Rapport J. Ferrier : Suite 1

 

1 - L'ÉTAT DE L'ÉCOLE PRIMAIRE

 

1-1 - Des indicateurs de résultats

 

De l'école de la troisième République, à la réussite pourtant mythique, on sait qu'elle n'envoyait pratiquement pas d'élèves dans l'enseignement secondaire et qu'elle ne parvenait pas à doter la moitié des écoliers du certificat d'études primaires(1). L'école primaire étant aujourd'hui dépourvue de fonction certificative, on sait peu de choses de ce qu'elle produit.

Depuis toujours, on fait grand cas des données relatives aux retards scolaires et depuis bientôt dix ans, les résultats aux évaluations nationales au début des classes de cours élémentaire deuxième année (CE2) et de 6ème sont, de façon prioritaire, utilisés comme indicateurs, pour la seule raison qu'ils sont les seuls disponibles en matière de résultats, alors même qu'ils sont très précaires.

 

Les résultats aux évaluations nationales

 

Ces évaluations nationales, organisées depuis 1989, fournissent des informations sur la maîtrise des compétences des élèves en français et en mathématiques à deux paliers importants de leur scolarité obligatoire (entrée au cycle III et entrée en sixième). Ces données, fluctuantes dans la durée, doivent être considérées avec beaucoup de prudence : elles sont relatives à des épreuves, différentes en totalité ou en partie d'une année sur l'autre, dont l'étalonnage n'est pas rigoureux. Par ailleurs, rien n'assure que les épreuves sont passées dans les conditions exactement prévues et que le codage est exempt d'erreurs.

Pour la rentrée 1997, à l'entrée en CE2, 18 % des élèves sont en difficulté, maîtrisant les compétences de base uniquement dans un domaine - lecture ou calcul - et ne les maîtrisant pas dans l'autre ; s'y ajoutent 12 % d'élèves en très grande difficulté, c'est-à-dire ne maîtrisant les compétences de base ni en lecture, ni en calcul. En 6ème, les élèves en difficulté (selon la définition précédente) sont 24,9 % et les élèves en très grande difficulté 9,6 %. Quant aux élèves qui maîtrisent les compétences approfondies ou/et remarquables dans l'un ou l'autre domaine, ils sont respectivement 15,2 % en CE2 et 14,2 % en 6ème. Quelles que soient les imperfections des protocoles d'évaluation sur lesquels on reviendra dans le chapitre 5, ces données inquiètent, d'autant plus qu'elles concernent les deux champs d'étude auxquels les maîtres consacrent le plus de temps, souvent un temps supérieur à ce que prévoient les textes officiels et qui conditionnent pour une bonne part la qualité des autres apprentissages.

Les tableaux présentés en annexe 1 récapitulent des chiffres clés pour ces dernières années ; on s'en tiendra ici à un bref bilan. Depuis 1994, à l'entrée en CE2, le pourcentage des élèves en très grande difficulté varie entre 7,7 % et 16,8 %, celui des élèves en difficulté entre 14,7 % et 25,5 %. À l'entrée en 6ème, la très grande difficulté concerne de 6,0 % à 9,6 % des élèves et les difficultés de 15,1 % à 24,9 %. Il n'y aurait aucun sens à conclure que la situation s'améliore durant le cycle III même si les chiffres indiquent une proportion moindre d'élèves en très grande difficulté en 6ème ; les épreuves ne sont en rien comparables quant à leur degré de difficulté. On peut seulement retenir que selon l'année, ce sont entre 21 et 42 % des élèves qui, au début du cycle III, paraissent ne pas maîtriser le niveau minimal des compétences dites de base dans l'un ou l'autre des deux domaines considérés, ou les deux ; ils sont entre 21 et 35 % à l'entrée au collège.

Par ailleurs, les comparaisons font apparaître des différences légères mais significatives entre les résultats des élèves scolarisés en cours simples et ceux qui ont été scolarisés en classes multi-niveaux, différences en faveur de ces dernières(2) ; cela atteste d'une efficacité meilleure des classes à cours multiples, contrairement aux discours les plus répandus. Enfin, les différences de performances moyennes brutes entre académies(3) ont une ampleur très marquée ; si l'on considère les résultats attendus compte tenu des caractéristiques de la population scolarisée, force est de constater qu'avec régularité, quelques académies obtiennent des résultats supérieurs et quelques autres (toujours les mêmes) des résultats inférieurs, ces dernières ayant par ailleurs des taux de retard scolaire parmi les plus élevés, ce qui n'est pas le cas des premières.

Si l'opération nationale d'évaluation d'où ces chiffres sont issus est considérée comme valide et pertinente, alors l'institution ne peut méconnaître qu'à l'issue de l'école primaire, la situation est alarmante. Ni les finalités d'épanouissement et d'insertion civique, sociale et professionnelle pour les individus, ni les grands objectifs pour le système éducatif en termes de niveaux de qualification ne peuvent être atteints, à terme, sur de telles bases.

On peut aussi nier la validité de ces données : ce serait une manière de considérer que les évaluations nationales ne sont pas pertinentes et il conviendrait alors d'en tirer les conclusions en faisant cesser une opération coûteuse en temps et en moyens financiers. On doit observer cependant que les maîtres ne se sont jamais plaints de la difficulté excessive des épreuves.

Il semble bien que, bon an, mal an, un quart des élèves quittent l'école primaire sans disposer des acquisitions indispensables en lecture et en calcul pour suivre correctement au collège. Il faut dire et redire que cela n'est pas une fatalité, que cela n'est pas acceptable. Que l'école a une part de responsabilité dans cette situation qui doit, et peut, être améliorée.

 

Les retards scolaires

 

Les retards scolaires sont aussi un indicateur à examiner. Ils ont diminué, ce qui peut attester d'une amélioration relative de l'efficacité de l'école ; l'absence de données objectives comparables ne permet pas de l'affirmer tout à fait.

Tableau I : Retards enregistrés aux divers niveaux de l'école élémentaire en pourcentages du nombre total d'élèves du niveau considéré(4).

 

Classe 1960-61 1988-89 1993-94 1995-96 1996-97
CP 22,1 11,4 7,4 7,4
CE1 17,2 12,9 13,4
CE2 20,7 15,9 15,6
CM1 25,8 18,1 17,9
CM2 52 30,3 22,7 20,6 20

 

Ces retards sont préoccupants, moins par leur nombre aujourd'hui que pour leurs conséquences sur la destinée scolaire (et sans doute sociale) des élèves qu'ils concernent. Par ailleurs, l'échec est socialement différentiel, ce qui est constant alors même que les politiques éducatives ont tenté depuis quinze ans, avec une inégale insistance, de "donner plus à ceux qui ont moins ": il concerne les enfants des milieux les plus défavorisés. Les données pour les zones d'éducation prioritaires, concentrés de difficultés sociales il est vrai, révèlent que le retard scolaire en fin d'école élémentaire concerne 30 % des élèves alors qu'il est inférieur à 20 % hors des zones d'éducation prioritaires.

Les élèves en retard obtiennent des résultats faibles aux évaluations ; ainsi, aux évaluations nationales de septembre 1996, les scores moyens en français et en mathématiques s'ordonnaient-ils comme le met en évidence le tableau II. On note un net creusement des écarts inter-âges entre CE2 et 6ème. Il n'est sans doute pas seulement dû à des biais liés à la nature des épreuves ; on peut faire l'hypothèse que le cycle des approfondissements de l'école primaire n'assure pas la remédiation des difficultés qui, pour une bonne part probablement, ont leur source en amont. Globalement les données attestent - mais est-il encore besoin de le démontrer ? - de l'inefficacité des redoublements, car le retard est encore lié au redoublement traditionnel et non à un aménagement qualitatif de la durée de la scolarité conformément aux dispositions de la politique des cycles ; la négation des acquis, l'absence de prise en compte des difficultés spécifiques ne peuvent pas conduire à des améliorations significatives.

Tableau II : Écarts des scores moyens selon l'âge des élèves. (Évaluations nationales, 1996(5) )

 

En CE2 En 6e
Français Mathématiques Français Mathématiques
Score des enfants "à l'heure"
66,4 68,9 67 67,5
Enfants en avance
+ 8,6 + 8,7 + 10,2 + 8,2
Enfants ayant un an de retard
- 12 - 11,9 - 17,5 - 16,1
Enfants ayant deux ans et plus de retard
- 14,9 - 14,9 - 21,5 - 20,2

 

N.B. : au CE2, les différences entre ceux qui ont un an de retard et ceux qui en ont deux et plus ne sont pas significatives, alors qu'elles le sont en 6ème.

Les retards à l'entrée en 6ème sont par ailleurs très largement corrélés avec des orientations ultérieures moins favorables ainsi que le révèle le tableau III qui concerne la situation, six ans après, des élèves entrés en 6ème en 1989.

Tableau III : Trajectoires scolaires, en pourcentages du nombre d'élèves, selon le critère d'âge à l'entrée en 6ème(6) .

 

Sortis du système scolaire En second cycle professionnel En seconde ou première générale ou technologique En terminale générale ou technologique
Élèves entrés en 6ème à 11 ans ou moins 3 24 30 43
Élèves entrés en 6ème à 12 ans 25 53 13 8
Élèves entrés en 6ème à 13 ans ou plus 56 35 5 4

 

C'est aux niveaux d'acquisition en français et mathématiques et à l'âge des élèves à l'entrée en sixième que sont associées les disparités de réussite les plus nettes au collège. À performance faible identique, les élèves qui n'ont pas de retard ont beaucoup plus de chances d'accéder en seconde générale et technologique. Les élèves qui, à leur arrivée au collège, cumulent un mauvais niveau d'acquisition et deux ans de retard ont des chances très réduites d'atteindre le second cycle long des lycées(7).

