. Pour leur choix, le professeur de littérature s'entendra avec le directeur chargé des autres enseignements.

La classe bi-mensuelle de composition française sera tout entière occupée par la correction des devoirs. Cette correction sera surtout collective. Le maître pourra faire refaire un plan, une phrase, un développement au tableau noir, afin d'entretenir les élèves dans de bonnes habitudes de composition et de rédaction. Mais ce travail, même s'il est matériellement effectué par un élève isolé, sera l'œuvre collective de tous les esprits tenus en éveil par les questions et les sollicitations constantes du professeur.

 

3° Étude de la langue française. - Le Conseil supérieur a effacé du programme des écoles normales le mot : "étude de la langue française". Que signifie ce changement ? Que l'on doit bannir des écoles normales l'enseignement abstrait et quasi-scolastique des règles grammaticales et le remplacer par une étude vivante de notre langue.

Cette étude, supposant conservées les connaissances acquises à l'école élémentaire et à l'école primaire supérieure, pourra entrer dans des détails qui, auparavant, eussent été inopportuns. Tandis que dans les autres écoles on devait s'abstenir de parler des formes peu usitées et des exceptions rares, il sera permis, à l'école normale, de se montrer moins discret. On pourra aussi donner aux élèves-maîtres quelques indications sur la versification française.

Mais on s'efforcera surtout d'expliquer aux élèves-maîtres les faits grammaticaux. On se gardera soigneusement de vouloir tout expliquer : en nul autre domaine il n'est plus facile de confondre le vraisemblable avec le vrai ; en nul autre domaine n'est plus dangereuse l'ingéniosité des conjectures. Mais quelques notions de phonétique appuyées, le cas échéant, sur des exemples empruntés au patois régional, quelques notions d'histoire de la langue fourniront aux élèves-maîtres le moyen de comprendre l'évolution des formes et des règles grammaticales.

 

III. - Langues vivantes.

 

L'enseignement des langues vivantes présente, à l'école normale, des difficultés particulières. Parmi les élèves, les uns, avant d'entrer à l'école, ont déjà appris, pendant plusieurs années, une langue étrangère, les autres en ignorent le premier mot. Les uns, après leur sortie de l'école, continueront à la pratiquer, les autres, beaucoup plus nombreux, n'ont nullement l'intention d'en poursuivre l'étude et ne l'abordent, à l'école même, qu'avec un zèle modéré. Aussi s'était-on demandé s'il ne conviendrait pas de conférer à cet enseignement le caractère facultatif qu'il présente, dès maintenant, en troisième année et de le réserver uniquement à ceux des élèves qui, qu'ils aient ou non entrepris cette étude avant d'entrer à l'école normale, désirent, en tout cas, s'y perfectionner. On espérait, l'enseignement étant ainsi restreint à une élite de volontaires, pouvoir le porter à un niveau plus élevé.

Le Conseil supérieur n'a pas admis cette conception et il a maintenu le statu quo. Toutefois, frappé des difficultés spéciales que présente à l'école normale l'enseignement des langues vivantes, il a modifié, pour y parer, la méthode dont on s'était inspiré en 1905. Sans doute, le vocabulaire étranger continuera à être acquis par la méthode intuitive et active. Mais le but de l'enseignement ne sera plus de donner aux élèves la possession effective de la langue. On reconnaît que la méthode directe exige, pour permettre aux élèves de converser couramment en allemand ou en anglais, voire en espagnol ou en italien, plus de temps que celui dont on dispose dans les écoles normales. La méthode directe exige des heures de conversation quotidienne durant des années. Or, nos normaliens n'ont pas le loisir de converser chaque jour pendant plusieurs heures en langue étrangère. Ces exercices seront pratiqués partout où le permettra l'état de préparation des élèves, et notamment dans les écoles où viendra faire un séjour un docteur étranger. Mais le but de l'enseignement n'est plus la conversation en langue étrangère ; c'est la lecture et la traduction, écrite ou orale, de textes faciles. Aucune indication n'est fournie au sujet de ces textes. Les professeurs choisiront à leur gré, suivant le niveau atteint par les élèves.

En somme, le Conseil supérieur s'est rendu compte que les langues vivantes n'ont pas, à l'école normale, le même rôle que dans les autres établissements d'enseignement. À l'école primaire supérieure et aussi dans les lycées et collèges, on doit apprendre aux élèves à parler, à lire et à écrire en langue étrangère, car il s'agit de former des hommes qui, industriels, commerçants, ingénieurs, soldats ou diplomates, seront en contact avec des personnes ne parlant pas le français. Tel n'est pas le cas de l'instituteur ; il est, en général, destiné à vivre au milieu de ses compatriotes, et la langue étrangère n'est pas pour lui nécessaire, au sens utilitaire du mot. Pourquoi veut-on qu'il l'étudie ? C'est pour lui permettre d'élargir son horizon et de perfectionner sa culture. La langue qu'on doit lui enseigner, c'est donc la langue littéraire plutôt que la langue usuelle. Et la méthode qu'on doit suivre, c'est la lecture et la traduction plutôt que la conversation. Voilà pourquoi le Conseil supérieur a rompu avec les programmes de 1905, trop identiques à ceux des écoles primaires supérieures, et leur a substitué des directions plus simples, laissant aux maîtres plus de liberté et assignant à leur enseignement un objectif moins utilitaire et plus éducatif.

