Sans posséder le caractère solidement réfléchi du rapport "Ferrier" - puisqu'il s'agit ici d'un "simple" compte-rendu d'enquête, le rapport de l'Inspection générale concernant les outils des élèves à l'école primaire revêt à mes yeux une importance qui est généralement passée inaperçue.
Au-delà du simple constat, il apporte pourtant des éclairages d'une grande acuité, et les "recommandations" qui clôturent chaque partie mériteraient largement de devenir des instructions à part entière. Une sorte de garde-fou d'une impérieuse nécessité.
S'il est très lucide au sujet du médiocre impact de la loi dite d'orientation sur les pratiques des maîtres, ou plus particulièrement sur l'insuffisante entrée dans les mœurs, de la politique des cycles, on pourra lui reprocher d'être bien tendre avec les incroyables dérives que connaît l'école d'aujourd'hui, au premier rang desquelles, naturellement, il convient d'inscrire le "photocopillage", signe évident d'une attitude assez généralisée de fainéantise, et d'impréparation de la classe. Mais il est équitable de reconnaître que ce n'est pas le rôle de l'Inspection générale, de taper du poing sur la table, d'autant plus que, dans le corps enseignant plus que dans toute autre organisation de travailleurs, le désir collectif d'être traité gentiment, pour reprendre l'admirable formule de Jean-François Revel, constitue l'aspiration ultime, depuis certain mai 68.
Sans y toucher, ce texte est donc un instrument de réflexion - et d'incitation à l'action - de première grandeur.

 

Octobre 1998

 

 

RÉSUMÉ

 

À la fois banals et relativement mal connus, bons révélateurs des pédagogies mises en œuvre, les outils de l'élève à l'école primaire font ici l'objet d'une étude approfondie, assortie de recommandations destinées aux maîtres et à l'encadrement. Après une brève présentation du contenu et de la méthodologie, le texte s'organise en trois grands chapitres.

Le premier, les outils collectifs de la classe, aborde en premier lieu l'organisation de la classe, aussi bien à l'école maternelle, où la lisibilité de l'organisation spatiale est essentielle, qu'à l'école élémentaire qui reste marquée dans ce domaine par un certain classicisme. Suit une analyse exhaustive des différents outils de la classe et de leur utilisation : tableau, cartes, horloge, globe et affichages divers, puis bibliothèques centres documentaires, matériels audiovisuels et outils informatiques, encore très hétérogènes et peu mis en réseau. Sont abordés enfin le matériel de sciences et technologie, trop souvent rare, hétéroclite ou absent, les jeux éducatifs et les matériels d'éducation physique, dont la situation apparaît meilleure mais elle aussi assez hétérogène, comme celle des instruments et matériels de musique et d'arts plastiques, les classes maternelles étant généralement mieux traitées que les classes élémentaires, les écoles urbaines que les écoles rurales.

Ce constat nuancé est accompagné de quelques recommandations simples. D'abord renouveler progressivement les outils pédagogiques utilisés dans la classe - en hiérarchisant les besoins - et vérifier que le mobilier est adapté à la morphologie des élèves. Ensuite, associer les élèves à l'élaboration et à l'utilisation des outils de travail dans la classe, les amener à manipuler et à expérimenter, quel que soit le niveau ou le domaine considéré et leur faire utiliser tous les outils dont la classe dispose. Enfin, sensibiliser les maîtres à l'utilisation pédagogique d'outils documentaires ainsi que de l'ordinateur, en liaison avec les apprentissages et en cohérence avec les objectifs éducatifs. La formation continue, l'animation et les réseaux de compétences ont dans ce domaine un rôle clé à jouer, qu'il ne faut pas négliger.

Le second chapitre traite des outils individuels de l'écrit. Un rapide tour d'horizon met en parallèle l'individualisation progressive des disciplines et l'augmentation du nombre d'outils individuels de l'élève ; il souligne, ici encore, la très grande variété des situations et les écarts qui les marquent, aussi bien en ce qui concerne les cahiers consacrés aux disciplines qu'en ce qui touche aux outils "transversaux", cahiers d'évaluation, de textes, de brouillons, etc. D'une façon globale, il apparaît indispensable de définir de manière cohérente et réfléchie le rôle et la nature des différents cahiers et classeurs utilisés par les élèves ; le conseil des maîtres est le lieu de cette réflexion.