Les maîtres de l'école primaire participent à la préservation, voire à l'invention du futur des enfants qui leur sont confiés : ils ne peuvent ignorer les effets à long terme de l'action que, collectivement, ils construisent. C'est une règle de précaution, "le principe Responsabilité" évoqué dans un autre contexte par H. Jonas, qu'ils doivent intégrer à leur éthique professionnelle. Dans la préface au texte des programmes de 1985, le ministre de l'Éducation nationale exposait cette analyse que nous partageons :

"Beaucoup de difficultés que rencontrent au collège et plus tard les élèves et les professeurs trouvent leur racine dans une scolarité élémentaire défectueuse. L'école élémentaire est la base de tout, et les retards que l'on y prend sont difficiles à rattraper. Pour que nos enfants aient toutes les chances de leur côté, il est capital qu'ils réussissent de bonne heure. La qualité de l'école élémentaire est la condition déterminante d'une véritable égalité des chances de tous les enfants pour la poursuite de leurs études.(8)"

La responsabilité de l'école primaire est très importante au regard de la scolarité ultérieure, et pas seulement vis-à-vis des seuls résultats scolaires. Le climat, fait à la fois d'incivilités et de violence qui se développe, dont on peut faire l'hypothèse qu'il est d'abord généré par le contexte social, peut être aussi exacerbé par la situation scolaire que des adolescents ressentent - depuis l'école primaire souvent - comme humiliante et irréversible.

 

1-2 - Des indications sur les moyens

 

Nous n'entendons pas suggérer que toute amélioration de l'efficacité de l'école exige des moyens supplémentaires, en emplois ou en crédits. Le propos est ici descriptif car il convient d'avoir présent à l'esprit un ensemble de données qui composent l'arrière-plan du fonctionnement de l'école.

 

Les emplois

 

De 1960-1961 à 1996-1997, le nombre d'emplois du premier degré public est passé de 226 400 à 310 800(9). Dans le même temps, le nombre des élèves de l'enseignement public a diminué de manière sensible(10), de 7,1 millions en 1960-1961 à 5,5 millions à la rentrée 1997. La disparition des classes postérieures au cours moyen deuxième année et le déclin démographique ont fait perdre 2,9 millions d'élèves au niveau élémentaire. Ce sont la généralisation de la scolarité pré-élémentaire à partir de trois ans et le fort développement de la scolarité à deux ans qui ont permis de limiter la perte globale à 1,6 million, le nombre des élèves relevant de la scolarité pré-élémentaire étant passé pendant la période considérée de 0,8 million à 2,1 millions.

Cette croissance considérable du nombre des emplois par rapport au nombre des élèves a permis, outre le développement de l'enseignement pré-élémentaire :

- de diminuer de façon spectaculaire le nombre d'élèves par classe(11) : de 1960-1961 à 1994-1995, le nombre moyen d'élèves par classe passe de 42,9 à 27,1 en école maternelle et de 29,8 à 22,6 dans les écoles élémentaires ;

- d'augmenter massivement le nombre des emplois consacrés à l'enseignement spécialisé dont les maîtres sont chargés, entre autres, de la prévention des difficultés scolaires (9431 emplois en 1996-1997)(12),

- de créer les postes de conseillers pédagogiques, fonction instituée au début des années soixante (3196),

- d'attribuer des postes de soutien aux écoles en zones d'éducation prioritaires (2165),

- de décharger mieux les directeurs d'école (6377),

- de remplacer pratiquement tous les maîtres absents (25000)(13).

Il est clair que les contextes respectifs du début de la décennie 1960 et de la fin des années 1990 ne sont en rien comparables. L'école, on l'a vu, prépare aujourd'hui tous les élèves à entrer au collège. La crise économique se double d'une crise sociale, voire morale, qui a des effets évidents sur le fonctionnement des classes, en particulier dans un certain nombre de banlieues. La tendance lourde, continue, pesante, a toujours consisté à diminuer le nombre des élèves dans les classes et à tenter de les regrouper par année d'âge. On peut comprendre cette orientation mais, si cette double évolution facilite le travail des maîtres, rien ne prouve qu'elle est toujours bénéfique pour les élèves.

La situation est très particulière en milieu rural. Nombre de classes n'y ont plus qu'un élève, voire plus d'élèves du tout, dans certaines divisions, contexte qui n'a rien de stimulant d'autant que, pour l'élève concerné, cette situation affecte la durée entière de sa scolarité élémentaire ; dans les cas de très faible effectif, le maintien de la dernière classe du village n'a pas de justification pédagogique. Les maires rencontrés par l'inspection générale lors d'une enquête effectuée en 1995-1996 souhaitaient d'ailleurs que l'administration assume ses responsabilités à cet égard ; le rapport(14) que les inspecteurs généraux avaient alors rédigé concluait à la nécessité de mettre un terme au moratoire instauré en 1993 parce que, dans un certain nombre de cas, la fermeture de la dernière classe de la commune est de l'intérêt des élèves.

Dans un nombre non négligeable de départements, ceux qui ont perdu de très nombreux élèves durant des décennies, les taux d'encadrement sont tels que le nombre d'élèves des classes des écoles urbaines y est inférieur à celui des classes des écoles rurales des départements urbains. Améliorer encore ces taux n'apportera rien en terme d'efficacité ; il conviendrait même de vérifier que cette abondance de moyens garantit, toutes choses égales par ailleurs, des résultats supérieurs à ceux des départements moins favorisés du point de vue des taux d'encadrement.

Partout, les taux d'encadrement se sont nettement améliorés. Si le discours revendicatif continue à porter sur la diminution des effectifs, rien ne prouve que cela améliorerait l'efficacité de l'école : on n'a jamais pu montrer que les différences de résultats sont significatives lorsqu'il y a entre 17 et 30 élèves par classe. Il est sans doute plus profitable d'utiliser les emplois de manière qualitative, par exemple en créant des stratégies d'aides avec des maîtres surnuméraires par rapport au nombre de classes ou en améliorant la situation des directeurs, ce qui est déjà le cas dans les zones les plus difficiles. Pour les ajustements qui sont souhaitables, des déplacements de moyens sont possibles entre départements les mieux dotés et départements qui le sont le moins.

Depuis des décennies, on a cherché à résoudre les problèmes de l'école en jouant sur le quantitatif. Cette politique a atteint ses limites : c'est sur le qualitatif qu'il faut maintenant travailler.

 

Les crédits pédagogiques

 

Ce qui vaut pour les emplois vaut aussi pour les crédits pédagogiques qui n'ont jamais été aussi importants. Normalement, les crédits de l'État sont alloués sur projets. On regrette souvent le saupoudrage de fait auquel se livre l'administration et l'absence d'évaluation de l'utilisation réelle et de l'efficacité des actions ainsi soutenues ; une approche plus sélective et fondée sur une contractualisation permettrait de financer de vrais projets.

L'absence d'évaluation vaut aussi pour ce qui concerne l'usage des équipements ou fournitures dont l'État a doté les écoles : en matière de nouvelles technologies avec le plan "Informatique pour tous", par l'attribution de livres de bibliothèque aux écoles(15) et, plus récemment, avec les cassettes pour l'initiation aux langues étrangères.

La gestion des crédits accordés par les collectivités locales, d'un montant fort divers d'après les informations recueillies au cours des visites dans les écoles (que cela soit dû aux faibles ressources de la collectivité ou à des choix politiques), relève de la responsabilité des équipes pédagogiques. La suite du rapport évoquera bien des errements de ce point de vue, dont les plus inquiétants concernent le faible investissement dans des manuels au bénéfice d'achats de fichiers qui ne sont pas sans inconvénients pédagogiques et au bénéfice, aussi, de l'utilisation excessive de photocopies, souvent d'ailleurs fondée sur la pratique du "photocopillage" illégale à l'école primaire comme ailleurs.

Les efforts d'équipement faits par les collectivités territoriales méritent aussi d'être soulignés ; on est d'autant plus porté à regretter l'usage très limité que certaines écoles font des matériels audiovisuels voire informatiques.

Tout pris en compte, de la rémunération des personnels aux transports scolaires ou aux équipements et fournitures divers, la dépense d'éducation pour le premier degré est passée en francs constants et en moyenne par élève, de 13 800 francs en 1975 à 23 400 francs en 1996(16) ; elle a ainsi connu une croissance de 69 %. C'est dire les égards avec lesquels la nation traite l'école primaire. C'est dire aussi qu'elle est en droit d'en attendre beaucoup.

 

1-3 - Une information trop lacunaire pour agir en pleine connaissance de cause

 

Les résultats qui ont été rappelés ont un caractère inquiétant, d'autant plus qu'ils portent sur les deux disciplines instrumentales qui vont fournir les points d'appui fondamentaux pour les apprentissages ultérieurs, mais ils restent très partiels. Les résultats scolaires ne sont approchés qu'au travers du filtre doublement sélectif des évaluations nationales : il n'est pas procédé à un bilan exhaustif des acquisitions en français et en mathématiques et de nombreux champs disciplinaires sont ignorés ; l'absence de toute évaluation les concernant contribue sans doute à leur dévalorisation.

 

Une information très incomplète

 

Pour tous les autres registres qui composent l'enseignement obligatoire de l'école élémentaire, les propos usuels reposent aujourd'hui sur des observations dont rien ne garantit le caractère représentatif mais qui se recoupent ; ils tendent à déplorer une dégradation du statut des disciplines non instrumentales, enseignées de manière irrégulière voire totalement négligées ou concédées à des intervenants extérieurs (pour l'éducation artistique et l'éducation physique et sportive surtout) qui ne les abordent pas avec le souci prioritaire de faire apprendre. Rien ne permet de certifier que la situation est moins bonne que ce qu'elle a été ; cependant, même si les acquisitions étaient limitées, les différentes matières étaient sans doute plus régulièrement enseignées qu'elles ne le sont, ne serait-ce que parce que le certificat d'études portait sur l'ensemble des champs. C'est d'un passé assez récent que date le déclin de certaines exigences, le trouble créé par les "activités d'éveil", longtemps mal définies, ayant vraisemblablement altéré la pratique des matières autres qu'instrumentales.

