[Rapport J. Ferrier : Suite 4]

 

6 - DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES ET TRAITEMENTS SPÉCIALISÉS

 

L'école primaire a la chance de disposer, en plus des maîtres titulaires des classes, de personnels spécialisés formés à la prise en charge des enfants en situation scolaire difficile. Il conviendrait de tirer le meilleur profit de cette ressource dont l'existence n'est pas une fin en soi mais ne se justifie que par sa contribution à la réussite de tous les élèves, à proportion de leurs besoins.

 

6-1 - Un dispositif complexe de prises en charge

 

La double mission affectée à l'école primaire, de prévention des difficultés et des handicaps d'une part, d'intégration des enfants porteurs de déficiences et incapacités avérées d'autre part, est relativement récente. Cependant, cette école a été très tôt dotée de moyens spécifiques pour accueillir et prendre en charge les enfants différents, moins doués ou atteints dans leur intégrité physique ou mentale.

 

Des dispositions anciennes

 

Dès 1909(1), les classes de perfectionnement ont été créées pour la scolarisation des enfants dits "arriérés" ; un enseignement sur mesure y était dispensé par un maître titulaire d'un diplôme spécial. D'emblée, ce dispositif a appliqué le principe d'un enseignement différent confié à un maître différent, principe qui reste prégnant dans l'esprit des enseignants quand on évoque les enfants "différents".

Ces classes ont vu leur cahier des charges redéfini dans les années 1960, avec le développement d'une politique de "dépistage méthodique des inadaptés scolaires". En 1965(2), l'exigence pour ces enfants est une "scolarisation dans des conditions aussi proches que possible de la normale en évitant la séparation par rapport au milieu naturel, familial et scolaire", l'objectif étant d'aboutir à une "insertion efficace dans la vie active". Les solutions proposées consistent en classes annexées : classes de perfectionnement pour les enfants "débiles légers" et "débiles moyens" (avec leur suite sous forme d'unités spécifiques annexées aux collèges d'enseignement secondaire et qui deviendront les sections d'éducation spécialisée) et classes annexées pour les déficients sensoriels et les infirmes moteurs.

Parallèlement, les établissements spécialisés avec internat se multiplient, prenant en charge, à l'écart des écoles et du monde, des enfants plus handicapés dont la scolarité n'est pas encore une règle pour l'école ordinaire et pour lesquels priorité est donnée aux actions éducatives et aux approches médicales. La spécialisation des personnels, enseignants et inspecteurs, date également de cette période durant laquelle les conditions économiques permettent le développement de ce secteur spécialisé. Cet essor est le résultat de deux phénomènes : l'accroissement de la demande sociale et la hausse des exigences pour l'école primaire qu'entraîne la généralisation de la scolarisation secondaire (en même temps que l'orientation vers des sections ou établissements spécialisés des enfants qui ne pourront pas avoir une scolarité longue normale).

 

Une politique de prévention

 

À cette logique, fortement marquée par des mises à l'écart de fait, alors même que les textes initiaux insistent sur l'insertion, succède au début des années soixante-dix une logique dite de prévention et d'adaptation. Les groupes d'aide psychopédagogique (G.A.P.P.) et les classes d'adaptation(3) sont créés, comme "dispositif aussi peu ségrégatif que possible dans son essence et dans sa durée", avec pour mission d'intervenir le plus tôt possible pour concourir à une bonne insertion de tous les enfants dans un cursus scolaire rénové, pour traiter les difficultés éprouvées par les maîtres. Le mode de prise en charge développé par les G.A.P.P. consiste à extraire un enfant de sa classe pour une séance dite de rééducation (individuelle ou en petits groupes), de manière régulière au long de l'année aussi longtemps que durent les problèmes. Il est alors affirmé que le maintien dans la classe ordinaire est la règle puisque "toute pédagogie est adaptation en même temps qu'elle est compensation"(4) mais que l'efficacité de cette stratégie est subordonnée aux aides que le G.A.P.P. doit apporter aux enfants et aux maîtres.

En 1990, les G.A.P.P. sont devenus réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté(5) (R.A.S.E.D.), évolution qui affecte les modes de fonctionnement mais pas vraiment les finalités. On attend de cette réorganisation une meilleure répartition des moyens sur le territoire, une réelle coopération avec les équipes pédagogiques au service des priorités énoncées par la loi de 1989 (faire réussir mieux l'ensemble des élèves) et une plus grande facilité de pilotage du dispositif par les inspecteurs de l’Éducation nationale.

 

L'intégration, à la fois valeur, objectif et modalité

 

En ce domaine, l'année 1975 marque un tournant important avec la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées(6) qui fait de l'intégration à la fois une valeur, un objectif et une modalité de travail. L'intégration est une valeur en ce qu'elle est considérée comme une forme de réalisation des principes d'égalité et de fraternité. Elle est un objectif car il s'agit d'assurer une place dans la société à ceux qui, a priori, n'ont pas tous les atouts pour la trouver spontanément dans un univers de plus en plus compétitif qui sélectionne selon les performances. Elle est aussi une modalité parce qu'on ne saurait viser une insertion à terme par des stratégies de mise à l'écart : à l'école, il s'agit de faire en sorte que l'élève handicapé côtoie les autres pour se mesurer à eux et se faire reconnaître dans ses qualités et sa dignité et que les autres, par cette fréquentation précoce d'égaux différents, construisent une représentation favorable à un futur vivre ensemble.

Les intégrations, d'abord individuelles et difficiles à réaliser tant elles exigent un réaménagement des mentalités, prennent un caractère plus intensif avec la création des classes d'intégration scolaire en 1991(7) : classes pour handicapés sensoriels et moteurs qui ne modifient guère les classes similaires antérieures mais dont l'organisation est quelque peu aménagée et classes pour enfants handicapés mentaux qui se substituent aux classes de perfectionnement (la transformation prévue devant s'étaler sur trois années). Celles-ci, en effet, étaient devenues les lieux de prise en charge des enfants gênants soit par leur comportement, soit par le décalage de leurs acquisitions avec celles de leurs camarades, plus que des classes spécialisées dans l'accueil d'enfants déficients intellectuels. Ces classes telles qu'elles existaient de fait en 1991 ne paraissent plus avoir de justification si la loi de 1989 est pleinement mise en œuvre. Ce qu'elles devaient être en droit, c'est-à-dire une structure de scolarisation d'enfants atteints de déficiences, se retrouve dans les classes d'intégration scolaire pour handicapés mentaux.

 

La solidarité des actions pour la réussite des élèves

 

Cet ensemble de mesures - progressive fermeture des classes de perfectionnement, création des classes d'intégration scolaire et mesures d'intégration individuelles, redéploiement des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté - doit bien être considéré dans sa solidarité organique. Il s'inscrit dans le contexte créé par la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 qui réorganise la scolarité primaire en cycles et fait une règle de la prise en compte des différences entre les enfants. Cette adaptation de la pédagogie en fonction des différences entre élèves est considérée comme de nature à réduire le nombre d'enfants en difficultés non imputables à des atteintes déficitaires ; les élèves dont les très grandes difficultés scolaires étaient censées être produites par une scolarisation inadaptée ne devraient plus se compter en aussi grand nombre.

Globalement, cet édifice fondé sur trois principes : prévention, adaptation et intégration, est cohérent avec les besoins de la société et avec les aspirations des parents d'enfants handicapés. Il présente une richesse potentielle qu'on ne voudrait pas voir remise en cause, mais la mise en œuvre effective étant partielle, il convient de travailler à en améliorer les effets.

 

6-2 - Les aides spécialisées : des pratiques problématiques

 

Une étude de l'inspection générale de l'éducation nationale(8), conduite durant l'année scolaire 1995-1996, a révélé, à partir d'un examen approfondi d'une cinquantaine de réseaux d'aides (entretiens et questionnaires), des modes de fonctionnement que les observations quotidiennes aussi bien que les propos des personnels d'encadrement consultés à ce sujet ne démentent pas. On ne reprendra pas ici l'ensemble des données aisément accessibles dans cette étude mais on retiendra les plus significatives dans le cadre de la réflexion centrée sur l'efficacité de l'école.

 

Des interventions disjointes du travail quotidien

 

Alors que le dispositif mis en place se voulait en étroite relation avec le travail des équipes pédagogiques, cette solidarité n'existe pas. Les rencontres entre titulaires des classes et membres des réseaux à propos des enfants en difficulté sont rares. Elles devaient être organisées par les directeurs d'école ; ceux-ci n'ont, en fait, qu'un rôle assez effacé dans le dispositif global. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'origine commune de cet ensemble d'acteurs ne favorise pas leur aptitude à la saine et efficace collaboration.

Le choix des enfants pris en charge s'opère sur des critères peu explicites, à moins qu'ils ne soient pas avouables. Parfois, le diagnostic est assuré par le biais de tests collectifs administrés par les personnels spécialisés(9) et les maîtres sont dessaisis de la responsabilité du signalement - sans s'en plaindre, semble-t-il... - ; parfois, ce sont des critères d'éloignement de l'école qui prévalent ; ailleurs, c'est un choix a priori de ne travailler qu'à tel ou tel niveau et le cycle des approfondissements est le plus souvent négligé. L'enquête de l'inspection générale a confirmé le constat empirique selon lequel les enfants qui sont nés en fin d'année civile sont plus fréquemment pris en charge que ceux qui sont nés au début de l'année civile ; ces enfants de moindre maturité peut-être, conséquence de leur âge, voient ainsi une différence de développement banale, que le maître de la classe devrait prendre en compte, convertie en difficulté.

Les projets pour les enfants pris en charge sont élaborés par les maîtres spécialisés(10). Les maîtres et les familles se trouvent, au mieux, informés mais très rarement partie prenante de stratégies complexes qui devraient leur faire une place, chacun dans sa fonction propre. Les interventions spécialisées restent très peu articulées à la vie quotidienne de la classe, chacun ignorant ce que fait l'autre ; les séquences "perdues" dans le cours des activités de la classe que les élèves quittent pour une prise en charge extérieure devraient être rattrapées. Elles le sont rarement.

 

Des résistances liées à des représentations anciennes

 

Globalement, rien ne garantit que les besoins prioritaires sont traités, que les compétences sont utilisées au mieux, que les aides sont également accessibles, en particulier dans le milieu rural. Si ces problèmes perdurent sans amélioration nette depuis 1991, on est conduit à conclure que le pilotage global souffre de carences manifestes ; les personnels spécialisés sont rétifs à un encadrement rigoureux de leur activité pour des raisons qui résultent de la conception qu'ils se font de leur spécialité devenue sorte de domaine réservé, préservé par le secret professionnel conçu de manière exorbitante. Mais les difficultés de fonctionnement telles qu'on les observe aujourd'hui, tiennent, autant qu'à la mentalité particulière des personnels spécialisés, aux problèmes généraux que rencontre la mise en œuvre de la loi d'orientation : difficultés du travail en équipe et faiblesse corrélative des projets d'école, manque d'expertise dans les domaines de l'évaluation des apprentissages et de la différenciation de l'enseignement...

Elles tiennent aussi à ce que, dans le cadre des interventions, l'ensemble des personnels tend à se limiter à des prestations en direction de l'élève en difficulté ; rares sont les situations où le maître spécialisé joue son rôle de personne-ressource dans l'analyse in situ des problèmes, dans la construction avec le maître de la classe de corrections ou d'aménagements requis par le problème, dans la suggestion d'outils, voire de stratégies alternatives. Plus rares encore sont les cas de véritable coopération dans la classe même. Tout se passe comme si la bonne forme retenue était la prise en charge à la manière médicale : le patient, jugé pathologique, traité dans un cabinet par un spécialiste. Ceci renvoie à une appréhension des difficultés essentiellement référée à la psychologie de l'enfant, à des caractéristiques individuelles intrinsèques qui contrarieraient les apprentissages. De nombreuses études, en particulier relevant de la sociologie, nous inclinent à penser que cette explication est extrêmement réductrice et souvent inappropriée ; des approches plus complexes sont souhaitables pour une réelle compréhension.

 

Des modalités de fonctionnement à préciser

 

Le bilan du fonctionnement global est très délicat à établir mais il est salubre de se demander si les problèmes que connaissent les élèves ont une chance d'être réduits dans un certain nombre de cas, compte tenu des modalités de prise en charge.

Pour y remédier, on devra clarifier les exigences vis-à-vis des personnels intervenant au sein des réseaux d'aides.

Les psychologues scolaires sont - et depuis longtemps - dans une situation ambiguë ; les difficultés fonctionnelles et relationnelles ne sont pas rares entre eux et les maîtres des classes ordinaires qui reconnaissent leur identité particulière mais les craignent car ils sont parfois source de déstabilisation, entre psychologues et inspecteurs, voire entre psychologues et autres membres des réseaux d'aides spécialisées. Alors que certains penchent pour un règlement de cette question qui, avec l'octroi d'un statut qu'ils revendiquent, les exclurait du réseau, on plaidera ici pour leur maintien dans la sphère Education nationale, ne serait-ce que pour que l'institution conserve un certain contrôle sur leur travail, contrôle très relatif aujourd'hui. Il y aurait beaucoup à redouter de psychologues extérieurs, d'obédiences variées, et qui, moins encore que les psychologues scolaires actuels, prendraient en compte les exigences spécifiques de l'exercice de la psychologie en milieu scolaire.

Le psychologue scolaire doit analyser les situations qui lui sont soumises en articulant les approches psychologiques et pédagogiques, voire sociologiques (et quelquefois ethnologiques) ; au-delà des éclairages qu'il peut apporter à la compréhension des cas toujours singuliers des enfants, il doit pouvoir prendre en compte la dimension systémique et considérer ce qui se passe, ce qui se crée... au niveau d'une classe, voire d'une école, le problème des enseignants étant de prendre en compte chaque enfant dans le contexte d'un groupe et de règles proprement scolaires. Le psychologue scolaire devrait par ailleurs constituer un lien avec les personnes ou services qui prennent en charge les enfants hors de l'école, pour éviter des examens qui doublent ceux qui ont été faits à l'école, pour s'assurer d'un suivi et en articuler la réalisation avec les efforts de l'école.

Il manque un état des lieux rigoureux, un état des pratiques de la psychologie en milieu scolaire qu'il serait sans doute utile de demander à des représentants de l'institution et à des universitaires.