 

IV. - Histoire.

 

Afin d'amener les normaliens au brevet supérieur en deux ans, le plan d'études de 1905 avait dû condenser en ces deux années toute l'histoire de France depuis les origines jusqu'en 1875. Comme pour d'autres matières, on reprenait donc à l'école normale, et dans des conditions telles qu'on ne pouvait lui donner plus de développement, le programme de l`école primaire supérieure. En revanche, le programme de troisième année était plus nouveau : quelques conférences ouvraient aux élèves une vue sur l'Antiquité, d'autres posaient devant eux certaines questions importantes de l'histoire du Moyen Âge, des Temps Modernes et de l'époque contemporaine.: Comme pour d'autres matières, le plan d'étude de 1920 évite, pour l'histoire, de répéter à l'école normale ce qui a déjà été dit à l'écolo primaire supérieure, et il s'inspire, pour toutes les années, des principes qui avaient, en 1905, dicté la rédaction du programme de troisième année.

D'une manière générale, le professeur n'aura pas à faire le récit continu de la suite des événements ; il supposera connue la trame de l'histoire ; il devra, simplement par la voie de l'interrogation, contrôler cette connaissance et inviter au besoin les élèves à la rafraîchir. Une exception sera faite en première année, pour l'histoire de l'Antiquité et du Moyen Âge, que les élèves-maîtres n'auront pas eu antérieurement l'occasion: d'étudier ; même dans ce cours, les événements ne seront racontés que pour caractériser les diverses époques et les diverses civilisations : il s'agit moins d'apprendre aux élèves des noms et des dates que de les faire réfléchir sur les causes et les effets des grands événements, sur la formation et le développement des institutions humaines. Mais c'est surtout à partir de la seconde année que l'étude deviendra discontinue ; on ne s'astreindra pas à suivre l'ordre chronologique ; c'est à l'examen des principaux problèmes historiques posés en Europe depuis la Renaissance que seront conviés les élèves-maîtres. Suivant le principe général du nouveau plan d'études, on leur aura, dès la première année, procuré la sensation de découvrir du nouveau en les plongeant dans l'étude de l'Antiquité; mais, en seconde année, une nouvelle surprise les attend, celle de voir grouper d'après leurs relations logiques des faits qu'ils ont coutume de dévider automatiquement en suivant le cours du temps. Leur professeur pourra même prendre des libertés avec le programme, abréger l'étude de certains articles pour insister davantage sur d'autres : l'essentiel est qu'il habitue les élèves à étudier sous tous leurs aspects principaux des questions d'un intérêt primordial.

Pour traiter des sujets historiques d'une manière approfondie les manuels, quelle que soit leur valeur, ne suffisent pas : il faut recourir aux sources. La méthode de l'enseignement historique ne différera plus désormais, à l'école normale, de celle des enseignements littéraire et scientifique : l'enseignement littéraire met l'élève en contact direct avec les textes, l'enseignement scientifique le met en contact direct avec les objets naturels ; l'enseignement historique doit le mettre en contact direct, sinon avec les faits qui ne sont plus, du moins avec les traductions les plus immédiates de ces faits, avec des documents de première main. À la leçon du professeur, à la lecture du manuel, il faudra souvent substituer l'étude de témoignages ou de monuments contemporains des événements. Ou bien il faudra faire précéder la leçon de cette étude. De même que - nous le verrons plus loin - la leçon de botanique ou de zoologie ne doit être que le résumé de plusieurs séances d'observations et de dissections pratiquées sur la plante ou sur l'animal, de même la leçon d'histoire ne doit être, à l'école normale, que le résumé des observations et des analyses pratiquées sur des documents bien choisis. Les élèves retireront d'une étude ainsi conduite une impression singulièrement plus vivante que de la lecture d'un récit schématique ; ils verront revivre le passé au lieu de n'en avoir sous les yeux qu'un squelette.

C'est pour faciliter l'emploi de cette méthode que l'on a fait suivre chacune des grandes questions énumérées au programme de l'indication sommaire de quelques références. Cette indication n'a rien d'impératif. Les professeurs ne trouveront pas toujours à la bibliothèque de l'école tous les livres signalés. Mais, outre qu'on peut espérer la publication de "Lectures historiques" où seront réunis les principaux textes, rien n'empêchera les maîtres de demander chaque année, lors de l'emploi du crédit accordé pour les bibliothèques, quelques-uns des recueils qui contiennent ces documents. Il doit être bien entendu que ces ouvrages ne doivent pas être lus in extenso par les élèves, mais que les maîtres ont à choisir eux-mêmes dans ces livres les passages "courts et caractéristiques" dont la lecture et le commentaire suggéreront. les réflexions les plus nombreuses et les plus fécondes. Enfin, les professeurs auront le droit de substituer, aux textes et monuments indiqués par le, programme officiel, d'autres documents d'égale valeur. Ils rechercheront notamment les documents d'histoire locale ou régionale qui, mieux que des, ouvrages généraux, feront comprendre aux élèves les caractères de certaines périodes. Par une sorte d'illusion naturelle, nous considérons comme encore présent le passé du pays que nous avons sous lés yeux...L'histoire locale a le privilège d'être vivante: Profitons de cet avantage.