Les domaines de formation à caractère transversal, qu'il s'agisse des méthodes de travail ou de l'éducation à la citoyenneté, ne donnent pas lieu non plus à évaluation. Des méthodes de travail, on dit pourtant le caractère déterminant pour une bonne adaptation à l'enseignement secondaire. Quant à l'éducation à la citoyenneté, ce sont les incidents de la vie scolaire, en collège et en lycée, qui en traduisent la faible efficacité aux yeux de la société ; l'école primaire est encore, de ce point de vue, épargnée par les dénonciations publiques quoi qu'il soit de moins en moins rare d'entendre évoquer les larcins ou les délits d'enfants de moins de 12 ans, le plus souvent hors temps scolaire, il est vrai. Il y a ainsi des signaux d'alerte relatifs à des problèmes dont l'école n'est pas responsable mais qu'elle ne parvient pas à prendre en charge réellement.

L'approche nationale ne serait sans doute pas la plus pertinente pour effectuer des évaluations dont, par ailleurs, la complexité de mise en œuvre est reconnue ; quand il s'agit de juger des compétences méthodologiques et des comportements respectueux de certaines règles, les épreuves sur papier sont insuffisantes ou inadaptées. La faiblesse générale du dispositif national d'évaluation n'est pas compensée par des approches plus précises au niveau local. Comment dès lors pourrait-il y avoir un projet d'amélioration valide s'il ne repose pas sur un état des lieux un peu substantiel et fondé objectivement ?

 

Une culture de l'évaluation bien peu développée

 

La culture d'évaluation que la direction de l'évaluation et de la prospective a incarnée par les actions qu'elle a pilotées et les données qu'elle a diffusées n'est pas réellement implantée, à quelque niveau d'activité ou de responsabilité que l'on se situe. La vision que l'on a de l'école primaire reste syncrétique : indifférenciée trop souvent et plus ou moins confuse. On en valorise certains aspects sans arguments objectifs à l'appui du propos (l'école maternelle) et on dénigre des échecs (la lecture) sans les rapporter aux circonstances dans lesquelles ils se produisent.

Les informations nombreuses qui sont produites, intéressantes mais peut-être trop dispersées pour des responsables qui n'ont guère le temps des recherches et des synthèses, sont peu utilisées. Le traitement qui aboutit à la "mesure" n'est presque jamais suivi d'un effort de compréhension : on ne s'est pas soucié, par exemple, de procéder à des analyses de pratiques et de structures dans les académies qui obtiennent de bons résultats, pas plus que dans celles qui constituent des points faibles dans la géographie de l'école française.

Les prises de décision sont fondées davantage sur des a priori que sur des données objectives(17). La promotion des innovations repose sur l'idéalisation des nouveautés toujours plus ou moins liées à l'espoir de progrès (et le progrès suscite encore une forme de confiance spontanée) mais ces innovations n'ont jusqu'alors jamais été soumises à validation. Nul ne se soucie de vérifier que le "plus" attendu se concrétise dans des acquisitions pour les élèves, sans se répercuter dans un "moins" par rapport à ce qui était avant ; on croit bien faire, mais fait-on mieux ? Cette absence de rigueur a conduit, et conduit encore, à des errements, à des impasses dont les plus coûteuses affectent vraisemblablement l'apprentissage de la lecture.

Plus grave peut-être, tout se passe comme si, de l'intérieur, on n'osait pas mettre en relation des fonctionnements et des résultats ; des observateurs extérieurs, des sociologues s'en chargent, rappelant au principe de réalité. Il doit pourtant être possible de parler sans accabler, sans culpabiliser, pour tous ceux qui exercent une responsabilité, quel qu'en soit le niveau, au sein du ministère chargé de l'éducation nationale.

 

Des principes fondateurs pour ce rapport

 

Ce rapport ne pourra totalement échapper au travers qui est ici dénoncé puisque le substrat, un ensemble consistant de données objectives sur les résultats de l'école, fait partiellement défaut. De nombreuses observations ont été effectuées dans des départements différents, dans des écoles et dans des circonscriptions ; de nombreuses discussions ont été conduites avec des acteurs du système, en situation fonctionnelle et géographique variée.

Observations et analyses ont été confrontées et les propositions établies, pour l'essentiel, à partir de ce qui semble le plus pertinent dans les réalisations actuelles ; c'est une manière de rendre hommage à tous ceux qui témoignent d'engagement et d'inventivité au service de l'école. Elles sont présentées à la fin de chacun des chapitres suivants.

Les propositions respecteront quelques principes :

- La loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 et les textes d'application constituent le cadre d'action. L'école qui forme les futurs citoyens doit se montrer à la hauteur de ses enseignements et mettre en pratique ce qu'elle prône : le respect de la loi. La "bonne école" qui se dessine dans les textes fondateurs, celle qui fait réussir dans les apprentissages et contribue ainsi à un épanouissement personnel et à un enrichissement de la collectivité, sera ici l'école de référence. En ce qu'il est concerné par la scolarisation - c'est-à-dire par la construction de connaissances, de valeurs, d'une culture qui l'aide à épanouir sa personnalité et à développer toutes ses ressources, qui l'insère dans une société et une histoire, l'élève n'est pas encore au centre du système éducatif ; c'est cette position qu'il convient de promouvoir.

- La mobilisation des acteurs de l'école doit avoir une certaine constance pour tendre vers une meilleure efficacité. Il est indispensable de dire - ou de redire - quel est l'objectif prioritaire et de situer les diverses initiatives par rapport à cet objectif. Or, les prescriptions ministérielles s'accumulent sans que les exigences soient hiérarchisées ; les acteurs de terrain ressentent comme un ensemble hétéroclite les injonctions qu'ils reçoivent et y réagissent par l'engouement parfois, par l'indifférence le plus souvent ou par l'opposition déclarée dans d'autres circonstances.

- C'est le cœur de l'action pédagogique, ce qui se passe dans chaque école, dans chaque classe, entre des enseignants, des élèves et un programme, qui doit être touché par la sollicitude du ministère et faire l'objet d'une attention vigilante de tous les responsables. Des apprentissages solides et de qualité supposent du temps, des procédures adaptées et susceptibles de retenir l'intérêt des enfants. Tout cela ne relève pas forcément de l'innovation, mais suppose un réel engagement professionnel.

- Des réalisations existent. Il convient de ne pas les ignorer ni d'anéantir, par des injonctions venues de loin, des choix qui ont été faits s'ils ont révélé une efficacité. Au contraire, il faut conforter leurs auteurs et s'appuyer sur ces réussites. Les décisions prises devraient respecter ces réalités et énoncer clairement les exigences, en proposant des pistes de travail pour la mise en œuvre et pour l'accompagnement des personnels chargés de cette mise en œuvre.

Ces propositions, qui ne s'inscrivent pas dans une logique de réforme mais dans une perspective d'optimisation d'un dispositif existant, s'appuient aussi sur un postulat : la "réussite" exige l'effort et la motivation mais l'effort et la motivation s'entretiennent par la "réussite". Ce sont les conditions de ce cercle vertueux que la pédagogie doit mettre en place.

 

2 - LA SCOLARITÉ PRÉ-ÉLÉMENTAIRE : ACCORDER UNE TRADITION ET DES BESOINS NOUVEAUX

 

L'école maternelle(18) bénéficie d'une réputation plutôt favorable et d'une cote de popularité élevée auprès des parents d'élèves et même parmi les personnels du système éducatif. A-t-elle pour autant tiré les conséquences des changements qui l'ont affectée (généralisation de la fréquentation et allongement du cursus en particulier) ainsi que des besoins et de l'état actuel du système éducatif ? Il est permis d'en douter, et l'on ne doit pas confondre les propos et analyses de ses plus actives représentantes et les réalités des pratiques. Aucun état des lieux rigoureux n'est aujourd'hui disponible sur les pratiques et l'organisation de cette école(19), sur la fréquentation des enfants. Il n'existe aucune évaluation permettant de se prononcer de façon tant soit peu objective sur son efficacité, hormis une étude(20), qui mériterait d'être reprise aujourd'hui, sur les conséquences de la scolarisation à deux ans. Les conclusions révélaient des effets positifs modestes, plus nets en fin de cours élémentaire première année qu'en fin de cours préparatoire et persistant en fin de scolarité élémentaire, ces effets n'étant pas différenciés selon les caractéristiques sociales du milieu d'origine des élèves.

 

2-1- Discours, représentations et références

 

L'école maternelle, mode original de prise en charge des jeunes enfants, est une structure qui témoigne d'une vigilance particulière de l'État et suppose un investissement financier important. Ce n'est pas le lieu d'en faire l'histoire mais il n'est pas possible d'éluder quelques-unes de ses phases de structuration. Elles ont composé une sorte de livre d'or auquel s'alimentent les nostalgies.

 

L'école de la spontanéité et du jeu

 

Dans sa première période, l'épithète l'emporte sur le nom, "maternelle" vaut plus que "école", ce qui explique que l'on a soin de préciser, depuis quelques années, que l'école maternelle est une école, évidence qui n'en était pas. L'héritage premier, celui de Pauline Kergomard essentiellement, réside dans cette exaltation du modèle familial au sein de l'institution : l'institutrice se substitue à la mère affectueuse et protectrice, elle doit être, selon l'arrêté fondateur de 1882, une "mère intelligente et dévouée". Elle cultive la spontanéité du comportement maternel face aux jeunes enfants, ce qui s'oppose alors au comportement didactique voire dogmatique des maîtres de l'école élémentaire et traduit le refus d'une instruction prématurée. Pour certains, l'essence de l'école maternelle est encore là ; les apprentissages se font, à l'initiative des enfants et comme de surcroît, dans des activités dites fonctionnelles, provoquées essentiellement par une organisation du milieu dans laquelle l'enfant s'empare de telle potentialité pour agir selon ses envies propres. Cette attitude peut être aujourd'hui confortée par l'accent mis, dans les textes officiels, sur le caractère non-systématique des apprentissages qui sont cependant qualifiés de structurés ; il serait regrettable que d'aucuns traduisent "non-systématique"en "aléatoire".