Deux outils apparaissent plus problématiques : le classeur et les photocopies. Le constat qui est fait de leur utilisation amène à formuler des recommandations : réduire de manière significative la place des photocopies, encourager une pratique assidue de l'écriture sur les cahiers et de la lecture dans les manuels et les livres. Plus généralement, il apparaît indispensable de réhabiliter dans les classes l'utilisation des manuels dans tous les domaines où ils existent, et de conduire des animations pédagogiques sur l'organisation, la tenue, le contenu et la correction des cahiers et classeurs. Pourquoi, enfin, ne pas associer très tôt les élèves à l'utilisation de leur livret d'évaluation ?

De l'école à la maison : les outils de liaison et le cartable, forme le troisième chapitre qui montre que l'information des parents est éminemment perfectible. Une étude approfondie des cartables des élèves, de leur poids et de leur contenu donne matière à une réflexion collective ainsi qu'à une concertation suivie entre parents et maîtres. À ces derniers, il serait utile de rappeler que l'école est gratuite et qu'ils doivent limiter au strict minimum les demandes formulées auprès des familles concernant l'équipement individuel de leurs élèves.

En conclusion, l'utilisation raisonnée des outils de la classe et des élèves est un enjeu de première importance, trop souvent traité de façon implicite. Les maîtres n'ont pas tous clairement conscience que ces outils sont utiles à la construction des compétences des élèves et au développement de leur activité et de leur initiative. D'où des recommandations en direction des maîtres, des inspecteurs d'académie, des IEN et de l'administration centrale.

En annexe, figurent les caractéristiques techniques de l'enquête et les protocoles utilisés.

 

 

INTRODUCTION

 

Dès l'entrée dans une classe une première impression se dégage, qui naît de la disposition générale choisie, des outils pédagogiques immédiatement disponibles, des différents documents affichés. Au delà de ces premiers indices, étudier systématiquement les matériels pédagogiques adoptés, qu'ils soient individuels ou collectifs, observer l'usage qui en est fait, s'intéresser au regard que portent maîtres et élèves sur leur matériel habituel révèlent largement les habitudes de travail, la nature de l'activité des élèves, parfois les lacunes de l'enseignement.

C'est dans cet esprit que les différents outils utilisés par le maître et les élèves ont fait l'objet d'observations. Un inventaire des principaux outils figurant dans les classes a donc été effectué, assorti des caractéristiques sommaires de chacun d'eux et des stratégies pédagogiques qu'ils induisent. Les manuels scolaires, qui font l'objet d'une étude spécifique de l'inspection générale, n'ont pas été inclus dans cette enquête. En revanche, le parti a été pris de s'attacher particulièrement aux "supports sur lesquels maîtres et élèves ont une action écrite", c'est-à-dire aux cahiers, classeurs et autres supports papier, aux affichages élaborés par le maître et/ou les élèves, à l'ordinateur et à ses logiciels, à l'ardoise, au tableau.

L'utilisation de ces outils a fait l'objet d'une analyse dans chacun des trois cycles, y compris dans le secteur de l'adaptation et de l'intégration scolaires, en tenant compte de la situation géographique des écoles (rurales, urbaines ou semi-urbaines) ou sociale et économique (en zone d'éducation prioritaire ou pas). En effet, ces caractéristiques sont susceptibles d'induire des modalités d'utilisation pédagogique différentes du même outil. Enfin, la spécificité de l'école maternelle a souvent conduit à un commentaire distinct de celui sur l'école élémentaire sur l'utilisation de tel ou tel outil de l'élève.

Enfin l'inventaire systématique du contenu d'un nombre non négligeable de cartables complète l'étude des outils individuels des élèves et conduit à formuler des propositions sur l'organisation même du cartable, ce qui peut contribuer à l'alléger.