Un dernier mot sur l'esprit général de l'enseignement historique. Si le programme des écoles normales, à la différence de celui des écoles primaires supérieures, qui, est presque; exclusivement réservé à l'histoire de France, porte sur l'histoire des grandes puissances de l'Europe et du monde, la France n'en doit pas moins demeurer au premier plan des préoccupations du professeur. L'histoire de France possède une valeur éducative particulière, parce que la France; a été de tout temps, au siècle des Croisades comme à l'époque de la Révolution, sous Louis XIV comme au siècle des Lumières, l'éducatrice du genre humain. Même lorsqu'on étudie-les autres nations, c'est le rôle de la France et sa mission historique qu'il faut montrer aux élèves-maîtres. Instituteurs, ils seront, dans chaque commune, les représentants de l'esprit national ; le réseau de nos écoles est l'armature de la patrie. Et de tous les enseignements de l'école, c'est,, avec celui de la morale civique; celui de l'histoire qui peut le plus solidement unir les volontés françaises. Les écoles normales failliraient à leur premier devoir si, faute d'un enseignement historique inspiré par un juste sentiment national, leurs élèves entraient dans la carrière d'instituteurs sans aimer le génie de la France.

 

V. - Géographie.

 

Comme pour l'histoire, le plan d'études de 1905 n'assigne au professeur d'école normale; pour- la géographie; d'autre tâche que de répéter, en deux ans, ce que le professeur d'école primaire supérieure avait eu le loisir de développer en trois années. Ainsi, le, cours de l'école normale serait plus sommaire que le cours de l'école primaire supérieure: Sans doute les instructions rappellent .à plusieurs reprises que l'élève-maître n'est pas tout à fait un ignorant en géographie, que l'on peut supposer connues certaines des questions inscrites au programme et faire des autres une étude plus approfondie. Il n'en est pas moins vrai que, par leur contenu, les deux programmes sont à peu près identiques et que l'on ne peut guère éviter à l'école normale l'impression fâcheuse du déjà vu.

Tout autre sera l'impression des normaliens quand le plan d'études de 1920 sera appliqué. Au lieu de prendre un à un les différents pays du monde, il classera les faits géographiques pour rechercher leurs causes et leurs lois. Il s'initiera à cette géographie nouvelle qui ne se contente plus d'être descriptive, mais tend, comme les autres sciences, à être explicative en comparant des faits nombreux et en découvrant leurs rapports. En première année d'école primaire supérieure, un tel enseignement nous paraissait prématuré ; il est à sa place, au contraire, à l'école normale. Maintenant que l'on connaît les diverses régions du globe, on peut rapprocher leurs traits et faire surgir de ces rapprochements des explications. Venant après l'examen de faits particuliers, les idées générales ne seront pas vides. Après l'analyse, la synthèse est aisée, et elle est féconde.

En même temps, l'étude de la géographie générale permettra de faire sans redites une révision des connaissances acquises. De ce que le programme ne comprend plus les rubriques traditionnelles (le monde, l'Europe, la France), il ne suit pas que les élèves doivent oublier ce qu'elles désignent. En choisissant dans toutes les parties du globe les exemples dont il aura besoin, le professeur aura l'occasion de vérifier ce que les élèves auront retenu de leurs études antérieures et de les inviter, au besoin, à rafraîchir leurs souvenirs. Le programme ne rappelle qu'un très petit nombre des faits qui peuvent illustrer ,un cours de géographie générale : ils doivent être, au contraire, des plus abondants et des plus variés; et ils doivent servir à entretenir les connaissances des élèves autant qu'à étayer les démonstrations du professeur.

En troisième année, on fera une application particulière des généralités induites durant les deux années précédentes. Cette application aura pour objet la région. Que faut-il entendre par région ? Ce n'est ni le département, ni l'ancienne province, ni le ressort. académique où se trouve l'école normale. C'est la région naturelle, telle que les géographes la délimitent, telle qu'elle est délimitée, par exemple, dans le tableau de la France de Vidal-Lablache. Cette étude restreinte sera aussi approfondie que possible. On insistera sur la géographie économique : c'est l'activité économique non moins que le relief. du sol qui donne à une région sa physionomie. On ne manquera pas de montrer les liens qui unissent la région au reste de la France dont l'image ne sera jamais absente des esprits et dont on rappellera les traits essentiels dans la conclusion du cours.

On invitera les élèves à observer eux-mêmes les faits de géographie physique ou de géographie humaine qui seront utilisés dans les leçons. Comme en histoire, comme dans les autres sciences, on les associera à la recherche et à l'élaboration des matériaux.

En ce qui concerne la méthode de l'enseignement, nous n'aurions guère qu'à reprendre les conseils donnés en 1905, qu'il s'agisse du caractère concret des leçons, de l'emploi des images, gravures et projections, de 1'emploi de la carte muette et du croquis au tableau noir, de la confection de cartes simples et exactes ou de la proscription des "belles cartes" chargées de détails inutiles ou ornées de lettres enjolivées "dont le moindre défaut est de prendre sans profit un temps considérable".

Nous souhaitons également que les élèves-maîtres ne sortent pas de l'école normale sans avoir constitué une bibliographie des lectures géographiques qu'ils pourront faire à l'école élémentaire et une collection d'images, de photographies, de cartes postales bien choisies qui leur serviront à illustrer leurs leçons et qu'ils devront renouveler et compléter pendant tout le cours de leur carrière.

 

ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE

 

I. - Mathématiques.

 

Les programmes de mathématiques continuent, étendent quelque peu en surface, complètent surtout en profondeur, par l'emploi qu'ils impliquent d'une méthode plus sévère, ceux des cours complémentaires et des écoles primaires supérieures. Les élèves-maîtres, dès leur entrée à l'école normale, disposent de connaissances assez étendues, ils savent résoudre des problèmes variés et difficiles. Mais le plus souvent ils exécutent des exercices par l'habitude et d'une manière quelque peu machinale. Ce qui leur manque, ce sont les définitions exactes, ce sont les démonstrations rigoureuses. Dans la correction des exercices, le professeur apprendra à ses élèves à raisonner juste, à ne pas se payer de mots et de demi-raisons, à ne laisser jouer à la mémoire aucun rôle secondaire.