La situation la moins délicate est celle des maîtres chargés des aides pédagogiques spécialisées, dits maîtres E, qui travaillent sous trois formes : classes d'adaptation, regroupements d'adaptation et prises en charge individuelles ou en petits groupes. Les classes d'adaptation (classes rassemblant de manière permanente des élèves en difficulté dont le nombre n'excède pas 15) sont de moins en moins nombreuses, semble-t-il ; là où elles fonctionnent, elles sont souvent de fait assimilées aux anciens cours préparatoire d'adaptation, longtemps conçus comme des "classes d'attente" selon le terme utilisé en 1970 et génèrent assez fréquemment du retard scolaire. Là où elles existent, il faut leur fixer pour objectif de conduire les élèves dans la classe supérieure avec les meilleures chances de s'y adapter. Ce ne paraît pas une bonne formule en règle générale(11), encore moins dans les conditions actuelles de fonctionnement.

Les regroupements d'adaptation, "rassemblant de manière temporaire des élèves en difficulté qui continuent à fréquenter la classe ordinaire dans laquelle ils demeurent régulièrement inscrits"(12) paraissent plus pertinents sous quelques conditions :

- ils doivent comprendre un nombre d'élèves ni trop réduit, ni trop grand (entre 3 et 8 ou 10 élèves) dont les difficultés ont un caractère à la fois circonscrit et massif ;

- l'objectif doit être clair : il s'agit de permettre, en complément de l'action des maîtres des classes où ces élèves sont inscrits, l'accès au niveau supérieur du cursus scolaire ;

- la formule exige donc une bonne coordination entre maître E et maîtres titulaires des classes d'où les élèves sont issus ; si cette base fait défaut, le regroupement ne se justifie pas ;

- les prises en charge doivent avoir une certaine densité : la formule de 4 séquences par semaine d'une moitié de demi-journée chacune peut être considérée comme intéressante sans en faire une norme ;

- ils ne doivent pas fonctionner selon une logique annuelle mais pour une durée déterminée ; le dispositif des regroupements d'adaptation doit être réexaminé en cours d'année ;

- les prises en charge peuvent être prévues lors d'un bilan de fin d'année pour mise en œuvre dès la rentrée scolaire suivante, c'est-à-dire sans attendre de nouveaux signalements et examens ; cela procède d'une saine conception de la continuité de l'action. C'est en particulier nécessaire pour les élèves qui accèdent à la classe supérieure en situation de fragilité ; le début du cycle III doit être considéré en priorité ;

- les regroupements d'adaptation ne devraient pas conduire à des décomptes d'élèves au moment de l'élaboration de la carte scolaire.

Les prises en charge, individuelles ou en petits groupes, qui s'adressent à des élèves dont les difficultés sont moindres que celles évoquées précédemment ou à des élèves scolarisés dans un milieu moins dense qui rend impossible un réel regroupement d'adaptation, sont des formules fréquentes qui ont les inconvénients évoqués plus haut (sorties de classe avec séquences perdues) sans avoir les avantages du regroupement.

La prise en charge d'élèves à l'intérieur de leur classe d'origine par le maître E, qui semble une bonne formule - sans doute la meilleure - parce qu'elle permet le maintien de l'élève dans la classe et un travail non décalé par rapport à celui des camarades, n'est guère pratiquée. Cette situation ne doit pas être imputée au seul enseignant spécialisé ; il est probable que de nombreux maîtres n'apprécient guère l'intrusion d'une personne extérieure dans leur classe. Cette stratégie est pourtant à encourager.

Les maîtres chargés des actions spécialisées à dominante rééducative, dits maîtres G, travaillent le plus souvent avec des enfants pris individuellement ou avec de très petits groupes (formule rare) sans doute parce qu'ils renient fréquemment leur identité d'enseignants. Leur action est plus difficilement identifiable et parfois jugée "inutile". Ils interviennent auprès d'élèves ayant des problèmes de comportement (instabilité ou inhibition) qui affectent ou non leur efficience scolaire, auprès d'enfants dont on dit qu'ils n'ont pas accédé au statut d'écolier. À la difficulté d'identifier ce sur quoi ils opèrent et comment ils le font s'ajoute l'opacité des effets, ou la difficulté à les décrire de manière simple et concrète. Le doute, voire l'opposition, s'exprime quant à la pertinence de l'identité professionnelle que, de fait, ils imposent, identité assimilée trop souvent à celle de thérapeutes ; l'évaluation de leurs capacités à maîtriser les processus qu'ils mettent en œuvre n'est pas réellement faite. Ont-ils, dans ces conditions, une place réelle dans l'école ? Il est permis d'en douter.

Le texte fondateur des R.A.S.E.D. suggère nettement que l'intervention du maître G est plus éloignée de l'action pédagogique pratiquée en classe que celle du maître E et qu'elle a des composantes plus relationnelles, voire psychologiques (ce que renforce le fait que les synthèses prévues associent seulement maîtres G et psychologues). Par ailleurs, elle s'adresse à des enfants dont le rapport à la connaissance et au fait d'apprendre en situation scolaire est perturbé et pour lesquels l'hypothèse est faite qu'il y a lieu de les réconcilier avec le projet scolaire. On ne saurait cependant considérer que le maître G intervient dans une phase "de motivation", préalable aux acquisitions proprement dites dont le maître E serait, lui, le spécialiste. À l'usage, la différenciation des fonctions entre maîtres E et maîtres G ne semble pas pertinente, même si, comme pour toute action éducative ou pédagogique, la variété des formes d'intervention est nécessaire pour une bonne adéquation aux problèmes à résoudre.

 

Des interventions à intégrer à un projet d'ensemble

 

Pour que les prises en charge ne créent pas de difficultés supplémentaires aux élèves qui en ont déjà, il convient de mettre en place une meilleure organisation globale pensée dans le cadre du projet d'école qui doit comprendre un volet spécifique précisant une politique à l'égard des élèves en difficulté ; les soutiens et aides spécialisées sont à articuler avec les projets pédagogiques.

La formule proposée, de moments de différenciation inscrits à l'emploi du temps hebdomadaire pour tous, peut constituer un inducteur pour reconsidérer l'organisation de la classe et du temps scolaire et penser comment travailler autrement ; dans ce temps, les diverses ressources devraient être mobilisées (R.A.S.E.D., aides-éducateurs, maîtres surnuméraires là où ils existent). Il conviendrait de bien choisir la ou les personne(s) prenant en charge les enfants en difficulté et de revoir les modalités de prise en charge ; dans ce cadre, il n'est pas exclu de constituer parfois des groupes hétérogènes dont l'un pourrait être placé sous la responsabilité d'un maître spécialisé.

Les prises en charge hors temps scolaire qui permettraient de résoudre certains problèmes - notamment celui de la sortie des élèves pendant la classe - ne semblent pas une solution très favorable même si elles ne peuvent pas être exclues dans le cadre d'un aménagement du temps scolaire, les jours de classe.

On perçoit bien la globalité, le caractère d'interdépendance des difficultés à traiter ; il y a des enfants affectés de troubles spécifiques et il y a aussi des problèmes générés par l'école, la pédagogie ou/et le maître. Améliorer d'abord la pédagogie et le fonctionnement de chaque classe, articuler le travail qui s'y fait avec des aides particulières, c'est un ensemble de solutions qu'il faut composer et non simplement juxtaposer. C'est par un pilotage global des aides que l'institution apporte aux écoles que l'on peut envisager d'en favoriser la mise en place. À côté des conseillers pédagogiques, les membres des réseaux d'aides ont leur place pour concourir aux analyses et construire des réponses aux problèmes, on l'a indiqué précédemment. Cela pose le problème de l'expertise - des savoir-faire - de tous ces personnels, de leur habileté à comprendre les situations, à identifier les questions pertinentes, à analyser les difficultés des maîtres et des élèves, à distinguer dans un vaste ensemble de réponses possibles celles qui, pertinentes en théorie, seront assez réalistes pour être mises à l'épreuve des faits ; leur formation ne semble pas adaptée au développement de ces compétences.

 

6-3 - Des précisions et une réorganisation nécessaires

 

Le dispositif complexe tel qu'il existe souffre manifestement de dysfonctionnements ; il y a loin des textes officiels à leur mise en œuvre, sans que l'on puisse imputer aux seuls enseignants spécialisés la responsabilité de tous les errements.

Les problèmes majeurs concernent la contribution des R.A.S.E.D. à l'amélioration de la réussite scolaire, le fonctionnement des classes d'intégration pour handicapés mentaux (13) (dites CL.I.S. 1) et la manière dont elles font suite aux classes de perfectionnement, ainsi que la formation des personnels spécialisés.

 

Le pilotage de l'action des R.A.S.E.D.

 

Il convient de revoir le pilotage et la régulation de l'action des R.A.S.E.D., en plus de l'ajustement des modalités d'intervention proposé antérieurement.

La question se pose de la place des réseaux d'aides dans le système du premier degré : leurs membres doivent-ils être considérés comme appartenant aux équipes pédagogiques avec lesquelles ils collaborent ou faut-il les voir comme un ensemble de personnes-ressources placées auprès de l'inspecteur de l’Éducation nationale chargé d'une circonscription ? La deuxième solution semble aujourd'hui préférable et la représentation peut être ainsi précisée :

- le pilotage départemental garantit une certaine cohérence et régularité de fonctionnement de telle manière que l'on ne prenne pas prétexte de ce qui n'est pas exigé ici ou là pour se soustraire aux règles posées dans une circonscription. Ce pilotage départemental est déterminant en matière de carte scolaire ; il doit permettre de mettre en relation les besoins et les moyens. Certains départements ont ainsi travaillé à la définition d'indicateurs de concentration des difficultés ; cette mise en évidence, réalisée à partir de paramètres indiscutés (essentiellement les caractéristiques socio-démographiques des élèves et les résultats scolaires), permet ensuite de réguler la distribution des moyens sur des bases que chacun peut se représenter clairement ;

- le pilotage de circonscription s'inscrit dans la cohérence départementale ; il est conduit par l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de la circonscription - qui peut se faire assister par un conseiller pédagogique - et qui travaille en collaboration avec le réseau et les directeurs des écoles. L'inspecteur de la circonscription a la charge de la régulation et l'obligation d'établir des bilans annuels, ce qui suppose une supervision des activités du réseau d'aides et, donc, l'habitude de rendre compte des actions et des résultats de la part du réseau et des équipes pédagogiques ;

- il y a un réseau (et non des réseaux) par circonscription, composé d'un certain nombre d'enseignants spécialisés qui ont chacun une implantation administrative dans une école (nombre restreint d'écoles d'affectation) sans préjuger des lieux d'intervention. Cette situation n'obère en rien les possibilités de rattachement annuel à d'autres écoles pour un service ajusté aux besoins de la population scolaire et pour un fonctionnement efficient du système (coût des déplacements en particulier). La notion de secteur prioritaire d'intervention (ensemble cohérent d'écoles maternelles et élémentaires) doit retrouver toute son importance.

Les implications locales du R.A.S.E.D. dans la vie des écoles sont à formaliser, sous forme d'avenants, dans les projets des écoles qui ont une validité de trois ans, durée pour laquelle le secteur prioritaire est défini. Les avenants constituent le volet spécifique du projet d'école qui précise la politique à l'égard des élèves en difficulté ; ils comprennent les indicateurs d'évaluation qui sont considérés comme pertinents par tous. Les réunions de synthèse du réseau, auxquelles doivent pouvoir participer tous ceux qui en sont partie prenante, permettent de réguler le fonctionnement, d'échanger sur des problèmes et sur des réussites ; elles ne doivent pas se cantonner à traiter les cas d'enfants en difficultés qui, eux, sont à aborder dans les réunions de concertation associant, aux membres du réseau, les membres des équipes éducatives concernées. Ces réunions de concertation peuvent se dérouler, au moins pour partie, dans le cadre des conseils de maîtres de cycles.

Le texte fondateur des R.A.S.E.D. ne prévoit pas ce que d'aucuns ont depuis prôné et réalisé : un projet de réseau. Cette approche du fonctionnement semble considérer que le R.A.S.E.D. pourrait être en situation de déterminer de manière souveraine des priorités et des stratégies. En fait, le R.A.S.E.D., considéré comme service-ressource, ne peut travailler que dans le cadre d'une collaboration étroite avec les écoles ; c'est ce rapprochement qu'il convient de favoriser. Mise en œuvre en certains lieux, la solution d'un "correspondant du réseau" pour chaque école du secteur prioritaire serait de nature à faciliter les contacts, à accélérer la transmission des signalements et des demandes d'aides, à conseiller, si besoin est, quant à des contacts nécessaires et à symboliser la présence du réseau dans l'école, notamment par la participation régulière aux réunions des divers conseils. Plus qu'un projet de réseau, on est en droit d'attendre un programme de travail du réseau qui précise l'organisation des activités et le calendrier des réunions de synthèse.

 

Les classes d'intégration scolaire pour les enfants handicapés mentaux

 

Les CL.I.S. 1, quand elles ne sont pas simplement des classes de perfectionnement rebaptisées, accueillent des enfants divers tant les critères du handicap mental sont conçus aujourd'hui de manière extensive, tant aussi les textes sont appliqués avec un sens très relatif des obligations des fonctionnaires. La population concernée est difficile, les limitations des capacités d'apprentissage cognitif souvent très réelles et les comportements parfois éprouvants pour l'adulte responsable du groupe. Des aides à l'intégration sont d'ailleurs prévues et leur nécessité n'est pas discutable : aides apportées aux enfants par des services de soins et formalisées dans des conventions (dont on déplore quelquefois l'absence) et aides au fonctionnement de la classe prodiguées par un maître spécialisé itinérant.

Sans doute le texte fondateur a-t-il exprimé généreusement les intentions mais il n'y a pas, en droit, à limiter a priori les objectifs de l'école pour les enfants handicapés : c'est pour tous les enfants qu'il faut avoir de l'ambition, la même ambition.

Le réalisme oblige à admettre que la nature des incapacités fait obstacle à ce que les acquisitions puissent égaler celles des élèves du cycle terminal de l'école primaire, sauf cas rares. Ainsi faut-il ne pas leurrer les parents sur la destinée scolaire de leur enfant ; il faut expliquer que cette formule d'intégration, pertinente à cette période du développement de l'enfant, pourra ne plus l'être au moment de l'adolescence. Pour autant, il convient de conserver la formule parce que les acquis sociaux ne sont pas négligeables quand bien même les résultats scolaires ne seraient pas toujours spectaculaires. Il importe de n'implanter de telles structures que lorsque l'école tout entière admet le principe de cette intégration et y prend part, par l'association de la CL.I.S. aux actions et moments fédérateurs de la vie scolaire, par l'accueil d'élèves de la CL.I.S. dans d'autres classes pour certaines activités. Ce sont les finalités sociales et civiques de l'école qui sont alors concernées, pour les enfants valides comme pour les enfants handicapés, autant que les objectifs purement cognitifs.