La place du jeu y est prépondérante. Son triomphe dans l'école maternelle de la troisième République signe la double rupture : avec la salle d'asile d'où la spontanéité était exclue et avec l'école élémentaire, lieu de contention et de sérieux. Quand on use du mot "jeu" à l'école maternelle, on en a aujourd'hui une acception large, puisqu'il s'agit aussi bien de situations (jeux à règles, jeux de langage, jeux symboliques...) que de matériels (jeu des sept familles, jeux électroniques...), voire d'aménagements (coins-jeu qui structurent de manière particulière l'espace de la classe maternelle). Supposé constitutif de la nature enfantine, le jeu est au service du développement. Par les jeux d'imitation, l'enfant s'approprie et les rôles sociaux, acquiert des conduites de base ; par les jeux encore, il s'entraîne, et sans conséquence, puisque l'échec n'existe pas, il stocke des savoirs et des savoir-faire (les jeux éducatifs ont été conçus à cette fin). Il conviendrait sans doute d'être plus précis et de distinguer les conduites d'exploration ou de découverte, prépondérantes chez les enfants de petite section, des jeux stricto sensu qui supposent une initiation et une intégration ou une construction de règles. En ce sens, leur intérêt est indéniable sur le plan de l'éducation de la personne et sur le plan de la communication. Mais le jeu est aussi, et beaucoup, utilisé à l'école maternelle pour installer d'autres activités en les parant de quelques attraits ; la forme ludique est une sorte de transition vers le travail. Pourquoi duper l'enfant, demande une inspectrice générale honoraire(21), longtemps spécialiste des écoles maternelles avant de devenir doyen du groupe de l'enseignement primaire, "comme si toute tâche devait être nécessairement enrobée de sucre pour être acceptable et comme s'il fallait appâter l'enfant comme on ferre un poisson" ? Pourquoi, alors que le désir de "travailler" s'exprime si souvent comme marque de l'aspiration à grandir, y compris à l'école maternelle ?

 

L'école de l'expression et du développement

 

Les années soixante constituent une deuxième période clé : l'école maternelle valorise dès lors les activités d'expression, en particulier dans leurs réalisations plastiques et picturales. L'image que le public a de l'école maternelle est celle d'une école qui abonde de peintures, d'objets décoratifs témoignant des capacités créatrices des enfants. Ce "modèle expressif" articule une conception de l'éducation particulièrement en phase avec celles des milieux favorisés qui utilisent alors l'école maternelle plus qu'ils ne l'ont jamais fait (la période de croissance étant aussi celle du développement du travail féminin) et une conception de l'enfant diffusée dans la vulgarisation des théories psychologiques. Dans cette période qui voit reculer l'âge d'entrée dans la vie active, qui fait plus que jamais de l'enfance une période protégée et déterminante pour la suite du développement, on reconnaît la spécificité et la richesse de la petite enfance, son dynamisme créatif et cognitif.

L'état des connaissances en psychologie met alors l'accent sur la relation de dépendance que l'apprentissage entretiendrait par rapport au développement, celui-ci conditionnant celui-là. Le développement est lui-même influencé par l'abondance et la qualité des interactions entre l'enfant et le milieu ; durant cette période, on fait de l'aménagement de la classe, de la diversité des propositions une variable essentielle dans une bonne pédagogie. L'école maternelle peut et doit enrichir cette phase du développement préalable à celle qui rendra possible les premiers apprentissages. Dans cette logique, la notion de maturité a tout son sens ; on parle de "classes d'attente" entre section de grands et cours préparatoire pour ceux dont le niveau de développement ne semble pas adéquat à l'entrée dans les apprentissages. Un peu plus que la mère dont elle conserve la bienveillance et les gestes maternants, l'institutrice devient une spécialiste de la petite enfance ; dans le même temps, on observe aussi que la mère "se professionnalise" quand elle accède à l'abondante littérature alors disponible. Pour beaucoup, parce que cette école maternelle est leur mythe, l'école maternelle est encore celle-là.

 

Une école où apprendre, pour apprendre

 

Or, tout a changé à l'école maternelle : la durée de la scolarité, la fréquentation, les attentes des usagers, les besoins de l'institution ; elle ne peut plus être seulement cette belle école qui faisait contraste avec la triste "grande école". Les modèles de référence aussi, en psychologie, se sont affinés. De cette approche psychologique spécifique, structurale, qui faisait du niveau de développement une condition stricte de l'apprentissage et une conséquence des interactions entre enfant et milieu, on est passé à une approche plus complexe et plus sociale. Il est aujourd'hui admis que développement et apprentissage s'engrènent l'un sur l'autre, c'est-à-dire qu'un certain niveau de développement est nécessaire pour apprendre mais, aussi, que les apprentissages favorisent le développement. Autrement dit, il ne sert à rien d'anticiper trop et il ne sert à rien de différer jusqu'au point de maturité idéal, d'ailleurs introuvable. Cette conception condamne à la fois l'activisme et l'attentisme ; elle fait place à des approches plus subtiles dans lesquelles il convient de précéder l'enfant juste un peu, c'est-à-dire de mesurer jusqu'où il peut faire plus que ce qu'il fait spontanément. Dans ces modèles de référence, le rôle des relations sociales est pleinement revalorisé, interactions avec des adultes ou avec des pairs, de niveau équivalent ou non, l'intérêt étant différent mais réel dans tous les cas ; les apprentissages des enfants ne procèdent pas du didactisme de l'adulte.

 

Une école plus solidaire de l'école élémentaire

 

Dans les faits (attentes des usagers et de l'institution) et dans la théorie (l'état des connaissances en psychologie, à quoi il convient d'ajouter les fruits des travaux sur la didactique des apprentissages premiers), c'est une autre école maternelle qui est nécessaire. La continuité entre l'école maternelle et l'école élémentaire, à laquelle les textes invitent avec insistance depuis 1977, doit devenir, avec la mise en place de la scolarité par cycles, une plus intime solidarité.

L'abandon d'un mode de gestion de l'école maternelle à part, par le biais de circonscriptions spécifiques avec des inspectrices départementales spécialisées, est une marque institutionnelle de ce rapprochement ; il s'est fait plus progressivement qu'on ne le dit. Dès 1974, la formation spécifique des inspectrices a disparu et la fonction est devenue mixte ; s'il y avait encore des circonscriptions des écoles maternelles, les nouveaux inspecteurs n'avaient pas de spécialisation autre que celle qu'ils acquéraient sur le tas et dans le respect de traditions entretenues par les inspectrices générales des écoles maternelles. Dans les années 1980, déjà des circonscriptions étaient mixtes et si elles le sont toutes devenues depuis 1991, c'est une erreur de fixer à cette date la rupture. Imputer à cette transformation la responsabilité de ce qui serait un déclin procède de l'amalgame. Plus qu'on ne le reconnaît, le regard nouveau porté sur l'école maternelle a contribué à révéler d'autres réalités que les somptueuses écoles-vitrines qui étaient toujours montrées. Il est probable que l'école maternelle ne s'est pas adaptée à toutes les mutations de l'école, qu'elle n'a pas été aidée, peut-être parce que les ressources manquent, sans doute aussi parce que les discours officiels ont entretenu l'ambiguïté, célébrant la tradition de cette école comme pour l'inciter à résister dans le même temps qu'on l'invitait à se transformer.

 

2-2 - Les pratiques aujourd'hui

 

Le pire et le meilleur

 

Entre éloge et dénigrement, les voies de l'objectivité sont étroites. On se plaît à valoriser la richesse des productions des enfants dont l'école est ornée, l'attention portée au développement de la motricité et de la sensibilité, la liberté dont bénéficient les enfants, l'inventivité des maîtres et, surtout, le respect de l'enfant. C'est une école qui tient à distance les normes et les exigences de résultats et c'est bien ainsi, disent certains. Les mêmes s'effraient que l'on puisse parler de programmes et d'évaluation, que l'on implante une pédagogie de l'exercice et dénoncent avec la plus extrême rigueur le "surenseignement" dont la marque se trouve dans la profusion des fichiers et photocopies. D'autres, au contraire, fustigent l'improvisation, les activités purement "occupationnelles", l'absence de règles, le défaut de structuration ; ils redoutent que le dynamisme de l'enfant s'étiole dans un univers répétitif, peu stimulant et qu'avec l'ennui vienne le désintérêt pour la chose scolaire.

Dans toute caricature, il y a du vrai et il est extrêmement regrettable qu'aucune enquête rigoureuse n'ait permis de prendre l'exacte mesure de l'état des pratiques. C'est une lacune à combler au plus vite. Sans doute plus qu'à l'école élémentaire où le cadre réglementaire des horaires et des programmes établit quelques règles dont toutes ne sont pas transgressées, les enseignants prennent des libertés avec leurs obligations, pourtant souplement définies, comme si le fait que l'école maternelle ne soit pas obligatoire les exonérait de contraintes. De fait, la diversité des réalités offre le meilleur et le pire, ce qui donne raison aux contempteurs comme aux zélateurs.

Le pire, c'est le laxisme quant à la gestion des temps sociaux (récréations, moments dits d'accueil, passages aux toilettes collectifs y compris pour des élèves autonomes depuis longtemps, goûters...)(22) ; c'est l'aléatoire total, c'est-à-dire le pouvoir laissé à l'enfant de faire ce qu'il veut de ce qui lui est proposé parce que le maître n'a pas de projet précis ; c'est la répétition d'année en année des mêmes activités sans gradation des objectifs ; c'est la profusion d'exercices vides de sens, sur photocopies ou fiches du commerce, qu'il faut condamner tout autant que pour l'école élémentaire ; c'est l'assignation au silence des bons manieurs de langue qui dérangent l'ordre attendu ou la résignation au mutisme de ceux qui n'ont pas les ressources linguistiques pour prendre la parole (mais ne créent par ailleurs aucune perturbation dans la vie de la classe).