Le moment est venu de considérer d'un peu haut ces problèmes variés, de voir nettement l'extrême simplicité des méthodes d'investigation à laquelle s'oppose la variété si multiple des applications. En réalité, ces problèmes, si différents d'aspect, se ramènent à trois, selon qu'ils conduisent à une relation algébrique du premier degré, ou à un système du premier degré, ou à une relation du second degré. C'est ainsi, par exemple, qu'un problème d'intérêt (accroissement d'un capital en fonction du temps) ne se distingue pas d'un problème de dilatation (accroissement d'un volume en fonction de la température).

Les énoncés, d'ailleurs, vont se diversifier encore, étendant à des voies innombrables le bénéfice de ces exercices fructueux. Bien que toujours rattachés à la rubrique "arithmétique" ou "calcul", les problèmes utiliseront des données de toute origine : commerce, industrie, agriculture, hygiène, géométrie, physique, chimie. Le calcul des rations nécessaires à la nourriture de l'homme et des animaux, la détermination des quantités respectives d'engrais appropriés aux différentes cultures, ne sont que des prolongements du chapitre des mélanges. Pour étendre sa puissance à toute la chimie, la règle de trois n'a besoin que du concours des formules des réactions et du tableau des poids atomiques. Le professeur provoquera chez ses élèves l'initiative de rapprochement leur permettant de transporter d'un domaine dans un autre les raisonnements et même les habitudes d'esprit qu'ils se figurent trop aisément rivés aux exercices théoriques d'un type déterminé.

Mais l'enseignement des mathématiques doit assurer d'autres profits ; son objet principal est d'exercer, de fortifier la faculté de raisonnement. À l'école normale, le professeur veillera avant tout à ce que les élèves comprennent parfaitement les démonstrations, tout en évitant les cours dictés (les livres qu'il peut choisir en toute liberté fourniront après la classe tous les compléments nécessaires), qu'il mette en relief les points essentiels, qu'il expose :avec soin, les parties délicates, dans une recherche constante d'ordre, d'enchaînement, de rigueur.

Ce souci de la rigueur dans l'établissement des vérités mathématiques ne prendra point pourtant un caractère tyrannique et exclusif. Le maître peut juger trop délicate, trop ardue, une démonstration particulière qui se présente dans le développement du cours : qu'il la supprime, si son opinion est fondée sur de bonnes raisons. L'important est de bien distinguer ce qui est formellement établi et ce qui est simplement admis.

Cette condition réalisée, les études poursuivies donneront à l'esprit la solide discipline qui est l'honneur des mathématiques.

 

Arithmétique

 

En arithmétique, le plan d'études de 1905prévoyâit exclusivement, pour la première-année, des exercices pratiques et du calcul mental et reportait à la deuxième année: toutes les questions théoriques (qui prenaient, à l'école primaire supérieure, deux années entières). Le nouveau plan d'études, en même temps qu'il écarte toute théorie du programme des écoles primaires supérieures, répartit entre les deux premières années des écoles normales les questions de cette -nature : l'esprit plus mûr des jeunes -gens leur permettra de les comprendre. Mais ce n'est pas à dire que -les exercices pratiques doivent être abandonnés ; dans l'heure hebdomadaire qui est réservée, deux années durant, à l'arithmétique, ils doivent occuper au moins autant de temps que l'exposé des notions théoriques. En particulier, la pratique du calcul mental doit être entretenue et fortifiée.

 

Algèbre.

 

Une heure dans chacune des deux premières années, est consacrée à l'algèbre. Le programme n'a pas été profondément modifié. On a seulement précisé certains points et insisté tout particulièrement sur 1'usage des graphiques. Les matières ont été, en outre, ordonnées de telle sorte que les redites fussent évitées. Ce .qui n'empêchera pas le professeur, en allant de l'avant, de s'assurer par de multiples interrogations et de multiples exercices que les connaissances antérieurement acquises sont soigneusement conservées dans les esprits.

 

Géométrie.

 

De même, on ne -se bornera plus, en géométrie à réviser en deuxième année le cours- de première année. On passera de la géométrie plane, seule étudiée en première année, à 1a géométrie de l'espace, réservée à la seconde.

 

Cosmographie.

 

Pour l'enseignement mathématique, la troisième année gardera un caractère différent des deux précédentes. D'une part, on donnera aux élèves, comme par le passé, quelques notions de cosmographie ; au moment où l'on étend, dans le cours de philosophie, leurs vues sur l'ensemble de l'univers, il est bon qu'ils aient, quelques idées précises sur les mondes qui nous entourent. Ces notions leur seront d'ailleurs utiles dans l'enseignement qu'ils auront à donner aux adolescents et aux adultes que rien n'intéresse et n'émeut autant que l'astronomie.

 

Géométrie descriptive et trigonométrie. Applications.