"Marquer la cohérence profonde des objectifs proposés avec les valeurs de solidarité, de justice et de dignité des personnes, c'est une façon de dire que la République doit avoir le même regard sur tous ses enfants"(14).

 

Des élèves laissés pour compte ?

 

Ces classes d'intégration ne doivent pas mêler aux enfants handicapés des élèves en difficultés scolaires non corrélatives d'une déficience. Le problème posé aujourd'hui par nombre d'acteurs du système éducatif est celui des élèves en grande difficulté à partir de 8 ou 9 ans. On ne peut que s'étonner de la manière dont la situation est présentée : est-il possible que surgissent brutalement une inadaptation totale, un effondrement des performances (sauf pathologie soudaine, en fait très rare) tels qu'il y aurait à écarter des enfants du milieu scolaire normal ? En réalité, ces élèves n'ont pas été pris en charge au moment où les difficultés pouvaient être traitées avec quelque bénéfice : on constate donc la résultante de carences antérieures du système (et aussi parfois de l'obstination des parents à refuser toute intervention) et non un problème nouveau. Que l'on ait la nostalgie des classes de perfectionnement qui éloignaient du milieu scolaire ordinaire des élèves en difficulté peut s'entendre : on ne peut, cependant, plaider à la fois pour la place des handicapés dans les classes ordinaires et vouloir exclure de ces classes des élèves non handicapés.

Certes la restructuration du réseau scolaire depuis les années soixante, plus dense dans les villes et distendu dans les campagnes, a abouti à des classes déterminées sur des critères d'âge et corrélativement de niveau supposé égal. La tolérance aux différences de rythme et de niveau est devenue plus délicate ; des enfants qui, dans les classes à plusieurs cours, parvenaient à effectuer un parcours scolaire en "picorant" dans les différentes divisions, se trouvent de fait mis en difficultés et, quand ces difficultés se sont accumulées, en situation de relégation. C'est bien moins vrai en milieu rural, sans que les résultats d'ensemble s'en trouvent diminués.

Une des difficultés provient de ce qu'il existe un continuum de difficultés, depuis le petit décalage de maturité jusqu'à l'incapacité sévère, et non des catégories bornées très clairement. La manière dont les maîtres ressentent ces obstacles est fort variée selon leur propre représentation du bon élève et du bon maître, et aussi selon le milieu dans lequel ils travaillent.

Mais il y a sans doute aussi un problème conceptuel à éclaircir : l'arrêté du 9 janvier 1989 relatif à la nomenclature des déficiences, incapacités et désavantages gagnerait à être plus clairement "opérationalisé" qu'il ne l'est, en particulier pour le handicap mental, ce défaut conduisant à des interprétations trop variées.

Une solution pour que des élèves en difficultés au cycle III, non handicapés et donc non justiciables d'un accueil en CL.I.S., bénéficient d'une prise en charge plus intensive que ce que peuvent offrir actuellement les R.A.S.E.D. sur le temps qu'ils ne consacrent pas aux cycles antérieurs, serait d'affecter de manière préférentielle un maître du réseau aux interventions dans les classes du cycle III. Ce maître mettrait en place un mode de fonctionnement dont le but serait clairement de réduire l'échec dans les domaines instrumentaux qu'aident à repérer les évaluations nationales sous la rubrique "compétences de base". Cette pratique pourrait favoriser des régulations à l'intérieur du réseau, le maître chargé de ces interventions en cycle III étant en situation de percevoir les effets des actions spécialisées à long terme. Cette possibilité ne dispense évidemment pas de travailler par ailleurs avec les maîtres des classes du cycle III pour les convaincre de continuer l'apprentissage de la lecture, de conforter des apprentissages de base encore fragiles et d'œuvrer à une meilleure continuité avec la classe de sixième. Au-delà de la conviction, il y a lieu de leur offrir des formations adéquates pour que cet ensemble se mette en place afin de réduire la part des élèves entrant au collège avec des difficultés plus ou moins grandes.

Tout autre est le problème des élèves dont les troubles du comportement plus ou moins importants perturbent le fonctionnement des classes. Actuellement, sauf à adopter des solutions ségrégatives avec l'admission dans des établissements spécialisés, du reste peu nombreux, le système scolaire est démuni ; les partenariats avec des services extérieurs à l'école sont une forme de réponse mais la solution est souvent à long terme.

 

La formation des personnels spécialisés

 

En matière de formation, l'arrêté du 25 avril 1997 qui a redéfini l'organisation de l'examen pour l'obtention du C.A.P.S.A.I.S. comprend un référentiel dit de compétences qui sert de base à la préparation aux différentes options. Il est de nature à accentuer les écarts d'identité professionnelle entre maîtres E et maîtres G. Pour ces derniers, le référentiel confirme actuellement une identité de rééducateur très distincte de celle de l'enseignant qu'il cesse d'être avec des spécificités dont il est dommage qu'elles soient rarement explicites : "notion de cadre et de processus rééducatif", "caractéristiques essentielles de la relation rééducative". On peut aussi s'interroger sur la référence à une "auto-définition" de la fonction, sinon s'en inquiéter.

Malgré ce socle de base, qui n'a sans doute pas eu le temps de produire pleinement ses effets, la formation semble référée à des principes fort différents selon les centres qui la délivrent. Cela rend difficile une bonne intégration au système d'aides dont l'école a besoin, et quelquefois problématique le dialogue professionnel au sein des réseaux. Une évaluation nationale des programmes de formation est absolument nécessaire, voire un audit des centres de formation, avant d'envisager une évolution de la fonction du maître G et du référentiel de formation.

Le déficit de spécialistes pour les CL.I.S. 1, maîtres titulaires du C.A.P.S.A.I.S. D(15), alors que les postes doivent être pourvus nécessairement puisque des élèves sont recrutés et y sont affectés, amène à nommer sur ces postes des maîtres E, voire des débutants. Une formule nouvelle de formation commence à être mise en place pour favoriser l'accès à la qualification par une formation par alternance (sur trois ans, avec préparation progressive des unités de spécialisation constitutives du C.A.P.S.A.I.S.) ; la préparation se fait en I.U.F.M. selon des modalités établies par convention entre le directeur de l'I.U.F.M. et l'inspecteur d'académie du département. L'affectation sur un poste spécialisé est une condition pour accéder à cette formation ; pour l'administration, l'organisation du service oblige, soit à affecter dans la même classe deux personnes concernées par la même formation, soit à mobiliser un titulaire de la brigade de remplacement en formation continue pendant les temps où la formation requiert un éloignement de la classe. Cette formule, a priori de nature à pallier certains déficits quantitatifs de maîtres, devra être évaluée avec vigilance dans toutes ses implications.

Pour les psychologues scolaires, une définition explicite de leur identité professionnelle a été livrée par la circulaire du 10 avril 1990. Plus que ce n'est le cas aujourd'hui, leur formation devrait les préparer à toutes leurs missions spécifiques dans l'institution éducative et pas aussi exclusivement aux tâches de diagnostic. La question des apprentissages (ce qui les rend possibles, ce qui les entrave) devrait y avoir une part prépondérante. Divers registres de compréhension sont à conjuguer :

- la psychologie, de telle manière que la compréhension de l'efficience et de l'(in)adaptation scolaires puisse prendre en compte tous les aspects du développement (intellectuels, affectifs et sociaux), le fonctionnement cognitif avec ses caractéristiques qualitatives et les éléments de personnalité ;

- la réflexion didactique qui permet d'appréhender les niveaux de complexité des tâches proposées, les exigences de la structuration des savoirs et de la progressivité des apprentissages ;

- l'approche sociologique tant on sait aujourd'hui que le rapport au savoir, au fait d'apprendre et au statut d'élève n'est pas seulement une problématique individuelle ; les implications des situations familiales et culturelles doivent aussi être élucidées dans ce registre.

Fonctionnement du sujet, fonctionnement du savoir et fonctionnement de la situation scolaire sont trois facettes que la formation des maîtres spécialisés devrait approfondir puisque aussi bien celle des maîtres ordinaires ne saurait faire l'impasse sur ces dimensions fondamentales.

D'aucuns remarquent que les dérives constatées vers des fonctions thérapeutiques ou vers des pratiques de diagnostic fortement éclairées par la psychopathologie, voire la psychanalyse, sont sans doute induites par les formations universitaires de haut niveau dont beaucoup se sont dotés à côté de la formation spécifique qu'ils ont reçue pour exercer les fonctions de psychologue scolaire. L'Education nationale doit devenir plus attentive à la formation continue de cette catégorie de personnels qui vont chercher ailleurs ce que l'institution ne leur offre pas.

 

L'adaptation et l'intégration scolaires : l'affaire de tous

 

Les maîtres spécialisés œuvrent au même projet global que les maîtres titulaires des classes ; se représenter, ainsi que certains tentent d'en imposer l'image, "l'adaptation et l'intégration scolaires" comme un territoire autonome est une erreur de fond, un contresens. Certes, l'intégration exige des experts parfois, parce que les technologies éducatives nécessaires à la prise en charge de certains types de handicaps sont très spécifiques ; le travail avec les établissements spécialisés requiert aussi des inspecteurs spécifiquement préparés. Mais pour toutes les actions qui se déroulent dans les écoles et classes ordinaires, tout enseignant, tout directeur, tout inspecteur, doit pouvoir faire face à la situation et s'inscrire dans des stratégies de coopération avec des collègues plus spécialistes. La définition d'un secteur spécialisé ne fait qu'amplifier les problèmes de collaboration ; l'existence même de "spécialistes des enfants en difficulté" n'a que trop tendance à conforter une attitude spontanée des maîtres "ordinaires" à se prendre pour les spécialistes des enfants dits normaux et volontiers considérés comme "standards".

Les défenses corporatistes font rapidement d'un moyen, que l'institution a mis en place au service d'une politique, une fin en soi ; la réflexion n'opère plus sur la contribution à l'œuvre commune mais sur la sauvegarde d'une spécialité. Ces attitudes, assez répandues dans tous les milieux, sont particulièrement nettes chez les acteurs de l'adaptation et de l'intégration scolaires, univers dans lequel la contiguïté de certaines fonctions avec celles de thérapeutes et les savoirs de référence identiques quelquefois (la psychologie clinique, la psychanalyse, par exemple) distinguent ces personnels des pédagogues qu'ils ont été et qu'ils veulent souvent cesser d'être.

 

Une réglementation à réorganiser

 

La gamme des prises en charge des élèves en difficulté ou handicapés s'est élargie. Les relations entre institutions (éducation nationale, affaires sociales et santé, justice...) sont devenues indispensables et plus complexes. La réglementation gagnerait à une révision complète pour marquer les complémentarités, pour favoriser des coopérations utiles (avec les centres médico-psycho-pédagogiques par exemple, et la période peut être propice si l'annexe 32 qui les concerne est en révision), pour éviter les surcoûts.

Les lois de décentralisation ont accordé des compétences aux collectivités territoriales postérieurement à la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées. De ce fait, toutes les dispositions issues de cette loi ne paraissent plus totalement pertinentes ; par exemple, les collectivités territoriales ne sont pas représentées dans des commissions d'orientation qui prennent des décisions dont les conséquences sont aussi financières, en matière de transports, d'aménagement des locaux... D'autres seraient à imaginer : par exemple, il conviendrait que l’Éducation nationale puisse être représentée dans certaines instances de prise de décisions en matière d'aide sociale à l'enfance, instances qui sont à définir.

Une révision globale est nécessaire qui clarifierait la définition des structures et des dispositifs relatifs aux enfants en difficulté et handicapés et l'identité professionnelle des maîtres spécialisés (donc les options du C.A.P.S.A.I.S.) telle que la requiert l'école d'aujourd'hui.

 

6-4 - Synthèse des propositions

 

Réorganiser le dispositif des aides spécialisées aux élèves en difficulté.

· Faire du réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté un service-ressource placé auprès de l'inspecteur de l'éducation nationale chargé d'une circonscription.

· Rappeler la responsabilité de l'inspecteur de la circonscription dans le pilotage de l'action du réseau, dans le cadre d'une politique départementale, et l'obligation pour lui de définir un secteur prioritaire d'intervention, en fonction d'une analyse rigoureuse des besoins et d'effectuer régulations et bilans du fonctionnement du R.A.S.E.D.

· Susciter l'explicitation d'un volet spécifique aux élèves en difficulté, intégré au projet d'école, qui règle les collaborations école - réseau.

· Favoriser les communications entre écoles du secteur prioritaire et réseau en demandant qu'il existe au sein du réseau, et pour chaque école, un correspondant, par ailleurs associé de façon privilégiée aux réunions de l'équipe pédagogique.

· Promouvoir l'aide à l'intérieur même de la classe comme modalité première d'intervention des maîtres E et, à défaut, les regroupements d'adaptation.

· Confirmer les priorités d'intervention dans les cycles I et II, avec des prises en charge précoces, en complément, et non en substitution, de l'action du maître de la classe.

· Dans les écoles où se concentrent les besoins, demander qu'un membre du réseau intervienne de manière privilégiée au niveau du cycle III.

· Revoir la différenciation des fonctions entre maîtres E et maîtres G (cf. proposition suivante).

Faire procéder à un état des lieux des pratiques rééducatives mises en œuvre par les maîtres G et à un audit des centres qui délivrent la formation.

· Faire vérifier que les pratiques rééducatives sont réellement maîtrisées par les personnes qui les mettent en œuvre.

· Commanditer un audit des centres qui délivrent une formation au C.A.P.S.A.I.S. option G.

· Revoir, à l'issue de cette enquête, la définition des fonctions des maîtres G par rapport à celle des maîtres E ; effacer, si cela s'avère souhaitable, la différence inscrite dans les textes ou la caractériser autrement.

Faire procéder à un état des lieux de l'exercice de la psychologie en milieu scolaire.