Le meilleur, c'est quand le maître accompagne et stimule l'évolution de chacun et proportionne ses exigences à la diversité des enfants, quand il sait créer des situations qui permettent la joie des difficultés vaincues et la conscience de nouveaux pouvoirs, quand il sait exploiter et canaliser pour les traduire en apprentissages les initiatives et les réalisations des enfants, quand il ne néglige aucune facette du développement, c'est-à-dire quand il fait place aux différents domaines d'activités.

 

Une variété qui masque mal l'uniformité

 

Mais toutes ces caractéristiques positives s'observent rarement. La faiblesse de l'école maternelle, c'est de confondre diversité des activités et adaptation à la diversité des enfants. Sa grande habileté, c'est de masquer sous la variété des propositions d'activités, l'uniformité des exigences. La variété s'expose dans ce qui est devenu la norme pédagogique de cette école : les "ateliers". Cette forme pédagogique consiste en un fractionnement de la classe, chaque groupe étant affecté à une occupation plus ou moins précise, l'un des groupes bénéficiant - dans le meilleur des cas - de la présence du maître alors que les autres fonctionnent "en autonomie", c'est-à-dire librement. Rarement, alors que cette stratégie et la capacité des maîtres à gérer cette situation le permettraient, les propositions sont pensées en fonction d'une évaluation des performances et d'une appréciation des besoins des élèves ; chaque groupe passe successivement dans chaque atelier.

À l'évaluation, abusivement assimilée aux contrôles et à la notation, l'école maternelle est réticente de manière chronique. Pourtant, la mission de prévention qui lui est assignée exige que des observations précises soient effectuées, c'est-à-dire des prises d'information référées à des repères. La sacralisation de l'enfance - "ils ont le temps de grandir", entend-on encore - atteint ses limites lorsqu'on refuse de satisfaire le désir d'apprendre davantage ou quand on abandonne des élèves à leurs difficultés, plus souvent liées à leur situation familiale qu'à des déficiences personnelles. Il faut avoir plus d'ambition pour les élèves de l'école maternelle sans les accabler par des exigences prématurées.

 

Des domaines d'activités inégalement pratiqués

 

Le recul manque pour évaluer la mise en œuvre des domaines d'activités tels que les textes de 1995 les délimitent, car les modifications sont trop récentes, mais les premiers constats conduisent à dire qu'ils sont inégalement traités.

Le domaine "Vivre ensemble" - dont on comprend d'ailleurs mal le statut de domaine d'activités dans le texte officiel, tant il a une validité transversale - est incontestablement présent, le plus souvent de manière diffuse, sans que des objectifs explicites président à la mise en place des situations. Le domaine intitulé "Apprendre à parler et à construire son langage, s'initier au monde de l'écrit" souffre de l'abandon dans lequel a été tenue la pédagogie du langage oral depuis une quinzaine d'années au profit d'une attention presque exclusive à l'initiation à l'écrit qui est abondamment - voire à l'excès - pratiquée. Les registres de l'activité physique, de la découverte du monde et des activités esthétiques sont, par tradition, les points forts de l'école maternelle : cependant s'il se fait des choses, elles sont redondantes la plupart du temps d'une section à l'autre. Dire que des apprentissages se structurent selon une progression construite par les maîtres serait souvent excessif.

Enfin, ce que les programmes de 1995 traitent sous la rubrique des "Instruments pour apprendre" est bien développé, surtout en section de grands. Mais la présentation officielle sous une rubrique à part, c'est-à-dire qui isole les instruments (dessin, écriture, reconnaissance des formes, repérages dans l'espace et dans le temps) des activités qui en requièrent et en motivent l'usage, encourage des pratiques désincarnées, des apprentissages formels, séparés de l'expérience vécue, souvent réduits à des exercices sur fichiers. Ceux-ci sont nombreux maintenant et la production éditoriale ne peut qu'être stimulée par le texte des programmes.

 

Des textes réglementaires flous

 

Le traitement indifférencié du temps scolaire, selon qu'il concerne la scolarité élémentaire ou pré-élémentaire, concourt à l'indétermination du cadre réglementaire. L'article 4 de l'arrêté qui fixe les horaires(23) indique que le temps des récréations est de quinze minutes par demi-journée. C'est, depuis les débuts de l'école obligatoire, la durée des récréations à l'école élémentaire mais elle n'est pas pertinente pour l'école maternelle où habillage, déshabillage et passage aux toilettes demandent un certain temps. Cette inadaptation induit des initiatives plus ou moins heureuses, d'où le laxisme dans la gestion du temps déjà dénoncé. Il conviendrait de clarifier les repères en situant la durée des récréations à l'école maternelle dans une fourchette de temps de telle manière que des rythmes scolaires différents soient signifiés pour les plus petits et pour les grands.

Il est encore plus regrettable que des textes récents - accordés, a-t-on dit, à la scolarité en cycles - cultivent l'ambiguïté et laissent dans le flou, c'est-à-dire à la charge des enseignants, la hiérarchisation des exigences. S'il est explicite qu'une conception progressive des activités doit se substituer à une approche traditionnelle concentrique, les clés pour construire les progressions ne sont pas données. Il serait excessif d'attendre une clarification précise avec des repères annuels ; ceux-ci sont encore plus pernicieux à l'école maternelle qu'ailleurs tant les écarts réels d'âge représentent ici des décalages potentiels importants de développement. Mais il est possible de préciser la dynamique du cycle, la voie selon laquelle doivent progresser les apprentissages. S'abstenir, c'est abandonner cette exigence ou laisser aux auteurs de la littérature pédagogique la responsabilité de régler cette question.

Il n'est pas acceptable en tout cas que l'école maternelle laisse à la seule école élémentaire le soin d'installer, en plus des apprentissages fondamentaux, les conditions de ces apprentissages. De trois ou quatre années de scolarisation conduites par des professionnels de haut niveau de formation, l'institution est en droit d'attendre beaucoup, d'attendre davantage.

 

2-3 - Des priorités pour l'école maternelle

 

Sans forcer le trait et en matière de résumé de ce qui vient d'être développé, on peut dire que l'école maternelle refuse le programme - au sens formel du terme - et sacralise la doctrine pédagogique alors que l'école élémentaire valorise le programme et exige la liberté des choix pédagogiques. L'école maternelle s'est pendant longtemps distinguée par l'attention portée à l'enfant et par la mise en œuvre de projets plus attrayants que les austères leçons de l'école élémentaire. Sans doute est-ce son véritable succès : l'école élémentaire lui a emprunté, de gré ou de force, ces caractéristiques et l'école maternelle a perdu son originalité. Fréquentée de plus en plus largement, de plus en plus tôt et de manière de plus en plus assidue, elle est devenue une école nécessaire sinon indispensable, sans avoir la charge de dispenser une instruction obligatoire ; on ne sait plus identifier vraiment ses apports puisqu'elle touche quasiment tous les enfants alors qu'il était facile de dire ses effets, par contraste, quand nombre d'enfants ne la fréquentaient pas.

Il lui reste cette spécificité de prendre en charge des enfants jeunes, de plus en plus jeunes, mal équipés encore, quand ils arrivent, dans leurs moyens d'expression (langage, dessin...) et dans leurs capacités physiques d'exploration du monde (locomotion, précision des gestes, force...), dans leur résistance physique (besoin de repos) et dans leur représentation d'eux-mêmes et du statut des autres (prénom à peine connu pour certains,"je" non utilisé encore...).

 

Une adaptation très spécifique aux tout petits

 

Tout cela est particulièrement vrai des bambins de deux ans pour lesquels il convient de déployer des stratégies et une organisation particulières. Conformément à la loi du 10 juillet 1989, et parce que l'on en attend des stimulations précoces, en matière de langage surtout, le développement quantitatif de l'accueil de ces tout petits est à encourager dans les zones défavorisées en premier lieu (zones d'éducation prioritaires et milieu rural) ; la coopération de partenaires extérieurs (assistantes sociales, associations de quartier...) pour informer et convaincre des familles encore réticentes aujourd'hui est parfois une médiation utile. Mais l'approche ne peut être uniquement quantitative ; il faut que l'accueil soit aussi amélioré en qualité. Au moment de l'inscription des nouveaux élèves (en général, en juin de l'année scolaire précédant la rentrée), un dialogue doit s'instaurer avec les parents permettant de leur expliquer les objectifs de l'école et informant l'équipe pédagogique de la réalité que vivent les enfants accueillis ; une visite de la classe complète de manière très utile ces premières indications, parce qu'elle est sans doute plus suggestive que des paroles. Le choix de l'enseignant titulaire de la classe qui accueille les "nouveaux arrivants" à l'école doit être débattu à l'intérieur de l'équipe pédagogique ; celle-ci doit également réfléchir à la répartition des élèves inscrits entre les classes, en considérant les modulations possibles selon les moments et les activités. Un assouplissement des horaires pour les très jeunes enfants est à envisager, en acceptant, par exemple, un retour à l'école après la sieste à la maison ; des règles claires, inscrites dans le règlement intérieur de chaque école, doivent rendre l'adaptation compatible avec des exigences de qualité de la prise en charge, en particulier en ce qui concerne la régularité de la fréquentation, y compris l'après-midi et le samedi matin, pour les tout petits comme pour les autres.

La création de classes maternelles de plein exercice en milieu rural(24) est de nature à améliorer l'accueil des enfants de deux ans, peu (souvent mal) pris en charge actuellement même s'ils sont inscrits dans des classes multi-niveaux qui comprennent des sections élémentaires, en dépit de la réglementation(25). Les inspecteurs d'académie - directeurs des services départementaux de l'éducation nationale - devraient développer, à cette fin, une concertation avec les élus locaux pour que les conditions de l'accueil s'améliorent (locaux et équipements adaptés, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles en nombre suffisant).