 

D'autre part, on fournira aux élèves-maîtres les notions de géométrie descriptive et de trigonométrie qui pourront servir à différentes applications pratiques. Et l'on procédera à l'étude de ces applications. Cette étude pourra varier suivant les régions. Dans un département où prédominent l'industrie et le commerce, on-pourrait se dispenser de faire pratiquer aux élèves-le levé de plans et l'arpentage, mais on remplacerait ces exercices par un enseignement de la comptabilité. Dans les départements du littoral, on continuera, comme par le passé, à donner l'enseignement nautique (le programme n'en a pas été modifié) en réduisant l'enseignement de la géométrie descriptive. Toutefois, comme il n'existe pas de département en France où la population soit exclusivement composée, soit d'agriculteurs, soit d'industriels, soit de commerçants, soit de marins, ces modifications au programme ne devront être faites qu'avec circonspection.

Nos écoles normales ne pourraient être vraiment spécialisées que le jour où elles cesseront d'être départementales -pour devenu régionales et où chacune d'entre elles aurait pour fonction de former pour toute la région une catégorie d'instituteurs. Nous n'en devons pas moins tendre à modeler l'enseignement scientifique des écoles normales sur le caractère prédominant de chaque département.

 

II. - Sciences physiques.

 

Les élèves-maîtres, en entrant à l'école normale, possèdent déjà des notions de physique et de chimie. Ils savent que ce sont des sciences expérimentales dont 1'étude a éveillé chez eux- le sens de l'observation et de 1'expérimentation, en même temps qu'elle développait les facultés du raisonnement. Le professeur..d'école normale continuera l'œuvre éducative ainsi commencée, conservant le constant souci de prendre les faits pour guides, appuyant exclusivement les lois qu'il énonce sur les phénomènes observés dans la vie courante et dans la pratique: industrielle aussi bien qu'au laboratoire.

Le programme prescrit la révision des chapitres enseignés à l'école primaire supérieure ; mais cette révision doit être strictement expérimentale ; cette fois, ce sont les élèves qui manipulent, enregistrent, classent leurs observations, coordonnent les résultats quantitatifs, rectifient à l'aide de leurs constatations un souvenir inexact ou l'interprétation maladroite d'une formule. Toutefois, leur savoir antérieur n'a pas seulement à être redressé, confirmé ou complété ; des matières nouvelles sont inscrites par lesquelles devra être étendu le champ de leurs connaissances, tandis qu'une étude, devenue plus pénétrante, des phénomènes, fortifiera leur culture générale en les associant plus étroitement aux procédés de recherche de la vérité scientifique.

Une. fois les faits découverts, le professeur les expliquera avec .clarté et simplicité. Les développements théoriques ne lui sont pas interdits, à condition qu'ils soient dominés par des considérations d'ordre pédagogique et d'ordre expérimental. Il y a évidemment grand profit à grouper les faits connexes, à leur trouver une commune justification. Ils sont alors mieux compris et la mémoire les retient avec moins de peine et plus d'agrément. Les leçons ainsi ordonnées sont nettes, précises, écoutées avec fruit. Mais que l'aspect d'une telle leçon, charpentée parfois comme une leçon de mathématiques, ne donne pas naissance à une illusion qui est encore assez fréquente ! Le physicien, comme le chimiste, s'il se cantonne dans son vrai domaine, doit limiter son activité aux observations, aux expériences, aux mesures. Il a accompli sa tâche lorsqu'il a dressé des tableaux numériques exacts. Sans doute il traduit ses tableaux par des graphiques, il exprime ses résultats par des formules ; mais ce dessin, mais cette algèbre n'ont de sens et de valeur qu'en raison de la fidélité avec laquelle ils résument et présentent les mesures effectuées. Les lois énoncées ne déterminent pas les faits, elles les expriment; les faits ne vérifient pas les lois, ils les établissent. Guidés par leurs professeurs, les élèves-maîtres auront donc toujours à se préoccuper du degré de précision des mesures, la précision consistant non seulement à fournir toutes les décimales dont on est sûr, mais encore à supprimer toutes celles qui demeurent incertaines. Ainsi disciplinés, formés au respect et au culte de la vérité numérique, les élèves-maîtres pourront et devront user des formules algébriques et utiliser toutes les ressources du calcul, accordant une juste confiance à la matière et à l'outil de leur travail.

Ni dans son laboratoire, ni dans sa chaire, le professeur ne perdra de vue l'intérêt pratique des expériences et des lois physico-chimiques. L'esprit de son enseignement doit demeurer essentiellement pratique. L'attention des professeurs doit être attirée sur la note que le Conseil supérieur a placée en tête du programme : "Chaque école doit s'approprier aux besoins de, la région". On n'a retenu que les notions théoriques nécessaires à la compréhension des applications de la science à l'agriculture ou à l'industrie. Mais dans ces notions, chaque professeur doit faire un choix : il doit insister sur celles dont l'application est courante dans le département où il enseigne, et il doit montrer comment s'effectue cette application. L'ancien programme de troisième année donnait, à titre d'exemple, une liste des applications industrielles dont l'étude pouvait être faite à l'école normale : machine à vapeur, machine à gaz, moteurs à pétrole, machines frigorifiques, applications industrielles du froid, conservation de produits alimentaires, photographie, phototypie, dynamos et alternateurs; transformateurs, moteurs électriques, transport électrique de l'énergie : applications à l'éclairage et aux opérations chimiques industrielles. Non seulement cette liste ne doit pas être considérée comme périmée, mais c'est dans les trois années qu'elle doit être utilisée, avec les modifications et les additions que suggérera le spectacle de l'activité économique de la région. Il est instamment recommandé aux directeurs et professeurs de ne négliger aucune occasion de faire connaître aux élèves-maîtres les exploitations agricoles et les usines où ils pourront compléter sur place leur étude des applications de la physique à l'agriculture et à l'industrie.