· Faire établir, par des responsables de l'institution scolaire et par des universitaires spécialistes des apprentissages du jeune enfant, un bilan des pratiques des psychologues scolaires eu égard aux objectifs et aux règles qui les définissent.

· Tirer de ce bilan des orientations pour la formation initiale et continue de ces personnels.

Clarifier la situation des classes d'intégration scolaire pour enfants handicapés mentaux.

· Rappeler qu'elles accueillent uniquement des enfants handicapés mentaux dont l'admission est prononcée par la C.C.P.E.

· Demander la formalisation, sous forme de conventions, des concours apportés par des services de soins.

· Inciter à une meilleure intégration des élèves de la CL.I.S. à la vie collective dans l'école, et pour ceux qui en sont capables, à l'intégration à temps partiel dans les classes ordinaires dans quelques champs disciplinaires. Rappeler la condition de ce fonctionnement : avant la création d'une CL.I.S. 1, l'équipe pédagogique a été consultée et a accepté le principe d'une ouverture de cette classe.

· Faire compléter l'arrêté du 9 janvier 1989 relatif à la nomenclature des déficiences, incapacités et désavantages, par une clarification des critères du handicap mental sur lesquels les C.C.P.E. fondent leur travail.

Procéder à une révision de la réglementation relative à la prise en charge des enfants en grande difficulté ou handicapés en milieu scolaire.

· Faire étudier une révision du dispositif législatif (la loi de 1909 qui a créé les classes de perfectionnement n'a pas fait l'objet d'une abrogation alors que la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées a orienté autrement toute la politique à l'égard des enfants victimes de déficiences, de quelque nature qu'elles soient).

· Revoir la composition des commissions de l'éducation spéciale créées par la loi de 1975 pour faire place à des représentants des collectivités territoriales (la mise en relation entre les lois de décentralisation et la loi de 1975 n'ayant pas été réalisée).

· De manière inverse, examiner la possibilité que des représentants de l'éducation nationale soient présents dans les instances qui statuent en matière d'aide sociale à l'enfance, ou, pour le moins, qu'une consultation soit prévue formellement. (Cette révision d'ensemble procède d'un travail interministériel.)

Redéfinir les missions des inspecteurs de l’Éducation nationale chargés de l'adaptation et de l'intégration scolaires en les limitant aux établissements et sections spécialisés.

· Recentrer les missions de l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de l'enseignement spécialisé de façon prioritaire sur les sections de collège (SEGPA) ou établissements spécialisés.

· Corrélativement, faire de l'intégration en milieu scolaire ordinaire, comme l'organisation des aides spécialisées aux élèves en difficulté, l'affaire de tous les inspecteurs ; leur donner pleine responsabilité à l'égard de ces actions et des personnels qui les mettent en œuvre.

· Inciter les inspecteurs chargés des circonscriptions à solliciter le concours de leur collègue spécialisé pour des inspections et des actions de formation spécifiques.

 

7 - LE PILOTAGE : DE L'ÉCOLE AU MINISTÈRE

 

La démocratisation de la réussite scolaire ne peut rester une thèse rhétorique à usage externe : il est indispensable d'obtenir qu'elle soit activement recherchée. Toutes les conditions matérielles seraient-elles réunies qu'il resterait le plus délicat : en tirer le meilleur profit. De manière récurrente, un problème se pose à l'institution quand il s'agit d'obtenir la mise en œuvre des décisions : comment faire faire, quelle forme d'action mettre en place pour obtenir les effets attendus ?

Cette conduite de l'action soucieuse de ses effets, des résultats qu'elle contribue à produire, c'est ce que nous signifions par le mot "pilotage" aujourd'hui très utilisé mais de façon fluctuante. Il ne s'agit pas de simple gestion - ce que le système réalise aujourd'hui assez correctement quand les consignes initiales sont claires ; il ne s'agit pas, non plus, d'une direction autoritaire centrée sur une recherche de conformité des procédures mises en place à celles qui seraient édictées a priori.

Piloter, c'est avoir un (des) objectif(s) et s'assurer régulièrement que l'unité dont on a la charge tend vers cet (ces) objectif(s). À titre principal, les objectifs concernent l'efficacité de l'école exprimée de manière relative, c'est-à-dire en termes de progrès attendus plutôt qu'en termes de résultats définis dans l'absolu et abstraitement ; à titre complémentaire, il peut y avoir des objectifs d'amélioration des ressources et du fonctionnement si ce sont des conditions nécessaires pour réaliser les progrès des résultats. Cette préoccupation d'efficacité plutôt que de conformité est parfaitement adéquate à l'esprit de la loi de 1989.

 

7-1 - Dans l'école, une équipe animée par le directeur

 

C'est à l'échelle de chaque classe et de l'école entière, et dans la durée, que se réalise l'action décisive pour la réussite des élèves. S'il est une tradition avec laquelle rompt la logique pédagogique des cycles, c'est bien la scansion annuelle qui crée une forme d'étanchéité entre juin et septembre. Le travail en équipe a, dès 1990, été intégré comme variable-clé dans la mise en place de la nouvelle politique pour l'école primaire qui exige cohérence et continuité de l'action. Du temps a été libéré pour favoriser les concertations et des règles minimales définies quant à leur fonctionnement. Force est de reconnaître que l'usage de ce temps de travail n'a pas été optimal quand il a été mis en place, tout comme la modalité de mobilisation collective - le projet d'école - n'a pas été très féconde.

 

La difficile existence de l'équipe pédagogique

 

L'équipe pédagogique rassemble les maîtres affectés de manière permanente dans une école ; cette équipe compte un nombre fort variable de personnes compte tenu de l'extrême diversité de ce que recouvre le terme "école", depuis la classe unique jusqu'au groupe scolaire d'une vingtaine de classes. L'équipe pédagogique s'élargit aux membres des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté qui interviennent auprès des élèves de l'école. Cette coopération est une nécessité et une chance aussi, si elle est correctement régulée, ce qui est loin d'être le cas, on l'a vu. L'existence d'un "correspondant du réseau" dans chaque école du secteur prioritaire du R.A.S.E.D., telle qu'elle a été proposée, peut faire évoluer la situation.

L'isolement des enseignants dans les petites écoles, le confinement dans un cercle rétréci d'échanges leur donnent un certain appétit pour les rencontres, pour le travail en commun ; les regroupements pour concertation des maîtres affectés à des écoles différentes mais ayant le même type de problèmes à résoudre - ce qui est le cas dans les zones rurales - est une solution à laquelle les textes ont incité et qui a été réalisée inégalement, mais avec profit lorsqu'elle l'a été. On a aussi développé la communication à distance par le biais des nouvelles technologies.

Dans les groupes scolaires plus importants, tout se passe, dans un grand nombre de cas, comme si la fréquentation quotidienne et les rencontres informelles suffisaient à satisfaire le besoin de relations professionnelles. Les réunions de concertation sont escamotées, souvent dépouillées de réels objets de débat. Il est vrai que la tradition pour les maîtres de l'enseignement primaire est d'avoir sa classe à soi, en responsabilité totale ; les échanges induits par les conseils de classe dans le second degré, même s'ils sont minimes, n'ont pas d'équivalent à l'école primaire. Le travail en équipe est embryonnaire ; chacun craint de s'exposer s'il s'agit d'échanger sur des difficultés d'élèves ou redoute de perdre sa liberté pédagogique quand il faut travailler à la conception de projets garantissant continuité et cohérence des apprentissages.

Sauf brillantes exceptions, il est regrettable que la valeur ajoutée de l'équipe soit si minime, même dans les écoles où les personnes, considérées individuellement, font un travail de grande qualité. Toute équipe devrait savoir :

- élaborer une représentation partagée de la situation de l'école, du ou des problème(s) posé(s) ainsi que des objectifs communs,

- coopérer, se répartir les activités qui concourent aux objectifs communs, c'est-à-dire que les membres de l'équipe doivent savoir composer, s'entendre professionnellement quelles que soient leurs affinités personnelles,

- tirer les leçons de l'expérience, c'est-à-dire faire régulièrement une analyse critique et réorienter l'action.

Il s'agit de principes simples à développer dans tout dialogue de professionnels, ce que doivent être les conseils de maîtres ; la formation initiale ne peut ignorer cette facette des compétences professionnelles tout comme la formation continue qui, s'adressant à des équipes en situation, doit la développer à partir de cas concrets, de problèmes réels.

 

Le projet d'école, charte du fonctionnement collectif

 

L'école telle que la suppose la loi de 1989 n'est plus une juxtaposition de classes mais une organisation dans laquelle l'action intuitive antérieure doit faire place à une approche raisonnée. Globalement, c'est pour le projet d'école et ses ajustements au fil du temps que doit être analysée la situation locale et dans le projet d'école que sont définies les grandes lignes d'accord dont le but ultime est la réalisation des objectifs fixés au niveau national.

Ensuite, c'est dans le projet pédagogique de chaque cycle qu'il faut affiner les conceptions pédagogiques et trouver des synergies, des modalités de travail, pour résoudre les problèmes rencontrés et mener à bien les engagements collectifs.

Dans les réunions des conseils des maîtres, au niveau de l'école et au niveau de chaque cycle, un ensemble de thèmes, récurrents pour certains, de caractère plus ponctuel pour d'autres, doit être traité. Les concertations ne peuvent manquer de matière. Leur ordre du jour devrait porter sur :

- l'analyse de la situation scolaire des élèves à l'entrée dans chaque cycle,

- la définition des priorités que le projet d'école doit prendre en compte,

- l'élaboration de progressions pédagogiques dans la durée puisque les programmes ne sont plus définis par année,

- l'entente sur les modes de travail spécifiques requis par la construction des compétences transversales (ce qui va souvent de pair avec la réflexion sur les formes et les outils du travail scolaire),

- la planification pluriannuelle de projets d'activités spécifiques qui exigent des sorties (classes transplantées, cycles d'activités physiques et sportives...),

- le choix des modalités d'évaluation, de leur périodicité et des manières d'en rendre compte,

- la définition de la politique spécifique pour les élèves en difficultés passagères ou durables (formes d'adaptation aux besoins et styles d'apprentissage).

L'arrivée des aides-éducateurs, qui constituent une ressource pour l'école, oblige aussi à intégrer à la réflexion collective les modalités de leur contribution, la répartition de leur temps de travail auprès des uns et des autres.

Souvent, les projets ont été pervertis par la gestion des quelques crédits qui en facilitent la mise en œuvre. De nombreux départements ont standardisé les procédures, unifié la présentation de formulaires qui réduisent les projets à de simples impératifs administratifs aux yeux des équipes pédagogiques, impératifs acceptés bon gré, mal gré, pour les fonds qui sont attribués. Le sens s'en est échappé : la meilleure preuve à en donner réside dans l'obligation souvent faite de "donner un titre" au projet, comme s'il pouvait y en avoir d'autres que la formule qui devrait les résumer tous : "conduire chaque élève à son niveau d'excellence". Certaines actions sont identifiables par leur intitulé mais le projet d'école, qui fédère l'ensemble des stratégies, devrait échapper à cette logique encore trop apparentée à celle des projets d'action éducative.

Là où l'accompagnement a été de qualité, les équipes pédagogiques ont réussi à bâtir de réels parcours d'apprentissage pour les élèves, alliant le vécu d'expériences intéressantes et la sûreté des apprentissages instrumentaux, garantissant une réelle polyvalence de la formation des élèves, éventuellement par des échanges de service bien pensés et limités. Dans ces cas, qu'il y ait ou non affinités personnelles, une volonté éducative harmonisée s'est substituée aux trop habituelles juxtaposition et atomisation des actions, voire des "marottes" et des principes de chacun. Afin de favoriser la mobilisation sur la résolution des problèmes, l'accompagnement des équipes pédagogiques dans l'élaboration et la mise en œuvre des projets d'école reste une priorité pour les équipes de circonscription. Des apports méthodologiques pour favoriser le travail en équipe et des aides techniques, le cas échéant, doivent être proposés ; des mises en relation des équipes pédagogiques entre elles peuvent être une solution intéressante. Les nouvelles technologies pourraient favoriser des communications à distance.

Mais projets et travail en équipe se développeraient plus sûrement s'il en était réellement fait cas dans les évaluations effectuées par les corps d'inspection ; celles-ci restent encore beaucoup trop centrées sur les pratiques individuelles d'enseignement, sans réels égards pour leurs effets ni pour leur contribution à une action collective et, trop souvent, sans grande attention pour les élèves eux-mêmes et leur travail. Il est nécessaire de grouper les inspections par école (ou par cycle dans les grosses écoles, mais dans l'un ou l'autre cas, le choix des personnes à inspecter ne peut seulement résulter de la date d'inspection antérieure), d'analyser le fonctionnement et les résultats de l'école entière pour repérer l'action spécifique de chacun dans ce contexte et en apprécier la portée. Il ne s'agit pas d'exercer un contrôle de conformité tatillon ; c'est la pertinence et l'efficacité des stratégies qui doivent être objets de vigilance. Dans ce contexte, l'inspection telle qu'elle est utilisée par le système(16) doit être rénovée ; cela doit faire l'objet d'une négociation avec les personnels et leurs représentants.

Une enquête effectuée par l'inspection générale de l’Éducation nationale en 1994-1995, relative à l'évaluation et à la notation des personnels enseignants du premier degré, révélait, à l'égard de l'inspection, un malaise des inspecteurs et des enseignants. Les premiers disaient se sentir enfermés dans une logique, celle de la notation et la ressentir comme un frein à l'évolution jugée nécessaire de leurs pratiques d'inspection. Les maîtres, pour la majorité de ceux qui s'étaient exprimés, ne rejetaient pas la notation mais exprimaient des attentes, souvent insatisfaites, quant à l'équité de l'acte d'inspection, à la transparence des critères et à la prise en compte dans l'inspection de l'ensemble de leur travail, au-delà des séquences observées. Les mêmes enseignants, interrogés sur ce point précis, ont alors indiqué leur souhait de voir la qualité de leur travail privilégiée par rapport à l'ancienneté dans la gestion de leur carrière.

 

Une fonction essentielle : celle de directeur d'école

 

Par référence à ce qui se passe dans l'enseignement secondaire où le chef d'établissement a un rôle déterminant pour faire du projet d'établissement une véritable charte de fonctionnement collectif respectée et efficace, on est tenté de rapporter la faiblesse des projets d'école à l'absence d'un véritable chef d'orchestre. Le directeur d'école, qui devrait avoir ce rôle là, est aujourd'hui encore, alors que l'école s'est profondément transformée, un maître sans statut particulier(17) ; il exerce pourtant une fonction dont on reconnaît qu'elle est de plus en plus complexe. Le cadre réglementaire limite le rôle institutionnel alors que les conditions dans lesquelles les tâches sont effectuées génèrent des exigences toujours plus grandes.