Les informations contenues dans les grilles d'analyse proviennent de vingt-cinq départements et de quatorze académies : la Savoie, la Haute-Savoie et la Drôme dans l'académie de Grenoble ; les Vosges, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle dans l'Académie de Nancy ; l'Orne, le Calvados et la Manche dans l'académie de Caen ; le Lot, le Tarn et les Hautes-Pyrénées dans l'académie de Toulouse ; les Pyrénées atlantiques dans l'académie de Bordeaux ; Le Val-de-Marne dans l'académie de Créteil ; l'Essonne et les Hauts-de-Seine dans l'académie de Versailles ; la Creuse dans l'académie de Limoges ; l'Allier dans l'académie de Clermont-Ferrand ; le Rhône dans l'académie de Lyon ; le Morbihan dans l'académie de Rennes ; le Bas-Rhin et le Haut-Rhin dans l'académie de Strasbourg ; le Maine-et-Loire et la Sarthe dans l'académie de Nantes ; enfin les Bouches du Rhône dans l'académie d'Aix-Marseille.

Au total, 126 classes ont participé à l'enquête : 27 de cycle I, 28 de cycle II, 50 de cycle III ; 21 classes appartiennent au secteur de l'adaptation et intégration scolaires (AIS). Tous cycles confondus, les observations ont porté en majorité sur des écoles urbaines :

. 88 classes sont situées en zone urbaine ou suburbaine, 29 d'entre elles étant classées en ZEP ;

. 38 sont situées en zone rurale, dont 10 classées en ZEP.

La plupart des informations concerne le cycle III : sans être exclus des pratiques de classe dans les cycles I et II ainsi que dans les classes spécialisées, la plupart des outils trouvent leur utilisation la plus large au cycle III.

Compte tenu du nombre des classes et des écoles observées, l'étude ne repose pas sur des données scientifiquement établies, mais vise seulement à dégager quelques tendances, à relever les outils disponibles dans un certain nombre de classes, à observer l'usage qui en est fait, à proposer des pistes de travail pour améliorer le fonctionnement pédagogique des classes.

 

 

I. LES OUTILS COLLECTIFS

 

À l'école maternelle comme à l'école élémentaire, les outils collectifs de la classe et de l'école sont constitués d'éléments qui organisent l'espace pédagogique - les tables, le tableau, les cartes ou les différents affichages - ainsi que de matériels et outils pédagogiques. Les choix effectués, qu'il s'agisse de la nature des matériels utilisés, de leur disposition, de l'usage qui en est fait ne sont évidemment pas indifférents au fonctionnement de la classe.

 

1.1. L'organisation de la classe

 

1.1.1. À l'école maternelle

 

L'agencement des classes. Il est lié à la pédagogie spécifique à ce niveau ; un certain nombre d'installations, correspondant à des types d'activités, définissent généralement les différents espaces de la classe :

. les tables d'atelier, proportionnées à la taille des enfants, permettent des activités par groupes de quatre à huit élèves ;

. le coin de regroupement, délimité par un tapis et deux ou trois bancs, est utilisé lors des activités collectives de langage ou d'initiation à l'écrit ;

. les coins de rangement des objets familiers permettent de faire saisir aux élèves les premiers principes de classement ; des casiers offrent la possibilité de rassembler et de classer les jeux et matériaux utilisés quotidiennement dans la classe ; des tiroirs nominatifs donnent à chaque enfant l'occasion de ranger ses productions ;

. le coin peinture est le plus souvent distinct des autres ateliers et installé de manière permanente, les types d'installation variant d'une école à l'autre : installations de fortune, pupitres ou chevalets parfaitement adaptés etc. ;

. le coin lecture : même si l'école dispose d'une BCD, de nombreux enseignants ont conservé dans leur classe une petite collection d'albums immédiatement disponibles, rangée dans des bacs disposés autour d'un tapis ;

. le coin informatique est encore rare en maternelle et ne comprend, au mieux, qu'un ou deux postes de travail ; les didacticiels (de jeux essentiellement) sont peu nombreux et pas toujours choisis avec suffisamment de soin ;

. les coins jeux sont organisés autour d'activités symboliques (cuisine, coiffure, poupées, garage, etc. ). Ces lieux servent surtout au moment de l'accueil. Il serait très souhaitable que l'organisation et le contenu en soient renouvelés en cours d'année afin de maintenir l'intérêt des élèves.