Les remarques qui précèdent s'appliquent à la chimie comme à la physique. Bien que l'étude des industries chimiques ne figure -au programme qu'en troisième année, on ne laissera pas ignorer, dans les deux précédentes, les applications de la chimie à l'agriculture ou à l'industrie, et l'on fera varier cette étude suivant les régions : on n'accordera pas à la métallurgie, dans un département agricole, la même importance que dans un département industriel. C'est surtout par l'enseignement scientifique, que doivent se différencier les écoles normales; car c'est l'enseignement scientifique qui entretient les relations les plus étroites avec l'activité économique particulière à chaque région.

 

III. - Sciences naturelles.

 

C'est peut-être dans le programme d'histoire naturelle qu'a été réalisé le plus pleinement l'idéal que nous voulons atteindre dans l'enseignement des écoles normales. Une sorte de révolution y est opérée : jusqu'à présent, la meilleure partie du temps était occupée par le cours, illustré d'expériences auxquelles assistaient plus ou moins passivement les élèves. Désormais les dissections et manipulations, auxquelles participeront activement les élèves, doivent constituer l'essentiel ; la leçon passe au second plan. Au mode livresque est substituée la séance de travaux pratiques, ou la démonstration concrète. Le professeur rassemble les matériaux d'étude, d'abord ceux dont il dispose immédiatement et de préférence les plus connus, puis il dirige l'exercice de façon que les élèves voient eux-mêmes les faits et souvent en provoquent l'apparition.

Il n'est pas nécessaire, d'ailleurs, de multiplier à l'excès les expériences : leur qualité importe plus que leur nombre. Toutefois, -le savoir ne doit pas rester fragmentaire : quelques minutes suffiront, au début de chaque séance, pour relier les faits à étudier aux choses déjà connues. L'élève-maître a déjà suivi un cours de sciences naturelles, il a des livres ; quelques minutes de synthèse à la fin permettront d'introduire de la cohésion dans la diversité des notions acquises au cours de la démonstration. La trace de l'exercice sera soigneusement conservée dans un cahier de travaux pratiques où figureront dessins, tableaux d'expériences, nomenclatures, etc.

De temps en temps, dans une leçon, le professeur dégagera la philosophie ou l'idée maîtresse d'un ensemble de faits observés ou expérimentés.

La place attribuée jadis aux classifications a été réduite. Bien souvent elles n'étaient que, l'occasion d'un verbalisme stérile. Si elles répondent à un besoin indéniable, elles ne doivent intervenir qu'a posteriori, quand l'élève-maître a observé beaucoup d'animaux, de plantes ou de roches. Au fond, le meilleur savoir surgira de l'examen attentif des êtres considérés dans leurs milieux respectifs ; il ne résultera pas de la vue exclusive d'objets plus ou moins artificiels assemblés en une collection. La leçon la plus fructueuse, 1a plus substantielle, sera faite au cours de la promenade, de l'excursion, en présence de la nature elle-même, toujours riche et variée.

Quant au contrôle, il tendra à vérifier, non pas le savoir livresque, mais le progrès réel de l'élève. Celui-ci sera mis en présence de choses déjà observées et sera invité à faire un exposé clair, concis, complet. De plus, l'examen du carnet de travaux pratiques, la trace des expériences ou constatations personnelles pourront fournir des indications précieuses sur l'adaptation de son activité au développement intellectuel que cette activité doit assurer.

Le plan d'études proposé est moins une table des matières, même dégagée de toute prétention d'imposer l'ordre et le détail des leçons et démonstrations énumérées, qu'un exemple et un guide. Fixé sur l'étendue et l'esprit de son travail, le professeur pourra, dans chaque école, déterminer une répartition de son programme en harmonie avec les possibilités locales, les conditions saisonnières, les occasions géologiques ou biologiques. L'essentiel est que l'élève-maître trouve dans un enseignement maintenu en contact étroit avec la nature, non seulement une discipline éminemment instructive, mais encore une initiation directe aux sciences expérimentales.

Enfin, comme l'enseignement des sciences physiques, l'enseignement des sciences naturelles prendra, un caractère pratique. Si les applications de ces sciences à l'agriculture ne sont spécialement étudiées qu'en troisième année, elles ne doivent pas être négligées dans les deux premières. Elles varieront selon les régions, le professeur insistant sur les plantes qui sont cultivées et sur les animaux qui sont élevés dans le département où il exerce. Il ne saurait y avoir d'incompatibilité entre cet enseignement pratique et l'enseignement théorique, car l'un et l'autre exigent également l'emploi de la méthode expérimentale.

 

IV. - Hygiène.

 

L'ancien programme d'hygiène a été conservé intégralement. On n'a apporté au texte que de légères modifications exigées par les progrès accomplis depuis quinze ans dans les sciences biologiques.

Mais on a ajouté à chacun des chapitres un paragraphe relatif à l'hygiène scolaire. Et les indications ainsi fournies ne sont pas limitatives. Le professeur saisira toutes les occasions qui-se présenteront d'appliquer à l'école et à l'écolier les règles générales qu'il aura exposées.

L'enseignement de;1'hygiène exigera une vingtaine de leçons. Comme le programme de chimie et le programme de biologie sont relativement courts en troisième année, il sera aisé de trouver la place de cet enseignement dans les quatre heures hebdomadaires qui sont réservées aux sciences physiques et naturelles. En aucun cas le temps consacré à l'hygiène ne devra être prélevé sur l'heure destinée aux manipulations.