Les charges spécifiques afférentes à la direction d'école s'ajoutent au temps d'enseignement pour plus de la moitié des directeurs ; rares sont ceux qui n'assurent plus de service d'enseignement, le temps de décharge étant fonction du nombre de classes de l'école(18). Quelles que soient leurs qualités et leur disponibilité, les personnes concernées ne peuvent, dans ces conditions, se consacrer vraiment à une amélioration du fonctionnement de l'équipe pédagogique au service des progrès des résultats des élèves. Le rôle des directeurs est devenu plus ingrat parce que les parents d'élèves, dont le niveau d'études égale, voire dépasse aujourd'hui celui des maîtres, interviennent beaucoup plus que par le passé dans la vie des écoles : vigilance compréhensible puisqu'il s'agit de leurs enfants mais parfois tatillonne, récriminations, demandes d'informations, besoin de médiation avec les maîtres quand les désaccords sont patents, demandes de comptes sur tel ou tel point. Ce rôle est aussi devenu plus complexe du fait de la décentralisation qui a induit un style nouveau de relations avec les collectivités, même si elle n'a pas bouleversé les répartitions de compétences fort anciennes pour l'enseignement primaire. Enfin, il s'est enrichi, avec la mise en place des projets d'école et des cycles et avec la multiplication des partenariats de toutes sortes, dans les zones d'éducation prioritaires tout particulièrement. Non seulement la fonction traditionnelle d'interface avec l'administration, les usagers et les collectivités exige aujourd'hui davantage de temps et d'attention, mais la tâche prioritaire doit être l'animation de l'équipe pédagogique élargie aux réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté. Et dans ce domaine, le directeur d'école ne doit sa plus ou moins grande efficacité qu'à ses qualités propres d'imagination et de conviction pour mobiliser ses collègues et à la bonne volonté que ceux-ci veulent bien mettre à entrer dans une logique de travail collectif ; les textes ne l'y aident guère.

Le directeur doit pouvoir être aussi un conseiller de proximité, en particulier pour les débutants mais aussi pour tous ceux qui rencontrent des difficultés. Plus que par le passé, il doit être un fédérateur, un catalyseur et rester garant de la réalisation des projets.

Il ressort d'une enquête effectuée par l'inspection générale de l'éducation nationale(19) que les directeurs situent leurs difficultés dans ce secteur pédagogique, plus précisément en matière de gestion de l'hétérogénéité des élèves, d'élaboration des projets d'école et, surtout, de conduite pédagogique de l'équipe des maîtres. C'est une tâche délicate, on l'a vu, en raison de la culture des maîtres du premier degré dont on ne peut pas ne pas tenir compte. L'analyse établie dans le cadre de cette enquête éclaire le problème de la direction d'école en identifiant les termes d'un "quadruple paradoxe" affectant l'école :

- l'école n'existe pas juridiquement mais elle est une entité fonctionnelle reconnue : elle a un numéro d'identification, elle est une unité de gestion des emplois et des personnes, elle a des organes de concertation (conseils d'école et de maîtres) mais son absence d'identité spécifique génère des effets pervers, en particulier avec la création d'associations à des fins de gestion de fonds ;

- les directeurs d'école n'ont pas de statut et, cependant, exercent des pouvoirs non négligeables. Ils sont attributaires de compétences ès qualité, en matière de surveillance, de sécurité, de sorties scolaires, d'agréments d'intervenants par exemple. Ils ont des responsabilités sans disposer de la légitimité ni des moyens correspondants et, dans l'impossibilité d'effectuer certains arbitrages, ils deviennent souvent les porte-parole des maîtres, faisant alliance avec eux "contre l'administration" plus qu'ils n'assument la responsabilité de l'école ;

- le directeur est recruté, sauf dans les cas de décharge totale, comme instituteur chargé d'école mais on lui demande de plus en plus d'être un directeur chargé de classe, tant les tâches administratives et les obligations relationnelles se multiplient ;

- les dispositions issues de la loi d'orientation visent à mieux prendre en compte l'identité de chaque école et pourtant aucun texte ne définit précisément en quoi consiste une école. Les écoles à une classe fédérées dans des regroupements pédagogiques intercommunaux, les écoles administrativement distinctes mais accolées sur un même site (survivance des écoles de filles et de garçons) qui sont devenues parfois des "demi écoles", chacune rassemblant les classes d'un cycle, ces entités sont toutes dénommées "école" mais ne se ressemblent pas ; en termes de projet, il ne peut pas ne pas y avoir de conséquence.

Le maillage du territoire et la définition juridique et fonctionnelle de l'école sont à revoir avant que les fonctions des directeurs soient clarifiées. Des évolutions sont absolument indispensables.

En milieu rural, des groupements de classes maintenues sur des sites différents - 8 classes au minimum - sous l'autorité d'un directeur constitueraient des unités pertinentes pour l'animation pédagogique même s'il y a un maître "chargé d'école" dans chaque site, pour assumer les urgences. Le directeur, totalement déchargé de classe, pourrait à la fois administrer l'ensemble de l'unité, animer l'équipe pédagogique et apporter un soutien aux maîtres, qu'il s'adresse aux élèves en difficulté pour pallier les défaillances des réseaux d'aides spécialisées, ou qu'il prenne en charge des groupes d'élèves dans des moments de travail différencié. Cette fonction pédagogique lui permettrait de conserver un rôle d'enseignant et favoriserait le travail avec les maîtres chargés de classe.

Outre la disponibilité nécessaire qui ne peut être trouvée que dans un temps de décharge pour tout directeur, il convient d'approfondir la formation spécifique des directeurs d'école, de l'entretenir. Ce peut être sous forme de stages spécifiques mais aussi sous la forme d'une participation à des groupes de travail locaux organisés en fonction des problèmes réels à résoudre dans les écoles. Dans la mutualisation des expériences, dans la réflexion en commun avec des pairs, la professionnalisation serait en situation de se développer de manière moins théorique que par des stages parfois trop éloignés des réalités qu'assument les acteurs. Le plan départemental de formation continue devrait faire la part belle à des sessions regroupant les directeurs d'un secteur géographique donné ou qui s'affrontent aux mêmes types de problèmes ; c'est assez dire l'étape essentielle que constitue l'analyse des besoins dans la planification des actions de formation.

 

7-2 - La circonscription, échelon d'animation et de régulation

 

Le terme d'animation est ici utilisé au-delà de l'acception habituelle d'animation pédagogique telle qu'elle a été définie à la fin des années 1960, forme rénovée de la conférence pédagogique et de la formation continue. Il traduit à la fois la volonté de faire en sorte que les écoles ne cèdent pas à la torpeur ou à l'inertie si souvent décriées, la nécessité de faire comprendre les enjeux et de (re)donner à chacun l'envie d'accomplir au mieux sa mission, le besoin de mettre en réseau des ressources et des idées pour en tirer le maximum de profit. Globalement l'animation est le moyen de faire vivre pleinement, de faire progresser, une unité du service éducatif.

La circonscription est, depuis plus d'un siècle, le territoire d'intervention d'un inspecteur de l'éducation nationale auquel ont été adjoints, au fil du temps, quelques collaborateurs.

 

Une équipe autour de l'inspecteur

 

Actuellement l'équipe de circonscription se compose de l'inspecteur, de deux conseillers pédagogiques le plus souvent, quelquefois plus, rarement moins sauf cas de congés non remplacés, d'un(e) secrétaire, d'un(e) secrétaire pour la Commission de Circonscription pour l'enseignement Préélémentaire et Élémentaire (C.C.P.E.).

La (le) secrétaire est une personne clé dans le fonctionnement de la circonscription. Premier interlocuteur des enseignants comme de tous ceux, usagers ou partenaires de l'école, qui s'adressent à l'inspecteur, ses qualités relationnelles autant que ses compétences techniques et sa connaissance de la circonscription sont déterminantes pour l'efficacité de la gestion quotidienne ; la fiabilité de son travail soulage d'autant l'inspecteur happé par de multiples tâches. Sans doute ne se soucie-t-on pas assez de la formation continue de ces personnels, formation que le développement des nouvelles technologies va rendre indispensable. Priver la circonscription de la secrétaire est délicat mais il y a des demi-journées favorables (le mercredi après-midi) et des permanences de nature à pallier cette absence et effectuées par d'autres membres de l'équipe sont possibles.

Les conseillers pédagogiques de circonscription ont vu leurs missions récemment précisées(20). La dimension pédagogique est prééminente dans ces missions ; que ce soit dans l'accueil des professeurs des écoles débutants, dans l'aide à l'élaboration et à la mise en œuvre des projets, dans la part qu'il prend à la formation initiale et continue, le conseiller pédagogique est d'abord un professionnel capable d'analyser des pratiques pédagogiques et de concourir à l'amélioration de leur pertinence et de leur efficacité. Impliqué dans le suivi des intervenants extérieurs, associé par l'inspecteur à la coopération avec divers partenaires externes à l'école, il est aussi un représentant de la politique éducative définie pour satisfaire aux besoins locaux dans le cadre des règles nationales ; il ne saurait donc mener une action indépendante. Les compétences de ces personnels sont variables et leur investissement professionnel inégal ; le plus souvent, leurs modalités de travail comme leur niveau de perfectionnement professionnel résultent des modalités traditionnelles de mobilisation dans la circonscription.

Chacun des deux conseillers pédagogiques devrait être plus particulièrement qualifié dans un domaine, école maternelle (scolarisation des enfants de moins de 6 ans) et école élémentaire. Ces dominantes peuvent être constituées par le fait de réussir au certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur ou professeur des écoles maître formateur du niveau "maternelle" ou du niveau "élémentaire"(21). Par ailleurs, chaque conseiller pédagogique peut se doter d'une spécialisation(22). Les équipes de circonscription doivent ainsi être en mesure de répondre aux besoins spécifiques des maîtres tout en cultivant leur polyvalence ; au niveau départemental, ce réseau de ressources peut être organisé de façon telle qu'il bénéficie à tous les maîtres grâce à des échanges à développer entre circonscriptions, ce qui suppose une prise en charge correcte des frais de déplacements.

Une bonne gestion des ressources humaines devrait conduire à organiser l'accès aux fonctions de conseillers pédagogiques : un parcours professionnel avec deux voire trois étapes semble pertinent (maître formateur auprès de l'I.U.F.M. - fonction pour laquelle celle de maître d'accueil temporaire serait une bonne propédeutique, puis conseiller pédagogique). Il semble indispensable, comme cela se passe actuellement dans certains départements, de traiter ces postes comme des postes à profil ; la condition d'exercice préalable des fonctions de maître formateur (3 ans) semble un gage de recrutement de conseillers pédagogiques de qualité. Le maintien de cette qualité exige, pour eux comme pour tout maître formateur, des actions spécifiques de formation continue.

Le secrétaire de la C.C.P.E. partage le plus souvent son temps de service entre deux circonscriptions ; il est très inégalement sollicité. Enseignant spécialisé en général, il est le professionnel qui organise le recueil d'informations préalable à l'examen des cas d'enfants en très grande difficulté ou handicapés en commission de circonscription ; il suit par ailleurs la mise en œuvre des décisions prises à l'issue de ces réunions. Dans ce cadre, il assure la plus grande part des relations avec les familles et avec des services extérieurs à l'école. Il est aussi une personne-ressource pour les équipes pédagogiques démunies parfois quant aux stratégies à adopter vis-à-vis de tel enfant ou telle famille. Le secrétaire de la C.C.P.E. est la cheville ouvrière de ce dispositif dont l'inspecteur est le responsable ; la présidence de la commission est d'ailleurs l'une des rares prérogatives que lui reconnaît la réglementation et l'inspecteur ne saurait la tenir pour un acte purement formel. La C.C.P.E. est en effet un excellent observatoire du fonctionnement de la circonscription : le caractère tardif des saisines, les niveaux de tolérance plus ou moins élevés que révèlent les signalements, la nature des difficultés extrascolaires diagnostiquées par les enquêtes sociales (quand elles existent) et par les examens médicaux, ce sont là quelques-unes des données dont la synthèse et l'évolution constituent des indicateurs intéressants et importants dont l'inspecteur ne devrait pas se passer pour piloter son action.

Au-delà de l'équipe de circonscription au sens strict, se pose aussi la question de la place des directeurs d'école dans un dispositif global d'animation de la circonscription. Dans les circonscriptions urbaines qui comptent de grosses écoles, les directeurs qui bénéficient d'une décharge de classe, au moins partielle, peuvent aisément être sollicités pour des réunions de travail ; associés à la préparation de certaines actions, ils sont de meilleurs relais pour l'inspecteur. Ailleurs, quand les directeurs sont pleinement chargés d'enseignement, leur mobilisation est beaucoup plus difficile, sauf à les regrouper deux ou trois fois l'an, de manière spécifique, dans le cadre des animations pédagogiques, ce qui se fait dans un certain nombre de circonscriptions.

 

L'inspecteur : une identité protéiforme

 

L'inspecteur de l'éducation nationale chargé d'une circonscription du premier degré a vu son statut modifié en 1990(23) de façon à le rendre homogène avec celui de tous les inspecteurs à vocation territoriale. De ce fait, les missions sont exprimées avec un grand degré de généralité et, ce qui fait sa spécificité, la responsabilité d'une circonscription qui l'oblige à conjuguer des compétences pédagogiques et des compétences administratives, reste entièrement dans le flou.

Dans ce domaine, le fonctionnement est presque entièrement établi selon des coutumes locales, dans lesquelles les contraintes liées à la taille et l'encadrement global du département ont une part importante. Rares en effet sont les textes qui explicitent les attributions qui sont celles de l'inspecteur considéré ès qualité ; la présidence de la C.C.P.E. est de celles-là, on l'a dit précédemment. Son rôle est parfois évoqué dans les textes qui organisent le fonctionnement de l'école : il est par exemple destinataire de comptes rendus des organes de concertation dans les écoles, il propose une note à l'inspecteur d'académie qui arrête la notation des professeurs des écoles (mais cette place n'est pas même indiquée dans le statut des instituteurs).