L'entrée des élèves nouveaux à l'école maternelle ne devrait pas s'échelonner au-delà de Noël. Une collaboration avec les partenaires concernés devrait viser au maintien en crèche jusqu'à la fin de l'année scolaire des enfants qui y sont accueillis en septembre et qui atteignent leurs trois ans entre janvier et juin, c'est-à-dire au maintien au-delà de l'âge de trois ans. Le protocole d'accord interministériel relatif à la petite enfance(26) établit des bases de travail avec d'autres structures d'accueil des jeunes enfants qui méritent d'être réactivées.

 

Des parcours d'apprentissage

 

Sans nier les spécificités - ce serait nier les enfants qui lui sont confiés - l'école maternelle doit aujourd'hui offrir à ses petits écoliers un cursus utile à tous points de vue : utile à leur développement harmonieux, utile à la conquête d'un nouveau statut, utile au perfectionnement des langages fondamentaux qui seront fortement sollicités au cours préparatoire. Organiser des parcours d'apprentissage qui permettent aux enfants de se voir grandir, d'éprouver de nouvelles acquisitions suppose de se donner des repères sinon d'ordonner strictement des itinéraires.

Dans le cadre défini à la fois par les programmes (domaines d'activités) et par le répertoire des compétences de fin de cycle, les équipes pédagogiques doivent préciser le projet pédagogique du cycle I en identifiant mieux les finalités et dominantes de chaque section ou classe. Les parcours d'apprentissage à organiser doivent respecter les exigences du développement global de l'enfant tout en favorisant les acquisitions ; les activités sont à penser de telle manière qu'elles marquent une progressivité (trajectoire dynamique avec les indispensables "retours"). Il s'agit de faire en sorte que les variations de niveau ne soient pas introduites par les enfants du seul fait qu'ils grandissent mais, intentionnellement, par l'enseignant en fonction des besoins et des acquis identifiés avec un souci d'objectivité.

À l'intérieur de chaque section ou classe, la différenciation des objectifs et des modalités de travail en fonction des besoins identifiés des élèves doit permettre non seulement d'aider à surmonter des difficultés et de prévenir des échecs mais aussi d'éviter l'ennui et de conforter l'envie de grandir. Il ne s'agit pas d'envisager une différenciation permanente et de prôner une individualisation absolue. On visera cependant, avec l'aide d'autres acteurs, les enseignants spécialisés en particulier, la personnalisation des interventions auprès des enfants les plus fragiles. On ne condamnera pas non plus ceux qui veulent et peuvent aller plus loin à l'immobilisme et à l'ennui sous prétexte que certains de leurs camardes ne peuvent pas encore faire.

Cette différenciation verticale (entre sections) et horizontale (dans une classe) ne peut se mettre en place que si se développent d'abord une réelle concertation entre enseignants, ensuite une pratique régulière de l'évaluation à l'école maternelle. Compte tenu du discrédit entretenu par des présentations caricaturales ou démesurément exigeantes de l'évaluation, il convient de clarifier le propos, et c'est réalisable aujourd'hui en fonction de ce qui existe, en précisant les formes qu'elle peut revêtir selon l'âge des enfants et le domaine d'activités considéré. Il faut en particulier exclure les formes d'évaluation sauvage : il se tient des discours prédictifs souvent très pessimistes, et qui n'ont pas lieu d'être, sur les très jeunes enfants.

La mission qui est assignée à cette école de contribuer au dépistage et au traitement des difficultés exige que les maîtres aient des références sur ce qui peut être attendu, de manière réaliste, à telle ou telle étape du développement. Il convient d'entreprendre, au niveau national, un travail d'explicitation des "indicateurs d'alerte", des "points de vigilance particuliers" afin que les équipes pédagogiques disposent de repères partagés quant à des "niveaux d'exigence" ; mutatis mutandis, la distinction élaborée dans le cadre des évaluations nationales en classes de CE2 et de 6ème entre des compétences dites de base et des compétences approfondies et remarquables devrait être reprise ici. Cela ressortit à une culture de la petite enfance d'une part et à une culture de l'évaluation d'autre part.

Des bilans explicites d'activités et d'acquis sont la condition indispensable à la liaison avec le cours préparatoire afin que celui-ci continue de développer les compétences en cours d'acquisition, s'appuie sur les acquis installés, mette en place la pédagogie qui, à la fois, permette aux enfants qui ont commencé des apprentissages de les poursuivre sans ces redondances qui sont source d'ennui, et s'adapte à ceux qui, légitimement moins avancés, ne doivent pas être confrontés trop tôt aux mêmes exigences. Une évaluation instaurée à l'entrée du cours préparatoire s'avère nécessaire pour pallier le déficit actuel de communication, pour révéler les acquis négligés trop souvent et, ainsi, instaurer une continuité ; on y reviendra dans le chapitre suivant.

 

La maîtrise du langage oral : une exigence fondamentale

 

Deux domaines sont absolument essentiels pour l'équilibre de l'enfant et pour son devenir d'écolier. La maîtrise du langage oral (autant qu'on peut l'attendre à cet âge) et une première approche de la langue écrite constituent le premier registre de priorités. En matière de langage oral, tout enfant accédant à l'école élémentaire doit être en mesure de se faire comprendre dans toutes les circonstances de la vie de l'école et doit aussi être en situation de comprendre le langage du travail scolaire, celui des consignes les plus usuelles. À défaut d'une syntaxe riche, la structuration en phrases devrait être bien établie et les erreurs de prononciation corrigées ou en cours de disparition, les aides extérieures ayant été mises en place antérieurement si nécessaire. L'oral aura donc été travaillé, utilisé dans des situations nombreuses, répétées pour certaines, et dans des moments spécifiques qui auront permis une première prise de distance, des constats sur le fonctionnement linguistique. Le passage à l'écrit favorise l'accès à une attitude de questionnement sur la langue en général et a des conséquences positives sur l'exploration de l'oral. L'écoute aura été affinée ; les mots et les syllabes auront une existence dans la conscience de l'enfant et les sons commenceront à en avoir une, même si leur repérage est plus implicite que conscient, attesté par la réussite avérée dans des jeux de langage (rimes, allitérations...).

L'écrit aura été exploré : dans sa dimension textuelle par les lectures faites par l'adulte, dans ses réalisations matérielles diverses (les occasions de les utiliser en situation étant nombreuses, dans les jeux pour découvrir une règle, dans les activités plus rituelles comme la cuisine...), dans sa réalisation graphique pour ce qui est des mots d'usage fréquent - prénoms, jours de la semaine, articles et quelques prépositions - qui peuvent être acquis sans "surenseignement". Pour ces mots, la maîtrise de leur forme graphique ne saurait se faire dans la fantaisie ou le laisser-aller tant les mauvaises habitudes sont difficiles à perdre ultérieurement (habitudes de posture et de tenue de l'outil scripteur, geste graphique). Concourent à cette maîtrise progressive de la langue les modèles fournis par les adultes qui, tous (enseignants, aides-éducateurs, agents spécialisés...), doivent être sensibilisés à leur fonction d'exemple : dans les échanges quotidiens avec leur variété de formes voire de niveaux, dans les lectures réalisées à haute voix, dans les voix et les textes donnés à entendre...

La situation des enfants de familles non-francophones et de familles en situation de grande précarité doit faire l'objet d'une prise en compte particulière dès la section des petits et tout au long du cursus ; c'est sans doute d'une plus grande vigilance, de séquences très adaptées qu'ils doivent bénéficier, mais il ne s'agit pas, par une sollicitude mal placée, d'en faire un groupe à part. Beaucoup d'études démontrent le bien fondé de l'hétérogénéité pour obtenir de bons résultats, et donc atteindre à une plus grande efficacité. La recherche didactique et pédagogique devrait être sollicitée pour fournir aux maîtres des indications d'activités pertinentes, voire des informations sur les caractéristiques de la langue maternelle parlée par les enfants et les difficultés qu'elles peuvent générer(27).

Les acquisitions ne seront pas uniformes au terme du parcours parce que le point de départ est loin d'être identique pour tous, parce que les différences d'âge (et de maturité) sont importantes pour une même année de naissance et parce que l'accompagnement familial ne relaie pas de manière égale le travail de l'école ; quelques-uns sauront lire, d'aucuns auront compris les principes qui permettent de lire et d'autres n'en seront qu'au début d'une perception analytique des formes sonores. On ne saurait faire mieux ici que de citer à nouveau M.-C. Rolland :

"La loi d'orientation de 1989 a décidé de l'organisation de la scolarité en cycles. La grande section fait partie du cycle des apprentissages fondamentaux en même temps qu'elle achève le cycle des apprentissages premiers. En cela, la réglementation épouse la réalité des classes : la lecture commence dès qu'une page est présentée à un enfant, dans le plus humble des abécédaires ; elle se poursuit dans toutes les rencontres avec l'écrit et notamment dans les essais d'élaboration de textes que font les enfants. Elle est impliquée dans tous les contes entendus, les histoires écoutées, les livres lus par l'adulte. Il serait paradoxal de décréter qu'elle ne peut aboutir, c'est-à-dire qu'elle ne peut se muer, dès l'école maternelle, en authentique lecture, adaptée aux possibilités des enfants et se poursuivre dans l'année suivante du cycle. Il serait contraire à l'esprit des cycles qu'il n'en soit pas ainsi : ce serait revenir à une séparation entre les deux écoles, leur conférer des finalités différentes, rompre la continuité d'un développement qui a été voulu étalé sur trois ans. Plus que tout, ce serait frustrer - au nom de quoi ? beaucoup d'enfants. Certains enfants n'auront ni le goût ni la maturité pour commencer à lire en grande section, cela est prévu et était déjà rappelé dans le texte d'orientation de 1986 qui précisait qu'à la fin de la grande section il fallait accepter une hétérogénéité des niveaux. D'autres auront entamé le processus, d'autres, en moindre nombre sans doute, sauront lire - c'est-à-dire lire des textes adaptés à leur âge"(28).