Je compte sur nos professeurs pour faire sentir aux élèves-maîtres et aux élèves-maîtresses toute l'importance que prennent dans notre pays la connaissance et la pratique des règles de l'hygiène. À l'heure où tant des nôtres viennent de succomber sur les champs de bataille, comment ne ferions-nous pas tous nos efforts pour sauver la race en détournant d'elle les grands maux qui la menacent ? Or, si tous les Français, depuis l'âge le plus tendre, étaient habitués à obéir aux préceptes de la science, que de milliers d'existences seraient chaque jour préservées de ces fléaux ! Dans cette lutte contre la maladie, l'instituteur et l'institutrice sont les alliés nécessaires et puissants du médecin. Il faut les préparer à ce rôle social en leur donnant non seulement de bonnes leçons mais de bonnes habitudes d'hygiène.

 

V. - Agriculture théorique.

 

Le programme qui a été établi antérieurement, à la suite d'une entente entre le Ministère de l'Agriculture et le Ministère de l'Instruction publique, ne sera modifié que par un nouvel accord entre les mêmes administrations.

 

ENSEIGNEMENTS DIVERS

 

Dessin.

 

Les instructions antérieures demeurent valables, car le programme n'a pas été modifié. Mais il a paru qu'une heure hebdomadaire dans chacune des trois années suffirait pour le dessin géométrique.

 

Chant et musique.

Le programme a été simplifié, mais on n'a pas eu l'intention d'en changer l'esprit.

 

Gymnastique.

Le programme n'a subi aucune modification.

 

Travaux manuels et travaux agricoles.

Aucune modification n'a été apportée au programme, mais il est à souhaiter que les élèves-maîtres visitent des exploitations rurales, participent aux principaux travaux des champs dans -des fermes-modèles et soient périodiquement associés, partout où cela, est possible, aux exercices d'une école d'agriculture. Des initiatives prises en ce sens dans plusieurs départements ont été couronnés de succès et elles ne doivent pas demeurer exceptionnelles.

 

 

ÉCOLES NORMALES D'INSTITUTRICES

 

Le plan d'études des écoles normales d'institutrices se confond, pour la plupart des matières d'enseignement, avec celui des écoles normales d'instituteurs. De brèves observations suffiront donc pour le commenter.

 

ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE

 

L'enseignement scientifique était, jusqu'à présent, réduit à la portion congrue dans les écoles normales de jeunes filles ; il n'occupait que cinq heures par semaine en première et en deuxième années, et trois heures en troisième (en y comprenant l'économie domestique et l'hygiène), soit au total treize heures, alors qu'il en comportait vingt et une dans les écoles normales de jeunes gens. Était-il possible de justifier et de maintenir cette infériorité des institutrices à l'égard des instituteurs ? N'ont-elles pas besoin d'une culture scientifique égale à celle de leurs collègues masculins ? Et n'auront-elles pas à distribuer dans leurs écoles ou dans les œuvres postscolaires, un enseignement scientifique de même valeur, sinon de même contenu ? On a donc augmenté, dans les écoles normales de jeunes filles, la place des sciences. Dans les deux premières, années, les programmes sont identiques pour toutes les écoles normales.

En troisième année, toutefois, cette règle subit une exception. Il n'a pas paru nécessaire d'apprendre aux futures institutrices la géométrie descriptive, la trigonométrie, le levé de plan et l'arpentage : l'enseignement des mathématiques se réduira donc pour elles à la cosmographie ; une heure suffira pour cette science.

En revanche, les jeunes filles recevront des leçons d'économie domestique, qu'il n'est pas d'usage de donner aux jeunes gens. Aux quatre heures réservées à l'enseignement des sciences, naturelles dans les écoles normales d'instituteurs s'en ajoutera donc une cinquième dans les écoles normales d'institutrices. Dans les unes comme dans les autres, la chimie et l'histoire naturelle laisseront du temps disponible pour l'enseignement de l'hygiène, auquel se joint, pour les jeunes filles, celui de la puériculture. Ce dernier enseignement doit être complété par des visites aux crèches et aux consultations de nourrissons [Une disposition typographique de l'arrêté du 18 août 1920 pourrait faire croire que l'enseignement des sciences naturelles dans la troisième année des écoles normales d'institutrices se réduit à l'économie domestique et à l'hygiène. Il doit être bien entendu, au contraire, que cet enseignement comprend, comme dans les écoles normales d'instituteurs, l'étude des animaux utiles et nuisibles et l'étude de l'évolution de la vie].

On le voit, les seules différences qui subsistent entre les programmes scientifiques des deux catégorie d'écoles tiennent à la différence qui existe entre les fonctions sociales de l'instituteur et celles de: l'institutrice : l'un sera plus souvent que l'autre le géomètre de sa commune et l'institutrice donnera plus souvent que l'instituteur ses conseils et ses soins aux futures mères de famille.