Dans les faits, tout ce qui concerne le premier degré finit par incomber peu ou prou à l'inspecteur chargé de la circonscription même s'il ne fait que préparer les décisions de l'inspecteur d'académie. Ainsi, ses missions de base, l'évaluation des personnels et la formation-animation, s'exercent dans les interstices laissés libres par les tâches de gestion, par la participation à des jurys divers, par des réunions plus ou moins fructueuses à l'intérieur ou à l'extérieur du système éducatif. Force est de reconnaître que face à la masse et à la diversité des tâches dont beaucoup sont à effectuer dans l'urgence, l'inspecteur choisit et délaisse plus ou moins ce qui devrait constituer son activité prioritaire. Pour lui comme pour les maîtres et les élèves, on s'interroge sur la dispersion extrême.

L'animation suppose de la présence. Pour l'inspecteur, cette présence ne peut se réduire à la seule inspection bien que celle-ci, si elle est conduite comme une évaluation à visée de régulation et de formation, inscrite dans le cadre de l'école, constitue la première étape d'une animation bien en prise sur les réalités du terrain. Il y a un réel bénéfice à voir les pratiques des maîtres et les productions et comportements d'élèves qu'elles génèrent, à ne pas se contenter de déclarations, pour comprendre, au moins partiellement, les processus qui aboutissent in fine à produire de la réussite ou des difficultés scolaires.

Il faut encore que l'inspecteur participe activement à la formation continue, que ce soit dans des stages ou sous la forme des demi-journées dites de conférences pédagogiques, qu'il soit là aussi pour aider les équipes pédagogiques lors des moments de réflexion collective pendant lesquels elles tentent de construire des réponses aux problèmes qu'elles rencontrent. Tout cela peut être partagé avec les conseillers pédagogiques mais ne peut leur être entièrement délégué ; il en va de la crédibilité de l'inspecteur dans le domaine pédagogique. Il est aussi tout à fait nécessaire qu'il trouve la disponibilité pour travailler, avec les principaux de collèges des secteurs que couvre la circonscription, à la continuité pédagogique entre classes du cycle III et classes de sixième.

La présence de l'inspecteur auprès des maîtres n'est pas que physique, elle est aussi symbolique. Y concourent les liens avec les écoles qui ne sont pas tous de contrôle mais ressortissent aussi au conseil sollicité, par le courrier traditionnel (auquel l'abandon de la franchise postale a porté un coup) ou le courrier électronique, par le téléphone. Des procédures de dialogue, instaurées via des fiches navettes après lecture des divers comptes rendus que lui transmettent les écoles, sont, de la part de l'inspecteur, une première forme de régulation de l'action en même temps que le témoignage d'un intérêt.

Si l'on veut que l'inspecteur soit un relais actif en matière d'animation de la politique pour la réussite scolaire, il conviendra d'alléger certaines des charges qui pèsent sur lui ; ce pourrait être en responsabilisant davantage les directeurs ou en réduisant la circonscription dont la dimension, évaluée en fonction du nombre d'enseignants plus que d'un point de vue territorial, est assez variable. Chaque inspecteur a compétence sur un ensemble de 150 à 400 maîtres de l'enseignement public auxquels il convient d'ajouter les enseignants des établissements privés dont le nombre diffère beaucoup d'un département à l'autre. Il conviendrait que le nombre de maîtres ne dépasse jamais 300 ; il faudrait par ailleurs alléger les circonscriptions où se concentrent des difficultés comme celles qui comptent un très grand nombre de petites écoles éloignées les unes des autres pour tenir compte de la dispersion née des multiples partenariats dans le premier cas et des déplacements dans le second cas.

Il conviendrait aussi de s'assurer que, partout, les conditions de travail de l'inspecteur sont convenables. Disposant de locaux parfois exigus qui ne permettent pas de faire sur place des réunions, plus ou moins bien situés dans la circonscription (ce qui induit des déplacements coûteux en temps et en indemnités - irrégulièrement versées) et plus ou moins bien équipés en matière de bureautique moderne (nouvelles technologies et reprographie), son environnement de travail est loin d'égaler celui des chefs d'établissement y compris des principaux de petits collèges où le nombre de professeurs ne dépasse pas la dizaine, voire de certains directeurs d'école. Limité dans les crédits de fonctionnement que lui octroie l'inspection académique, l'inspecteur est amené à rechercher des subsides supplémentaires, parfois auprès des collectivités locales avec les conséquences que cela peut avoir quant à son indépendance, parfois aussi en créant une association dont la gestion crée parfois des problèmes.

Cette situation peu favorable n'entame ni l'énergie, ni l'engagement d'une grande partie d'entre eux mais finit par en décourager un certain nombre ; on peut penser aussi qu'elle n'est pas pour rien dans la baisse continue du nombre des postulants au concours de recrutement(24), par ailleurs peu incités à assumer des responsabilités plus larges quand le différentiel financier est si faible entre les fonctions d'enseignement et celles d'encadrement.

 

L'équipe au service d'un projet local, proche du terrain

 

Les membres de l'équipe de circonscription, sauf la secrétaire qui ne se déplace pas sur le terrain, sont, par essence, des professionnels itinérants, qui ont vocation à être auprès des acteurs de la pédagogie, voire auprès des familles pour le secrétaire de la C.C.P.E. L'action de cette équipe est fédérée dans un "projet de circonscription" ou une politique explicite de circonscription. La circulaire définissant les missions des conseillers pédagogiques a entériné, avec ces mots, des pratiques qui jusqu'alors n'avaient été mentionnées par aucun texte mais qui ont commencé à exister à l'initiative de ceux qui ont voulu se donner des règles d'action en même temps que traduire le sens du travail en équipe. Cette politique locale est au service des besoins des écoles et des maîtres et ne peut pas être dissonante par rapport à la politique départementale, dont il faut regretter, le plus souvent, l'absence de formulation explicite. Elle ne procède pas de choix simplement liés aux convenances des uns et des autres. Les actions entreprises doivent permettre d'améliorer l'efficacité globale de l'école en créant les conditions d'une prise en charge pertinente des problèmes à résoudre.

Cette politique est définie par l'équipe de circonscription à partir de l'analyse d'un ensemble d'informations relatives aux écoles, à la population qu'elles accueillent, aux ressources dont elles disposent, à leur fonctionnement et à leurs résultats. La politique de circonscription doit donc s'appuyer sur des données issues des projets d'école qu'elle a pour ambition de faire réussir.

C'est un ensemble d'indications et d'indicateurs qui sont mobilisés ; la pratique des tableaux de bord, instruments nécessaires à un pilotage explicite, commence à se mettre en place et devra se développer. De nombreux acteurs ont aujourd'hui fabriqué leurs outils qui abondent de propositions intéressantes quant aux indicateurs pertinents. La formation initiale et continue des inspecteurs devrait permettre des échanges de pratiques et d'outils et favoriser le développement de ces modes de fonctionnement. Le produit aujourd'hui diffusé par la direction de la programmation et du développement "Indicateurs pour le pilotage de l'école au collège" (IN.P.E.C.) peut constituer une base commune mais sa pauvreté en matière d'indicateurs de résultats lui enlève toute prétention à devenir l'archétype du tableau de bord requis pour le pilotage dont nous parlons. La faiblesse de cet outil est la conséquence du manque d'informations sur l'école primaire au niveau central. L'inspecteur, pour qui ce sont des données essentielles, peut obtenir des écoles la communication des résultats aux évaluations du début du CE2 ; cela suscite parfois des oppositions. Quant aux résultats aux évaluations au début de la classe de sixième, il conviendrait d'obtenir que le collège en donne communication aux écoles et à l'inspecteur aussi. De même, au niveau local, manque-t-il des données fondamentales pour améliorer le pilotage ; en particulier, l'absence d'une "base de données Elèves", telle qu'elle existe dans le second degré, rend impossible un suivi de cohortes ainsi qu'une connaissance un peu fine des caractéristiques socio-démographiques de la population scolarisée.

Le tableau de bord utile à chaque responsable doit permettre de surveiller dans la durée les points forts et les points faibles de l'unité dont il a la charge. Ce n'est certainement pas le nombre des indicateurs qui fait la richesse de l'outil ; ce n'est pas non plus sa pertinence intrinsèque mais la connaissance qu'en ont les acteurs de terrain et la validité qu'ils lui reconnaissent.

 

Une évaluation repensée des membres de l'équipe de circonscription

 

De même que pour les écoles, on imagine mal que l'évaluation de tous les personnels qui composent l'équipe puisse se faire sans référence à ce cadre d'actions et aux informations qui permettent un suivi. C'est l'inspecteur qui, actuellement, évalue ses collaborateurs et propose une note à l'inspecteur d'académie ; on peut s'interroger sur la pertinence de cette situation compte tenu de ce qui a été dit de l'équipe de circonscription. Au moins serait-il souhaitable que cette évaluation soit assumée par deux personnes, l'inspecteur de la circonscription et un de ses collègues délégué par l'inspecteur d'académie.

L'évaluation des inspecteurs de l'éducation nationale chargés d'une circonscription du premier degré présente, elle, une double facette. Chaque année, une appréciation et une note sont arrêtées par le recteur, sur proposition de l'inspecteur d'académie le plus souvent. Il est constant que la forme soit plus au dithyrambe vague qu'à l'analyse rigoureuse ; les fondements de cette évaluation apparaissent très peu clairs et ne sont pratiquement jamais débattus avec les intéressés. L'attribution de note n'est que très rarement l'occasion d'un entretien entre recteur ou inspecteur d'académie et inspecteur de l'éducation nationale. On peut aisément envisager d'autres modalités qui clarifieraient les critères et instaureraient des procédures qui s'inscriraient mieux dans l'esprit d'un pilotage global évoqué plus haut : bilan d'activités lié à la politique de circonscription, analyse de l'état de la circonscription, définition d'objectifs pour les années à venir.

L'autre facette de l'évaluation de l'inspecteur est réalisée périodiquement par l'inspection générale de l'éducation nationale ; le travail de l'inspecteur est examiné dans sa globalité par un inspecteur général qui observe le professionnel évalué dans quelques situations représentatives de la fonction et conduit avec lui un entretien dans lequel les points de vue sont confrontés. Le rapport qui est élaboré à l'issue de cette évaluation, très peu valorisé jusqu'alors, devrait être pris en considération au moment de la notation annuelle par les responsables locaux.

Par l'une et l'autre voies, l'évaluation des inspecteurs devrait permettre de préciser les besoins en formation continue de cette catégorie professionnelle ; celle-ci est trop négligée. Cette formation peut être réalisée au niveau académique si elle a pour vocation prioritaire de contribuer à l'amélioration de la politique éducative locale et à la cohésion de ses animateurs, aux niveaux interacadémique ou national si elle doit favoriser le brassage des expériences, voire la réalisation de nouveaux programmes ou de nouvelles orientations.

Les nouvelles technologies devraient être mises à profit pour apporter des informations que ces professionnels n'ont pas le temps de rechercher, d'actualiser ou de synthétiser : résultats de travaux universitaires mais aussi éléments de jurisprudence relatifs aux domaines qui les concernent. Le service de formation de la direction des personnels administratifs, techniques et d'encadrement pourrait constituer le pivot d'une organisation en réseau que tous les inspecteurs contribueraient ensuite à développer, compte tenu de l'interactivité permise par les technologies.

 

7-3 - Du département à l'administration centrale

 

L'encadrement de proximité : une structuration à revoir

 

L'encadrement de l'enseignement primaire est organisé au niveau départemental(25) et regroupe, autour de l'inspecteur d'académie - directeur des services départementaux de l'éducation nationale, les chefs de service de l'inspection académique pour la gestion des moyens et des personnels et les inspecteurs de l'éducation nationale chargés des circonscriptions du premier degré. Cet ensemble représente un nombre de personnes très variable selon les départements ; à titre d'exemple, les inspecteurs chargés d'une circonscription sont au nombre de 3 à 60 pour un département selon la taille et la densité humaine de celui-ci et l'on trouve parmi eux de un à quatre inspecteurs chargés de l'adaptation et de l'intégration scolaires, titulaires parfois d'une circonscription primaire réduite et quelquefois affectés pleinement à leur mission spécialisée.

Le fonctionnement global de cet encadrement de proximité n'a jamais été clarifié ; les modalités de travail se sont organisées au fil du temps sans que leur pertinence soit discutée, alors que des réformes importantes ont ébranlé les équilibres initiaux. Ainsi, les inspecteurs chargés de l'adaptation et de l'intégration scolaires n'ont pas vu leurs fonctions définies depuis la circulaire(26) qui a établi leur spécificité en 1961 ; or, depuis cette période, les problèmes et les formes de solution qui sont apportées ont profondément changé. L'intégration interpelle l'école ordinaire de manière très différente depuis la loi de 1975 ; l'implication obligatoire de tous les inspecteurs dans la gestion des problèmes de prévention, d'adaptation ou d'intégration, devrait faire de leurs collègues spécialisés les spécialistes des établissements et sections spécialisés, comme on l'a suggéré au terme du chapitre précédent.

De la même manière, la fonction des inspecteurs de l'éducation nationale adjoints aux inspecteurs d'académie, parfois véritables "patrons" du département pour l'enseignement primaire quand le traitement des affaires leur est délégué, a été créée en 1963(27). et n'a jamais été définie.

Il conviendrait de réfléchir à la structuration, de parvenir à une définition des missions de chacun de manière à clarifier les conditions d'une bonne collaboration. La continuité du service, mieux assurée à chaque changement de responsable, serait un premier effet d'une explicitation des modes de fonctionnement qui n'ont pas à être, dans un service public, conditionnés principalement par des conceptions individuelles même si la personnalité colore l'exercice des responsabilités.

 

Solidarité et cohésion pour des projets de développement locaux

 

Il y a plus important encore : la poussée commune nécessaire à la mise en mouvement d'un système qui s'illustre souvent par son inertie doit être visible pour finir par être opérante. Cette dynamique d'impulsion suppose une forme de "culture commune" au niveau local, un discours homogène de la part de tous les responsables. Un fonctionnement loyal, et dans les deux sens, de la chaîne hiérarchique entre inspecteur d'académie et inspecteurs de circonscription, comme la solidarité entre ces derniers, sont les conditions premières de cette solidité collective.