 

Devenir élève : la socialisation scolaire

 

L'autre registre de priorités concerne la socialisation, comme on l'a dit longtemps, ou la conquête du statut d'élève, comme on le dit souvent aujourd'hui. Ce sont deux approches articulées même si elles ne sont pas exactement superposables. Par socialisation, on entend de façon commune et simple l'appropriation des règles, des conventions, des habitudes qui permettent l'existence en collectivité ; de fait, le milieu scolaire, même à l'école maternelle, n'est pas le milieu familial ou celui de la crèche. Il doit éduquer progressivement, par son aménagement physique, par les temps qui le rythment, par les règles que l'on y respecte, au fonctionnement plus strict qui sera celui de l'école qui instruit selon un programme obligatoire, école qui a d'autres contraintes. Dès leur scolarisation préélémentaire, les enfants gagnent aussi à être mis en situation d'exercer des rôles sociaux divers à l'égard de camarades plus jeunes ou moins habiles : fonctions d'aide dans les temps sociaux, fonctions de tutorat dans les apprentissages ou les jeux de règles... Ces interactions sont bénéfiques en un double sens : elles développent des savoir-faire et elles initient à la solidarité.

Mais il y a plus et, selon une formule empruntée, la socialisation est de manière plus profonde le "processus par lequel on apprend à se regarder comme un parmi d'autres", c'est-à-dire à coexister, à prendre de la distance par rapport à ses désirs immédiats, à se considérer avec un minimum d'objectivité, presque du point de vue d'un autre. Aussi importante que dans la société, cette attitude est requise pour le travail scolaire : dès le cours préparatoire, il faut que l'enfant se sente concerné, personnellement, par les consignes collectives, par les leçons... c'est-à-dire qu'il doit pouvoir s'impliquer sans avoir à être interpellé nommément. Cette attitude qui se construit, parce qu'elle oblige à des renoncements, exige que des situations soient créées pour que les contraintes apparaissent (activités menées à leur terme quand elles ont été choisies, tâches effectuées selon certaines règles, silence...). Elle est aussi cultivée chaque fois que les enfants sont confrontés à l'évaluation de leurs productions selon des critères rigoureux (telle lettre se forme ainsi...). Sans anticipation exagérée, cela signifie que la section de grands aménage son temps, son organisation, ses exigences pour préparer pleinement à ce qui est rendu nécessaire par la mission du cours préparatoire, ce qui ne signifie pas que cette classe est elle-même organisée comme un cours moyen.

 

Une formation initiale et continue adaptée

 

Ainsi qu'on vient de le développer, la spécificité de la scolarité pré-élémentaire est bien réelle ; la profession d'enseignant n'exige sans doute ni les mêmes connaissances, ni les mêmes compétences exactement, selon qu'elle s'exerce au début du cycle I et à la fin du cycle III. 40 % des maîtres de l'école primaire pratiquent dans des classes maternelles et les changements d'affectation, de l'école maternelle vers l'école élémentaire ou inversement, ne sont pas très importants, ce qui atteste de choix assez nets en faveur d'un niveau plutôt que de l'autre. Se préoccuper de la place réelle de la scolarisation préélémentaire dans la formation constitue une première étape dans la gestion de la ressource humaine dévolue à l'enseignement primaire.

Alors que les approches épistémologiques et didactiques des champs disciplinaires semblent avoir conquis une place prééminente dans la formation du fait de ses caractéristiques universitaires, la part des préoccupations plus pédagogiques, voire des considérations d'organisation, relatives à la scolarité des petits risque d'être insuffisante si des aménagements ne sont pas rapidement introduits. Il ne servirait à rien d'investir plus de moyens pour une scolarité précoce si ceux qui en ont la responsabilité ne disposent pas des compétences pour la rendre féconde.

Déjà des directives ont été données pour que des sujets relatifs à l'école maternelle soient proposés de manière systématique lors du concours de recrutement des professeurs des écoles ; cette exigence, qui concerne aussi bien les épreuves d'admission que d'admissibilité, est de nature à faire prendre en considération les premiers apprentissages, voire des préliminaires aux apprentissages, dans les divers champs disciplinaires. Il conviendra de s'assurer que cette instruction a été suivie d'effets.

L'hypothèse d'une formation à dominante devrait être mise à l'étude. Cette formation consisterait, pour les professeurs des écoles qui feraient le choix de la dominante École maternelle, en un approfondissement des connaissances spécifiques dans un module complémentaire au module École maternelle du tronc commun de formation ; par ailleurs, des stages au niveau du cycle I devraient être privilégiés durant la deuxième année. Il s'agirait, non d'une spécialisation, mais d'une différenciation des parcours de formation, dont les affectations dans un premier emploi devraient tenir compte dans la mesure du possible. Ceci obligerait à adapter les procédures actuelles mais les premiers examens de faisabilité qui ont été effectués avec des inspecteurs d'académie n'ont pas invalidé cette hypothèse de travail.

Pour organiser une telle formation, des précisions de l'actuel référentiel(29) des compétences professionnelles du professeur des écoles en fin de formation initiale seraient utiles tant les formulations sont larges et peu opératoires. Parce que les enseignements n'ont pas le même caractère didactique au cycle I qu'à l'école élémentaire, parce que les élèves ont à acquérir - par la pratique répétée et diversifiée - des savoir-faire beaucoup plus que des savoirs, la capacité des maîtres à créer et à faire évoluer des situations d'apprentissage (et non à conduire des leçons) doit être très entraînée. L'aptitude à comprendre les conduites des élèves, à apprécier le niveau de leurs réponses verbales ou motrices pour les faire progresser est également fondamentale. Il faut, pour cela, avoir des repères sûrs en ce qui concerne aussi bien les caractéristiques du développement que les savoirs théoriques disciplinaires. Ces savoirs théoriques servent, en effet, plus à l'analyse des observations effectuées ou des productions collectées qu'à la "transmission" : s'il est nécessaire d'avoir des connaissances claires sur le fonctionnement de la langue, ce n'est pas pour enseigner la phonologie ou la grammaire, mais pour penser des séquences permettant de développer la conscience phonologique ou d'améliorer la structuration syntaxique dans l'expression orale, par exemple.

Les formes de l'évaluation, les principes qui président à l'élaboration des parcours d'apprentissage adaptés, au sein des projets d'école, sont également des éléments indispensables d'une formation spécifique. Les modalités d'organisation de l'espace et du temps ne sont pas des aspects mineurs non plus. Enfin, dans les départements ruraux, la gestion des classes maternelles multisections doit être particulièrement étudiée.

Cette formation doit se construire à partir d'observations de pratiques, de mises à l'épreuve au moins autant que par des approches spéculatives ; la part qu'ont à y prendre les maîtres formateurs praticiens est donc essentielle.

Au-delà de la formation initiale, la place relative aux enseignements pré-élémentaires dans les plans de formation continue doit être revalorisée ; il ne serait pas excessif qu'elle représente un quart des actions proposées. De même, les animations pédagogiques ne peuvent ignorer les besoins spécifiques de cette première école.

 

2-4 - Synthèse des propositions

 

Faire établir un rigoureux état des lieux de la scolarité pré-élémentaire.

· Faire porter l'enquête et le bilan sur :

- l'état des effectifs et de la fréquentation,

- la qualité des conditions matérielles de fonctionnement,

- l'état de la pédagogie (mise en œuvre des programmes, évaluation et prise en compte des différences et des difficultés),

- la place accordée à la scolarisation pré-élémentaire dans la formation initiale et continue des enseignants de l'école primaire.

· Exploiter les enseignements tirés de cet état des lieux pour fonder des améliorations des conditions de la scolarité pré-élémentaire.

Conforter l'effort quantitatif entrepris en faveur de l'accueil des jeunes enfants et promouvoir partout la recherche d'une plus grande qualité.

· Poursuivre l'effort de scolarisation des enfants de deux ans en milieu défavorisé.

· Favoriser, en milieu rural, la création de classes maternelles de plein exercice, seule façon d'accueillir de jeunes enfants en respectant leurs besoins.

· Mobiliser la réflexion des équipes pédagogiques sur la communication avec les familles, sur l'aménagement des locaux, sur le choix de l'enseignant et sur l'assouplissement des horaires, pour l'accueil des enfants de deux ans.

Renforcer et préciser, par la diffusion de documents d'accompagnement des programmes, deux priorités pour la scolarité pré-élémentaire : la maîtrise du langage oral et la socialisation scolaire.

· Mettre davantage l'accent sur le double objectif auquel doivent concourir la pratique de la communication orale et la première approche du fonctionnement de la langue : l'enrichissement du bagage linguistique de chaque enfant et l'installation d'une attitude analytique vis-à-vis de la langue, en particulier d'un point de vue phonologique. Préciser des modalités de l'action pédagogique pertinentes par rapport à cet objectif.

· Susciter des recherches sur les premiers apprentissages du français par les enfants issus de familles non-francophones en milieu scolaire.

· Rappeler la nécessité d'une détection et d'une prise en charge précoces des difficultés de langage et de communication.

· Insister sur la progressivité des exigences en matière de rythmes et de règles de la vie scolaire, de régulation explicite des comportements, pour que la scolarisation préélémentaire favorise l'intégration des attitudes indispensables pour entrer dans les apprentissages structurés et systématiques du cours préparatoire.

Promouvoir, dans les projets de cycle I, l'élaboration de réels parcours d'apprentissage.

· Préciser le répertoire des compétences à construire durant le cycle I et veiller à sa mise en adéquation avec le texte des programmes.