 

ENSEIGNEMENTS DIVERS

 

Il appartiendra aux Directrices de répartir entre les trois années l'enseignement des travaux ménagers. On insistera sur la cuisine et l'entretien du jardin. Beaucoup de nos institutrices aiment les travaux de couture, mais trop peu prennent plaisir à préparer leurs propres repas, et dans trop d'écoles dirigées par des institutrices le jardin scolaire demeure en friche. Non seulement on se prive ainsi d'une ressource appréciable, mais lorsqu'il s'agit d'écoles mixtes, on manque à son devoir professionnel, car il est du devoir de l'institutrice qui a pour élèves des enfants d'agriculteurs, de leur donner l'exemple du travail de la terre et de commencer leur apprentissage agricole. Il importe donc que, dès l'école normale, on prenne l'habitude des travaux ménagers, des travaux agricoles et des travaux ménagers-agricoles. Les travaux ménagers doivent être accomplis dans l'école même où, chaque année, abstraction faite des autres occupations, toute élève-maîtresse devrait pouvoir préparer une quinzaine de repas. Les travaux agricoles auront lieu dans le jardin de l'école. Mais on profitera de la présence ou du voisinage d'une école féminine d'agriculture ou d'une école ménagère agricole pour compléter, d'accord avec d'administration de ces établissements, l'éducation pratique des élèves-maîtresses. Tantôt des normaliennes iront faire un stage dans une de ces écoles, tantôt c'est l'école ménagère ambulante qui sera invitée à tenir une session à l'école normale. Ces pratiques tendent à devenir habituelles dans un certain nombre de départements ; il convient de les généraliser.

Il va sans dire cependant que, dans tel département presque entièrement dépourvu d'agriculture, mais amplement pourvu de maisons de commerce, ce n'est pas à de tels travaux qu'il faudrait employer les normaliennes ; mieux vaudrait leur apprendre la sténographie ou la comptabilité dont auront besoin leurs élèves. À ce point de vue comme à d'autres, l'école normale doit s'adapter aux besoins de son milieu.

 

SANCTION DES ÉTUDES

 

La sanction des études faites à l'école normale sera désormais le brevet supérieur. Le Conseil supérieur a ajourné à l'une de ses prochaines sessions la réforme de cet examen. Mais dès maintenant, par suite de l'abrogation du décret du 4 août 1905, 1e certificat de fin d'études normales est supprimé. Néanmoins, comme les nouveaux programmes des écoles normales n'entreront que progressivement en vigueur, comme les élèves actuellement en cours d'études demeurent soumis à l'ancien régime, le certificat de fin d'études normales ne disparaitra effectivement qu'en 1923.

L'examen du brevet supérieur conservera sa forme actuelle, jusques et y compris la seconde session de 1922. Mais certaines des dispositions des décret et arrêté du 18 août 1920, qui ne touchent ni aux programmes ni aux épreuves de cet examen, seront appliquées dès la première session de 1921 ; telles sont celles des articles 107 et 108 (nouveaux) du décret organique et celles de l'article 441 (nouveau) de l'arrêté. Les candidats pourront se présenter au brevet supérieur s'ils ont dix-sept ans accomplis au 1er juillet de l'année de l'examen. Le brevet élémentaire ne sera plus, dès cette date, le seul titre donnant accès au brevet supérieur : on pourra s'inscrire en vue de ce dernier diplôme si l'on possède soit: le brevet d'enseignement primaire supérieur, soit la première partie du baccalauréat, soit le certificat, soit le diplôme de l'enseignement secondaire des jeunes filles. Par voie de conséquence, les candidats au certificat d'aptitude pédagogique seront dispensés du brevet élémentaire s'ils possèdent le brevet supérieur.

Les candidats au brevet supérieur, comme les candidats au brevet élémentaire, ne pourront se présenter que dans le département de leur résidence ; ils pourront toutefois être autorisés exceptionnellement par le Recteur à s'inscrire dans un autre département du ressort, mais l'arrêté ne prévoit pas qu'une telle autorisation puisse être donnée pour un département étranger au ressort académique. Ces mesures sont destinées à rendre aux brevets leur caractère professionnel ; ce sont des brevets de capacité : ils sont essentiellement destinés à des candidats aux fonctions de l'enseignement ; les études qu'ils sanctionnent doivent être adaptées aux besoins 1ocaux de l'enseignement. Il est donc naturel que chacun se présente dans le département où il réside.

Sans vouloir préjuger les votes ultérieurs du Conseil supérieur, on peut dire qu'il s'efforcera de mettre l'examen de sortie des écoles normales en harmonie avec les: études faites et avec les méthodes suivies dans ces établissements. Le brevet supérieur sera le couronnement naturel de trois année- d'intime communion avec la vérité morale, scientifique et philosophique ; loin d'être une menace pesant sur toute la scolarité du normalien, il devra être considéré simplement comme son certificat de fin d'apprentissage, comme le terme d'une période heureuse où il aura pris goût à la fois à sa propre culture et à sa profession.

 

Bien qu'on se soit efforcé, dans les présentes instructions, de ne laisser dans l'ombre aucune des idées générales qui ont présidé à la rédaction des décrets et arrêtés du 18 août 1920, ni aucune des innovations de détail qu'ils comportent, il apparaîtra sans doute à l'expérience qu'elles ne fournissent pas la solution de tous les problèmes que soulèvera la réforme des cours complémentaires, des écoles primaires supérieures et des écoles normales. Du moins suffisent-elles pour en indiquer l'esprit. On voudrait espérer qu'elles introduiront de l'ordre dans l'organisation de notre enseignement primaire, qu'elles aideront directeurs, professeurs et instituteurs à voir nettement le but vers lequel ils doivent conduire leurs élèves, et que, chacun sachant où il va, tous feront leur étape avec plus d'allégresse et pousseront plus avant dans la voie du progrès.

 

Le Directeur de l'Enseignement primaire,
Conseiller d'État,

P. LAPIE.

Vu et approuvé

Le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts,

ANDRÉ HONNORAT.