Depuis la loi de 1989, le projet s'impose comme outil de mobilisation et de changement. Son principe a été étendu au niveau académique et au niveau de la circonscription, on l'a dit. La lecture des projets académiques, quand ils sont formalisés, révèle que le premier degré en est plutôt absent(28) ; parfois cependant une forte impulsion a été donnée par le recteur lui-même dans la mise en œuvre d'une mesure particulière, l'exemple le plus évident étant celui de l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire. Toujours, l'efficacité de l'école primaire est posée comme condition nécessaire à la réussite de la scolarité ultérieure, comme quelque chose qui va de soi, sans que, en règle générale, des objectifs précis soient assignés et sans que les moyens pour y parvenir soient esquissés.

Il est de moins en moins rare que l'inspecteur d'académie définisse lui aussi un projet. Est-ce une initiative exorbitante comme tendent à le dire certains ? N'est-ce pas indispensable puisque les projets académiques n'ont du premier degré qu'une prise en compte formelle, quand elle existe ? Et chaque département d'une même académie n'a-t-il pas des caractéristiques suffisamment affirmées pour que la politique arrêtée par le recteur ait besoin d'une spécification départementale ?

S'il n'est pas pertinent d'envisager un emboîtement de projets comme un système de poupées gigognes, il serait très utile de formaliser un vrai projet éducatif académique tendant à l'amélioration de l'efficacité de l'école avec des ajustements dont la réalisation serait confiée à chaque responsable d'une unité du système, responsable dont l'évaluation prendrait en compte la conduite de cette opération.

Pour conclure un accord local, au-delà des problèmes de personnes et de techniques de management humain, il faut d'abord clarifier des objectifs fondamentaux et des domaines prioritaires d'exigences ; cela doit se faire à partir de l'état des écoles et de leurs projets. Il en a été beaucoup question dans ce rapport. Il ne peut y avoir de pilotage sans clarté sur le but, des marges de liberté étant alors concédées pour définir localement des stratégies, dont la pertinence et l'efficacité seront évaluées en fonction du degré de réalisation des objectifs.

Matériellement, il convient que les divers "pilotes" se dotent de tableaux de bord, partiellement communs pour qu'il y ait un dialogue possible sur des bases identiques (lors de la préparation de la carte scolaire ou du plan de formation continue) et des transferts d'informations sans multiplier les saisies de données. Le travail individuel des inspecteurs titulaires des circonscriptions, évoqué précédemment, doit être fédéré au niveau du département.

Cela suppose qu'existent des conditions favorables au travail collectif. Le plus souvent, le "conseil d'inspecteurs" est l'instance dans laquelle l'inspecteur d'académie anime la réflexion, donne des instructions, procède à diverses régulations, mais cette instance quasi traditionnelle n'a aucune existence réglementaire ; chacun en use à sa manière, ici pour en faire un lieu de débats avant que des décisions soient arrêtées, là pour transmettre des directives élaborées par l'inspection académique. Parfois, l'inspecteur d'académie laisse la place à l'inspecteur de l'éducation nationale adjoint en qui les inspecteurs chargés des circonscriptions ne reconnaissent que rarement un pilote légitime ; mutatis mutandis, son rôle peut être comparé à celui du directeur dans une équipe pédagogique et son efficacité pour animer l'équipe des inspecteurs dépend tout autant de ses qualités propres que de la façon dont il est accepté, voire reconnu, par ses collègues, ce qui n'est pas indépendant de la manière dont on a procédé à son recrutement.

Dans certains départements se développe la pratique des groupes de réflexion à qui sont confiés des dossiers aux fins de préparation des décisions. Ces modalités de mobilisation sont intéressantes si elles ne sont pas purement formelles et si tous les inspecteurs sont, tour à tour, sollicités, ce qui n'est pas facile dans les "gros" départements. Cette organisation, préjudiciable à la présence des inspecteurs sur le terrain s'ils sont trop souvent en réunion, doit être utilisée avec mesure et pour des problèmes importants. Des séminaires de travail départementaux constituent aussi une forme de mobilisation intéressante ; la réflexion commune pour comprendre les situations locales et y apporter des réponses appropriées permet à chacun de prendre de la distance et de s'enrichir parce que la diversité des "interprètes" de la politique éducative est une réelle richesse. Si la circonscription constitue une unité d'intervention incontestable, il faut élargir ce territoire au département parfois, au bassin de formation quand les caractéristiques départementales le suggèrent, unités qui ont un sens pour l'interprétation des résultats de l'école à long terme.

Le plus souvent, l'inspecteur d'académie reste à distance du terrain : ses déplacements dans les circonscriptions sont rares, ce qui est regrettable. Ce sont des événements locaux qui l'attirent mais peu souvent des occasions de travail et de contact direct avec les acteurs de terrain. À l'instar de ce que quelques-uns s'appliquent à faire, passer une journée dans une circonscription, c'est-à-dire auprès de l'inspecteur et de l'équipe de circonscription, dans une réunion avec des directeurs ou certains autres personnels, voire avec des partenaires, est une formule qui permet une meilleure connaissance et des personnes et de leurs conditions de travail. C'est aussi une façon de reconnaître le travail réalisé, sinon la dignité de ceux qui l'effectuent, une façon efficace de les encourager et de les mobiliser. La taille du département paraît, à nouveau, une variable déterminante pour cette action de proximité ; au-delà de 12 à 15 circonscriptions, il est probable que l'inspecteur d'académie ne peut pas envisager ce type de pratiques mais il a alors un adjoint, qui a rang d'inspecteur d'académie, avec qui la charge peut être partagée. Dans les départements les plus importants, il en a deux, voire trois.

 

Les relations entre département et administration centrale

 

L'histoire de l'administration de l'enseignement primaire est marquée à la fois par le caractère très ancien de la décentralisation - le partage des compétences entre l'Etat et les communes ayant été la règle dès la création de l'école - et, sauf pendant de très courtes périodes, par la concentration des décisions dans une direction de l'enseignement primaire exprimant symboliquement le traitement égalitaire de l'ensemble du territoire. Jusque dans les années 1980, cette direction, a géré aussi bien la pédagogie que la répartition des moyens, la formation des maîtres ou le corps d'encadrement que constituaient les inspecteurs des écoles primaires. L'unité de commandement rendait plus sûre et plus évidente la relation entre administration centrale et départements.

Des années 1980 datent des aménagements fondamentaux qui se répercutent sur le fonctionnement général de l'édifice ; la rénovation récente, profonde, de l'administration centrale a dispersé dans un nombre important de "bureaux" et de directions les compétences relatives à l'enseignement primaire. Le recul manque pour juger de l'efficience : le caractère nécessairement solidaire des solutions pour que se matérialise un changement exige des synergies auxquelles les mœurs administratives ne nous ont pas habitués jusqu'alors et qu'il faudra créer.

Les relations entre administration centrale et responsables locaux sont encore ambiguës : le mode injonctif prévaut sur le mode contractuel, les consignes procédurales l'emportent sur les définitions d'objectifs, les exigences de comptes rendus restent centrées sur le récit des mises en œuvre... Rien de cela n'est en concordance avec l'esprit de la loi d'orientation de 1989 et avec les diverses instructions relatives à la modernisation des services publics qui, depuis 1989, insistent sur la responsabilisation et sur la contractualisation.

Il faudrait des temps de travail réels entre inspecteurs d'académie et responsables de l'administration centrale pour faire comprendre, et débattre, les implications des mesures prises dans tel ou tel domaine ; cette concertation est le minimum requis pour mobiliser des acteurs aussi déterminants pour la politique éducative. Il faudrait aussi des séminaires de travail entre inspecteurs d'académie pour faire partager les expériences réussies ; les inspecteurs généraux, qui sont très présents sur le terrain, pourraient très utilement faire connaître les réalisations les plus fécondes et coopérer à cette forme d'animation d'un réseau national.

La responsabilisation fondée sur la réalisation d'objectifs reste à promouvoir. Comme il est objecté souvent, l'éducation ne peut fonctionner comme la production industrielle, à partir d'objectifs précis de résultats : il est néanmoins extrêmement aisé, on l'a dit, de définir des objectifs de progrès dans les divers domaines dont s'occupe l'institution : performances scolaires évaluées selon les épreuves nationales, évolution de la scolarisation pré-élémentaire, efficience des personnels de remplacement... Qu'il s'agisse de gestion des moyens ou de pédagogie, il est possible de faire des états des lieux rigoureux, de mettre en relation des choix avec des besoins puis avec des résultats et de procéder ainsi, d'année en année, pour amener chaque unité à remplir mieux sa mission. Des évaluations effectuées à échéance régulière par les inspections générales, à l'échelle d'une académie, permettraient au ministre de connaître vraiment les réalités, les progrès, les retards et de prendre des décisions adaptées, y compris pour définir des attentes spécifiques à l'égard des responsables locaux (recteurs et inspecteurs d'académie).

Le mode de fonctionnement actuel entre l'administration centrale et les inspecteurs d'académie conduit souvent ces derniers à se comporter de la même manière avec les collaborateurs, au rôle essentiel pour le premier degré, que sont pour eux les inspecteurs de l’Éducation nationale. Une modification du pilotage national aurait une incidence sur les modalités locales du pilotage de l'action de l’État en matière d'éducation.

À chaque niveau de responsabilité, l'obligation de rendre compte, de rendre des comptes, doit être admise comme un fait naturel quand on ne se situe plus dans un univers d'obéissance à des directives, et non comme la marque d'une suspicion a priori. La responsabilisation suppose que des choix réels puissent être effectués et qu'il en soit fait des bilans ; elle suppose aussi que chacun, s'il respecte les règles qui donnent consistance à la définition d'un État de droit, puisse faire son travail réellement et ne soit pas sommé de faire silence alors qu'il révèle des travers, voire des fautes réelles. Les personnels d'encadrement ne peuvent être des animateurs de la politique éducative s'ils sont désavoués alors même qu'ils sont dans leur rôle(29).

Chaque cadre du système éducatif serait, dans les conditions définies précédemment, en situation de pouvoir faire remonter, au niveau hiérarchique supérieur, des informations sincères qui contribuent aux analyses et aux prises de décision relatives au suivi de la politique éducative, et non des données réduites aux propos convenus que l'on sait attendus.

 

7-4 - Synthèse des propositions

 

Relancer la dynamique des projets d'école.

· Rappeler leur finalité : conduire chaque élève à son niveau d'excellence.

· Demander aux inspecteurs de s'assurer que le projet permet de traiter les problèmes de l'école et qu'il met en œuvre une continuité et une cohérence des expériences scolaires.

· Préciser les recommandations en matière d'attribution de crédits qui doivent bénéficier aux projets de qualité et non être dispersés au prorata du nombre de classes ou d'élèves.

· Donner des directives pour que la formation initiale prépare au travail en équipe et pour que la formation continue entretienne cette capacité.

Clarifier la définition de l'école et revoir la structuration du réseau scolaire, en particulier en milieu rural

· Revoir la structuration du réseau scolaire : distinguer l'école au sens administratif (la maison d'école) de l'école au sens fonctionnel : ensemble de classes qui constituent un cursus scolaire entier, maternel ou élémentaire ou global, à l'égard duquel le projet d'école a un sens.

· Fédérer les petites structures dans des unités plus larges mais cohérentes quant aux caractéristiques de la population. Faire animer ces groupements de classes par un seul directeur en milieu rural.

Conforter les directeurs d'école dans leurs attributions et améliorer leur situation en matière de décharges d'enseignement.

· Après clarification du statut de l'école, préciser les missions des directeurs en confortant ceux-ci dans leurs attributions en matière d'animation de l'équipe pédagogique.

· Rappeler l'importance d'une formation continue spécifique pour les directeurs.

· Améliorer les décharges en fonction de critères quantitatifs (nombre de classes et d'élèves) et qualitatif (caractéristiques de la population accueillie).

Revoir les modalités d'évaluation des personnels.

· Revoir l'inspection traditionnelle dans sa finalité et dans ses modalités ; revoir en particulier la liaison inspection - notation, périmée dans sa forme actuelle.

· Prendre en compte la dimension collective de l'exercice du métier d'enseignant dans l'évaluation des maîtres.

Mobiliser les équipes de circonscription sur l'aide aux projets d'école.

· Privilégier, pour les conseillers pédagogiques, trois de leurs missions : l'appui aux initiatives des équipes pédagogiques, l'aide à l'élaboration de réponses aux problèmes rencontrés et le suivi des débutants.

· Demander une formalisation de la politique conduite par l'équipe de circonscription dans le cadre de la politique départementale (analyse de la situation des élèves, des personnels et des écoles, objectifs, indicateurs d'évaluation).

· Faire développer, par la formation, l'utilisation de tableaux de bord permettant de surveiller l'évolution des points forts et des points faibles.

· Faire revoir le découpage des circonscriptions de telle manière que le nombre de maîtres ne dépasse jamais 300.

· Diligenter une enquête sur l'équipement des circonscriptions en matière de technologies modernes de communication ; prévoir un plan d'équipement en fonction des résultats de l'enquête.

Préciser les modes de recrutement des conseillers pédagogiques de circonscription.

· Privilégier le recrutement des conseillers pédagogiques, de circonscription ou départementaux, parmi les maîtres formateurs, c'est-à-dire les instituteurs ou professeurs des écoles titulaires du C.A.F.I.M.F. ayant exercé dans des classes d'application.

· Recommander un traitement qualitatif des affectations sur les postes de conseillers pédagogiques, définis comme postes à profil procédures.

· Demander que chaque conseiller pédagogique se dote d'une dominante soit pour l'enseignement pré-élémentaire, soit pour l'enseignement élémentaire, ce qui n'est pas exclusif des spécialisations actuelles (éducation physique et sportive, musique, arts plastiques, ressources et technologies éducatives, langues vivantes).

Mettre en place un mode de pilotage fondé sur la responsabilisation et la contractualisation

- entre administration centrale et responsables locaux,

- à l'échelle du département entre inspecteur d'académie et inspecteurs chargés des circonscriptions.

· Fonder le pilotage sur la définition d'objectifs de progrès pour chaque unité.

· Prévoir une évaluation régulière pour les unités territoriales (les académies et leurs sous-unités) et pour leurs responsables, interrogeant l'efficacité et la pertinence des choix effectués et des actions mises en œuvre au regard des objectifs assignés à l'unité.

· Inciter au développement du travail en équipe des inspecteurs de l'Éducation nationale à l'échelle du département ou d'un bassin de formation, travail animé par un inspecteur d'académie.