· Fournir des repères pour l'évaluation et des "indicateurs d'alerte" pour favoriser la prévention des difficultés.

Faire une place plus grande à la scolarité pré-élémentaire dans la formation initiale et continue des enseignants.

· Mettre à l'étude l'hypothèse d'une formation initiale à dominante École maternelle par différenciation des parcours de formation (et non par une spécialisation).

· Préciser le référentiel des compétences professionnelles du professeur des écoles en fin de formation initiale pour aider à cette différenciation de la formation.

· Demander que le quart des actions proposées dans les plans départementaux de formation continue soient spécifiques à la scolarité pré-élémentaire (objectif à atteindre en trois ans).

· Faire pleinement participer les instituteurs maîtres formateurs à ce développement qui ne peut seulement s'appuyer sur des approches théoriques

Notes

(1) Note SH : Il n'est pas très équitable - ni très honnête intellectuellement - d'exécuter l'œuvre scolaire de la IIIe République aussi abruptement. Une France rurale à 80 %, dont les rejetons ne parlaient guère français qu'à l'école quand ils la fréquentaient - car leurs parents les pensaient plus utiles dans les travaux des champs - ne pouvait évidemment produire les résultats que nous connaissons aujourd'hui. Mais cette France-là envoyait tout de même environ 20 % des élèves de dix-onze ans dans le circuit secondaire (qui n'était pas seulement alimenté par le système des "petits Lycées"), ce qui dément le "pratiquement pas" qui nous est asséné. Quant aux résultats, obtenus dans des classes, de plus, aux effectifs souvent effarants (j'ai trouvé dans les archives le rappel d'une classe de 115 élèves !), eh bien ils n'avaient rien de ridicule, tout au contraire, si j'en crois le rapport officiel (encore un !) "Connaissances en français et en calcul des élèves des années 20 et d'aujourd'hui - comparaison à partir des épreuves du Certificat d'Études primaires" (le numéro 62 - février 1996 - de la revue Éducation & Formations, - Ministère de l'Éducation nationale, direction de l'évaluation et de la prospective). On pourra consulter sur ce thème, et sur le même site, le texte "Tout fout le camp !". J'ajoute in fine que cette France-là avait aussi appris à ses rejetons à tirer - oui à tirer, à l'école primaire et au sein des bataillons scolaires ! - ce qui a entraîné que nous ne fûmes pas, en 1914 - et n'en déplaise aux pacifistes bêlants - aussi nuls, ni aussi lâches, qu'en 1940...
(2) Pour ces analyses, deux sources d'information sont disponibles :
- le numéro spécial de la revue Éducation & Formations consacré au système éducatif en milieu rural (n° 43, octobre 1995 - Ministère de l’Éducation nationale, direction de l'évaluation et de la prospective),
- le rapport établi pour la direction de la prévision du ministère de l'économie par A. Mingat et C. Leroy-Audouin : L'école primaire rurale en France : structure des classes, efficacité pédagogique et intégration au collège. Ce rapport signale un effet positif différé des classes à plusieurs cours, effet qui se marque en particulier par de moindres redoublements en fin de 6ème des collégiens ayant fréquenté ces classes. L'interprétation met en exergue trois facteurs : l'optimisation du temps scolaire, le fort encadrement exercé par le maître et le développement plus grand de l'autonomie, induits par la structure de ces classes.
(3) Pour l'évaluation de 1995, les différences entre performances moyennes brutes (français + mathématiques) sont de l'ordre de 30 points en CE2 (minimum : 112 / maximum : 142) et de 40 points en 6ème (100 / 140). (Source : La géographie de l'école, n° 5, mars 1997 - Ministère de l’Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche).
(4) Les informations pour l'année scolaire 1996-1997 sont incomplètes, car la grève administrative d'un nombre significatif de directeurs d'école n'a pas permis le recueil des données de base à la rentrée 1996.
Note SH : on trouve dans l'École Libératrice (organe du SNI), et pour l'année 65-66, les données suivantes : CP, 15 à 25 % ; CE1 : 25 à 30 % ; CE2 : 30 à 35 % ; CM1 : 30 à 40 % ; CM2 : 40 à 50 %. Avec, entre autres commentaires, cette phrase : "La première faute, qui est le plus souvent commise, c'est de distribuer à tous le même enseignement réglé sur un élève-type standard" (n° 28 bis, avril 1967). Rien de nouveau sous le soleil...
(5) Ministère de l’Éducation nationale - D.E.P. - Notes d'information n° 97-23 et n° 97-24 - Mai 1997.
(6)Ministère de l’Éducation nationale - D.E.P. - Repères et références statistiques - Édition 1997.
(7) Ministère de l’Éducation nationale - D.E.P. - Note d'information n° 97-01 - Janvier 1997 : "Niveau d'acquisition à l'entrée en 6ème et réussite en collège" (étude portant sur une cohorte de 27 000 élèves entrés en 6ème en 1989).
(8) J.-P. Chevènement, Préface - Programmes et instructions pour l'école élémentaire - C.N.D.P., 1985 - pp. 9-10.
(9) Source : Direction des Écoles.
(10) Ministère de l’Éducation nationale : D.E.P. - Notes d'information n° 96-45 - Novembre 1996 et n° 98-12 - Mai 1998.
(11) Source : Repères et références statistiques.
(12) Les données citées dans cette énumération émanent de la direction des écoles et concernent l'année scolaire 1996-1997.
(13) Note SH : Pour la petite histoire, nous rappellerons ici que lorsque le Ministre J. Fontanet avait mis en place (en 1972) le système des "instituteurs-remplaçants", il avait prévu qu'une fois monté à pleine charge, ce corps comprendrait 7 000 postes. Nous en sommes aujourd'hui à plus du triple. Chacun pourra ainsi méditer sur les cris d'orfraie qui accueillirent la sortie (pas très élégante, c'est vrai) du Ministre Cl. Allègre à propos de l'absentéisme des enseignants...
(14) Les effets du moratoire sur les écoles à classe unique. Rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale - Juillet 1996.
(15) L'opération "100 livres pour les écoles" mise en place en 1989 s'est poursuivie sur plusieurs années.
(16) Ministère de l’Éducation nationale - D.E.P. - L'état de l'école - Édition 1997.
(17) Nous souscrivons pleinement à l'analyse d'A. Legrand qui, soulignant "le caractère idéologique du traitement des questions d'éducation", distingue quatre caractéristiques : "la prééminence du magique sur le rationnel", "la prééminence de l'événementiel sur le structurel", "la prééminence du procédural sur le substantiel" et "la prééminence de l'interne sur l'externe", in "L'éducation nationale en transition ?" Introduction au numéro spécial de la Revue française d'administration publique, n° 79, 1996 - p. 440.
(18) Il faut rappeler que les écoles maternelles ne sont pas les seules structures de scolarisation pré-élémentaire ; les élèves peuvent également être accueillis dans une classe maternelle implantée dans une école élémentaire ou dans une section enfantine intégrée dans une classe à plusieurs niveaux (dans ces deux derniers cas, quand l'école accueille des enfants d'âge pré-élémentaire et d'âge élémentaire, on parle d'école primaire).
(19) Voir en annexe 3 une analyse de 100 bulletins d'inspection effectuée à titre de première approche et pour vérifier certaines intuitions.
(20) J.-P. Jarousse, A. Mingat, M. Richard, "La scolarisation maternelle à deux ans : effets pédagogiques et sociaux" - Éducation & Formations, n° 31, avril-juin 1992.
(21) M. C. Rolland, Enseigner aujourd'hui à l'école maternelle - Ellipses, 1994 - p. 98.
(22) Une étude conduite dans 60 classes de grande section met en évidence la très forte distorsion qui existe d'une classe à l'autre dans l'utilisation du temps consacré aux apprentissages prévus par les textes. En effet, les activités dites sociales (accueil, récréation, habillage, sieste, goûter, rangements, passage aux toilettes) y occupent en moyenne 12,8 heures (avec des écarts entre 10,1 heures et 15,5 heures pour 80 % des classes considérées, et des écarts encore plus grands pour le cinquième des classes) et les activités scolaires en moyenne 14,2 heures (de 10,8 heures à 17,6 heures pour 80 % des classes) - B. Suchaut, Le temps scolaire : allocation et effets sur les acquisitions des élèves en grande section de maternelle et au cours préparatoire - Thèse soutenue en janvier 1996.
(23) Arrêté du 22 février 1995 fixant les horaires des écoles maternelles et élémentaires.
(24) Rappelons que l'école maternelle est une école "conventionnellement obligatoire", c'est-à-dire qu'elle ne devient une obligation pour l'Etat et la collectivité territoriale que lorsqu'une décision conjointe de création a été prise selon les voies réglementaires.
(25) "En l'absence d'école ou de classe maternelle, les enfants de cinq ans dont les parents demandent la scolarisation sont admis à l'école élémentaire dans une section enfantine afin de leur permettre d'entrer dans le cycle des apprentissages fondamentaux (...)" - Article 2 du décret n° 90-788 du 6 septembre 1990. Ainsi qu'on le voit, la scolarisation n'est pas prévue avant cinq ans quand il n'y a pas de classe maternelle spécifique. L'inscription d'enfants plus jeunes contribue à faire nombre et, assez souvent, à préserver les classes de la fermeture, ce qui n'est pas la meilleure façon de penser les intérêts des élèves, de tous les élèves, les plus jeunes et les autres.
(26) Protocole d'accord du 20 septembre 1990.
(27) L'oreille étant formée à entendre certains sons et pas d'autres, la perception de certains éléments du français peut être difficile ; de même, des caractéristiques syntaxiques ou sémantiques de la langue première peuvent avoir une influence sur la structuration du langage en français.
(28) M. C. Rolland, op. cit. - p. 146.
(29) Ce référentiel constitue l'annexe III de la note de service du 16 novembre 1994 portant recommandations relatives au concours de recrutement de professeurs des écoles.

 

 


 

 

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