· Prévoir des séminaires d'inspecteurs d'académie pour des analyses et échanges de pratiques ; prévoir aussi des rencontres-débats entre inspecteurs d'académie et hauts responsables de l'administration centrale (grâce aux nouvelles technologies le cas échéant).

Mettre en place un réel dispositif de formation continue et un service d'informations en ligne à destination des inspecteurs chargés des circonscriptions.

· S'appuyer sur les évaluations effectuées d'une part par les recteurs et les inspecteurs d'académie, d'autre part par l'inspection générale, pour définir des priorités pour la formation continue des inspecteurs chargés d'une circonscription.

· Mettre en place un service d'informations utilisant le vecteur des nouvelles technologies pour diffuser rapidement les informations utiles à l'action des inspecteurs et favoriser les interactions entre ces professionnels (la sous-direction des personnels administratifs, techniques et d'encadrement chargée de la formation pourrait mettre en place un tel service).

 

CONCLUSION

 

Deux exigences ont présidé à l'élaboration de ce rapport : le devoir de lucidité et le refus de la fatalité. Le refus de la fatalité est affaire de conviction personnelle en même temps que fidélité à l'institution de l'école républicaine qui s'est toujours donné comme objectif de créer les conditions de la promotion de chaque enfant ou adolescent par l'instruction. Il est aussi affaire de confiance dans les capacités des professionnels de l'éducation, dans quelque fonction qu'ils se situent, à faire progresser le système éducatif.

Le devoir de lucidité est plus difficile à exercer dans une organisation qui a peu de moyens de révéler ses "résultats" réels. Il n'est pas possible de faire droit aux exigences légitimes de chaque unité à être considérée pour elle-même, indépendamment de l'ensemble dans lequel elle ne se reconnaît pas toujours. S'il y a bien des signaux alarmants quant à l'efficacité de l'école, il y a aussi des creusets de réussite scolaire, des lieux d'émancipation et d'épanouissement. Le voyageur qu'est l'inspecteur général gardera de cette année le souvenir rassurant de cette classe unique visitée au printemps, de ces 19 élèves actifs, heureux et "savants" et de son institutrice, sereine et efficace. Heureuse elle aussi. Le devoir de lucidité est aussi devoir de dire et je me suis appliqué à l'assumer.

Une conviction a orienté l'esprit des propositions : les acteurs du système éducatif ont besoin de continuité, de "cumulativité" et l'on s'est gardé de la tentation de rechercher à tout prix la nouveauté et les bouleversements, certes plus visibles, mais assimilés, par les enseignants et l'encadrement, à des palinodies ou à des effets de mode si vite obsolètes. La loi d'orientation sur l'éducation de 1989 étant la référence fondatrice légitime, il fallait examiner ce qui avait été réalisé et ce qui était resté inaccompli, et suggérer des ajustements des divers dispositifs mis en place depuis lors, pour créer les conditions d'un meilleur accomplissement. Les propositions qui sont faites dans ce rapport ne demandent pas de moyens plus importants. Tout au plus une répartition meilleure serait quelquefois souhaitable.

La démarche a été analytique, la succession des chapitres en témoigne mais le point de vue est aussi systémique, et divers leviers qu'il conviendrait d'activer en même temps pour donner de la cohérence aux impulsions centrales sont examinés.

S'agissant de l'éducation elle-même, je suis convaincu, comme beaucoup de responsables du système éducatif et, sans doute, d'enseignants, qu'il faut avoir plus d'ambition pour les élèves, plus d'exigence à l'égard de leur travail et qu'il faut recentrer l'action de l'école sur les apprentissages. Cette proposition a un caractère généralement peu opérationnel. La pédagogie ne se prescrivant pas à la manière des remèdes sur une ordonnance de médecin, j'ai suggéré les modalités par lesquelles cette recommandation peut se concrétiser et proposé des révisions de textes de telle manière que les objectifs soient plus lisibles et plus fermement exprimés, que la tâche des enseignants soit réalisable et que leurs marges d'initiative soient plus substantielles.

Le retour aux apprentissages ne doit pas être assimilé à la restauration du dogmatisme ou de l'ennui - les élèves aiment travailler - pas plus que ces apprentissages ne doivent se réduire aux domaines instrumentaux, certes importants, que sont le français et les mathématiques. Une place éminente a été accordée aux formes et au sens du travail scolaire en les éclairant par la finalité d'éducation à la citoyenneté mise en œuvre dans une école où se vivraient régulièrement la solidarité et l'esprit de participation.

"Émancipation, socialisation, acquisition de connaissances : ces trois fonctions de l'école sont indissociables. Aucune ne va sans les deux autres. En négliger une, c'est aussitôt en brider une autre. Parce que l'enfant - ce citoyen en devenir - est un tout, l'école ne saurait séparer par une opposition factice ses missions d'éducation et de socialisation", disait le Premier ministre lors des assises nationales des zones d'éducation prioritaires, le 5 juin dernier. C'est la position assumée ici.

Des objectifs clarifiés, des formes de travail porteuses de sens doivent permettre de stimuler les efforts et de soutenir la motivation utiles à la réussite qui, elle-même, conforte les efforts et la motivation. Dans cette dynamique, une fonction centrale est accordée à l'évaluation, considérée d'abord comme une attitude. Elle constitue un moment et une méthode pour tirer de l'action les leçons qui en font une expérience ; c'est une médiation instructive, une clé pour les progrès, qu'elle concerne l'élève ou tous les acteurs du système éducatif. Cette attitude, cultivée dès l'école, concourt à des apprentissages fondamentaux cohérents avec les exigences de la démocratie ; celle-ci a besoin de citoyens capables de recul, d'esprit critique et de rationalité.

Cette culture de l'évaluation est également fondamentale pour l'encadrement du système éducatif, qu'il s'agisse du pilotage de l'action ou de la gestion des ressources humaines. Il est proposé d'instaurer un "pilotage par des objectifs de progrès" ; il s'agit de penser les stratégies pour l'action et d'organiser la répartition des ressources en les mettant au service des progrès recherchés. Toute unité du système éducatif devrait se voir assigner des objectifs, établis et discutés par son responsable et le responsable de niveau hiérarchique supérieur ; le responsable devrait rendre compte de son activité en fonction de cette référence.

Analyser les effets de son action suppose de la lucidité, en rendre compte demande du courage. Mais l'École le doit, honnêtement, aux parents des élèves parce que les élèves sont leurs enfants, à la Nation tout entière parce que celle-ci investit beaucoup dans l'École et qu'elle est en droit d'attendre en retour - d'exiger - une information objective sur ses résultats.

À rebours des tendances qui ont développé "l'instrumentalisation" de l'école (la recherche des bonnes filières et des bons diplômes, la soumission à des exigences terminales qui sont celles de l'économie) et la "technicisation" de l'enseignement (des scénarios didactiques très raffinés, des protocoles d'évaluation très sophistiqués), il est souhaitable de voir réhabilitée la réflexion éthique dans la formation des enseignants et des personnels d'encadrement. J'ai d'ailleurs proposé que soit instauré un principe éthique dans l'action professionnelle des enseignants : la conciliation d'une attitude compréhensive - qui n'est pas complaisance - à l'égard de chaque élève et d'un attachement à des objectifs identiques pour tous.

On rejoint ainsi des propositions en faveur d'un "pilotage par le sens" qui n'est pas antinomique avec un pilotage par des objectifs de progrès. Le sens, c'est à la fois l'orientation, le mouvement, et pour ce qui concerne très spécifiquement l'éducation, le devenir (la question du pour quoi, du vers quoi) et la signification, l'intelligibilité des contenus (la question du pourquoi). Il faut toujours mieux éclairer le sens de l'action attendue, et pour les acteurs, et pour les usagers du système éducatif.

À rebours aussi de la tendance actuelle qui valorise les satisfactions immédiates, il est impératif que soit respectée la dimension temporelle nécessaire à une action efficace ; la responsabilité qui doit s'exercer pour que la durée ne se dégrade pas en immobilisme s'exprime d'abord dans l'évaluation, ensuite dans l'adaptation en fonction des données de l'évaluation.

Principe de précaution car l'école primaire est responsable de l'invention du futur scolaire des jeunes enfants qui lui sont confiés, souci évaluatif car l'exercice de la responsabilité éducative ou administrative suppose d'examiner les effets de son action et d'en tirer les conclusions qui s'imposent, mise en cohérence des actes avec les discours et des pratiques avec les textes, ce sont là des ressorts essentiels de l'action pour une école de la citoyenneté qui ferait ce qu'elle dit : œuvrer à la démocratisation de la réussite scolaire.

 

Notes


(1) Loi du 15 avril 1909.
(2) Circulaire n° 65-348 relative aux modalités de scolarisation des enfants inadaptés.
(3) Circulaire n° IV-70-83 du 9 février 1970. Un G.A.P.P. comprend en principe un psychologue scolaire et deux rééducateurs, l'un spécialiste de psychopédagogie et l'autre spécialiste de psychomotricité. Le secteur d'intervention regroupe un millier d'élèves environ.
(4) Circulaire n° 76-197 du 25 mai 1976.
(5) Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990.
(6) Loi du 30 juin 1975.
(7) Circulaire n° 91-304 du 18 novembre 1991.
(8) Les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté. Examen de quelques situations départementales. C.N.D.P., 1997. Collection Les rapports de l'Inspection générale de l’Éducation nationale.
(9) L'institution n'a jamais prôné cette pratique qui n'a pas de légitimité pédagogique. Par ailleurs, soumettre des élèves à des tests - s'ils ne sont pas des épreuves scolaires - suppose l'accord de leurs parents. Si ce sont des épreuves de type scolaire, elles relèvent de la compétence du maître titulaire de la classe.
(10) Les maîtres affectés dans les réseaux d'aides relèvent, en principe, de deux spécialisations exprimées dans deux options du C.A.P.S.A.I.S. (certificat d'aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d'adaptation et d'intégration scolaires). Le maître spécialisé titulaire de l'option E est chargé de l'enseignement et de l'aide pédagogique auprès des enfants en difficulté à l'école primaire ; le maître spécialisé titulaire de l'option G est chargé de rééducations.
(11) La formule de la classe d'adaptation constitue un ensemble de circonstances favorables qui permettent les apprentissages (nombre réduit d'élèves, rythme adapté, encadrement très présent) mais la rupture créée par le retour dans des conditions normales de classe est en général mal surmontée.
(12) Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990, déjà citée.
(13) Les classes d'intégration scolaire accueillant des enfants handicapés moteurs ou sensoriels ne présentent pas les mêmes difficultés. La population qui en relève est aisément identifiable et les déficiences n'affectent pas de manière lourde le fonctionnement cognitif, substrat des apprentissages scolaires. Une fois mises en œuvre les ressources techniques et pédagogiques palliatives des déficiences, les objectifs scolaires sont accessibles.
(14) Discours de L. Jospin, ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports - "L'Éducation nationale et les jeunes malades et handicapés : une politique" - 31 mai 1989.
(15) L'option D du C.A.P.S.A.I.S. concerne les maîtres spécialisés chargés de l'enseignement des enfants et des adolescents présentant des troubles importants à dominantes psychologiques.
(16) L'inspection sert essentiellement à l'attribution d'une note, ce que les textes réglementaires n'ont pas expressément prévu. La note est par ailleurs très étroitement corrélée à l'ancienneté et n'exprime aucunement une "valeur professionnelle". Les maintiens de note sont rares et les baisses de note exceptionnelles.
(17) Les fonctions sont définies dans le décret n° 89-122 du 24 février 1989.
(18) Les règles d'attribution de temps de décharge ont été assouplies et varient d'un département à l'autre. Pour l'année 1996-1997, les décharges de classe accordées aux directeurs équivalent à 6377 emplois.
(19) La direction d'école primaire. Inspection générale de l'éducation nationale, groupe de l'enseignement primaire - Juin 1996.
(20) Note de service N° 96-107 du 18 avril 1996 - Fonctions et missions du conseiller pédagogique de circonscription.
(21) Pour les conseillers pédagogiques actuellement en poste, il n'y a pas lieu de prévoir un nouvel examen ; l'adaptation se fera par la formation qui pourrait être réalisée dans un délai de trois ans.
(22) Il existe actuellement plusieurs options pour le C.A.F.I.M.F. : éducation physique et sportive, arts plastiques, éducation musicale, technologies et ressources éducatives, langue et culture régionales, auxquelles on propose d'ajouter : langues vivantes étrangères.
(23) Décret n°90-675 du 18 juillet 1990
- Statuts particuliers des inspecteurs pédagogiques régionaux, inspecteurs d'académie et des inspecteurs de l'éducation nationale
- Note de service n° 90-143 du 4 juillet 1990 - Missions et organisation de l'activité des IPR-IA et des IEN.
(24) Le nombre de candidats pour le concours de recrutement des inspecteurs de l'éducation nationale dans la spécialité Premier degré, a diminué de moitié exactement entre 1985 et 1990 (de 1296 à 648) et baisse régulièrement depuis ; pour la session de 1998, on compte moins de 7 candidats pour un poste mis au concours (431 candidats pour 62 postes), seuil le plus faible que ce recrutement ait connu.
(25) On passe sous silence le rôle, modeste jusqu'à cette date pour l'ensemble primaire, des recteurs ; ce rôle semble en train d'évoluer de manière notable.
(26) Circulaire du 10 octobre 1961 - Attributions des inspecteurs primaires spécialisés dans l'étude des problèmes que posent l'enfance et l'adolescence déficientes ou en danger.
(27) Arrêté du 2 août 1963 relatif à la création de postes d'inspecteurs de l'enseignement primaire, adjoints aux inspecteurs d'académie.
(28) De même, les inspecteurs chargés des circonscriptions du premier degré sont très peu intégrés au programme de travail académique des inspecteurs territoriaux prévu par la note de service du 4 juillet 1990.
(29) Note SH : On se perd en conjectures sur le sens réel de ces deux dernières phrases, auxquelles J. Ferrier a tout de même voulu donner une certaine solennité, les plaçant, certainement pas par hasard, in fine de son rapport. S'agit-il de rappeler que certains ont été (discrètement) sanctionnés pour avoir dénoncé des pédophiles ? Pour avoir dit haut et fort que tous les enseignants ne se valaient pas, et pour avoir objectivé ce fait d'évidence en bousculant (maintiens ou baisses de notes) la notation ?

 


 

 

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