Recommandations :

- La lisibilité de l'organisation spatiale de la classe est essentielle en maternelle : il faut y apporter le plus grand soin en évitant l'éparpillement et le désordre ; elle est un élément déterminant de l'éducation du jeune enfant. Elle doit également être conçue pour permettre les évolutions des enfants, particulièrement dans les sections accueillant des tout petits.
- Les tapis posent d'évidents problèmes d'hygiène. Il est préférable d'utiliser d'autres matériaux (revêtements synthétiques par exemple) pour délimiter matériellement des "coins".
- Les coins jeux sont passés de mode ; c'est regrettable ; il convient de leur donner une vraie place dans la classe et d'en renouveler régulièrement le contenu."

Le tableau : Le tableau est très peu utilisé à l'école maternelle : le plus souvent il sert de support à un affichage temporaire. En moyenne et surtout en grande section, la maîtresse y inscrit occasionnellement ce qu'elle attend des élèves au cours d'une activité. C'est une façon d'anticiper quelque peu ce qui se pratique normalement au cours préparatoire. Quelquefois la grande section est organisée autour du tableau noir qui prend alors le rôle qui lui est dévolu à l'école élémentaire. C'est là une dérive à éviter."

L'horloge : À l'école maternelle, on préfère le plus souvent des horloges en carton, fabriquées par les enfants eux-mêmes ou par le maître, et sur lesquelles ne figurent que les heures pleines ; il ne faudrait pas pour autant exclure la familiarisation avec une pendule authentique à laquelle on peut se référer pour montrer aux enfants que l'organisation de la journée obéit à des contraintes horaires dont la pendule est le témoin.

L'affichage mural : Les affichages sont très présents dans les classes maternelles ; ils sont parfois excessifs et recouvrent tous les espaces disponibles. Pour l'essentiel, ce sont les travaux des élèves, principalement les réalisations collectives, qui font l'objet d'expositions temporaires ou permanentes.
On trouve aussi sur les murs de nombreux dispositifs didactiques permettant de familiariser les enfants avec l'organisation temporelle, spatiale ou sociale de la classe :
. calendriers associés à des éphémérides ou à des agendas muraux : ils permettent la structuration des principaux rythmes de vie de la classe ;
. relevés météo, avec la même finalité ;
. plannings d'activités ;
. étiquettes (ou photographies) de chaque élève permettant de distinguer les présents des absents et d'organiser les répartitions des enfants dans les activités de la journée ;
. "modèles" divers (alphabets, listes de chiffres etc.) ;
. affiches didactiques (de plus en plus souvent proposées par les éditeurs) ; elles sont liées à une activité didactique déterminée, donc d'usage temporaire.

Recommandations :

- Il convient d'éviter les affichages pléthoriques et d'associer les enfants au choix des objets affichés et à leur mise en place ;
- Les rituels organisés autour des dispositifs didactiques affichés ne doivent pas être figés ; une évolution progressive est nécessaire. Certains rituels peuvent être temporaires ;
- la lisibilité de ce qui est affiché (taille des objets, hauteur d'affichage, clarté de l'affichage, etc.) est essentielle ; elle doit faire l'objet de soins attentifs ;
- l'affiche didactique, qu'elle soit fabriquée par le maître ou qu'elle vienne d'un éditeur, est un bon support ; elle doit être utilisée chaque fois que c'est possible.

 

1.1.2. À l'école élémentaire

 

Une disposition générale classique : La disposition des meubles dans la classe, en général identique toute l'année, demeure le plus souvent classique, les tables face au tableau, en rangées parallèles. Lorsque la disposition est modulée, tables disposées en U ou en fer à cheval, cela peut correspondre à une organisation du travail en groupes, mais il n'y a pas de lien systématique entre la géographie de la classe et les stratégies pédagogiques utilisées. On comprend mal le choix d'une disposition en U par exemple lorsqu'est menée une pédagogie frontale : le principal résultat est alors de favoriser de mauvaises postures chez les enfants...

Le tableau : un instrument de base reconnu : Le tableau est présent dans toutes les classes sans exception, le plus souvent fixe, scellé ou non face à la classe. Parfois un second tableau, plus petit, situé au fond de la classe ou sur le côté, est utilisé pour le travail en groupes. Au cycle II la plupart des élèves ressentent le plus grand tableau, celui qui leur fait face, comme "celui du maître" , le second, le plus petit, comme le leur et pouvant servir au jeu.

Le tableau est considéré par les maîtres comme une aide à la mise en forme, à la recherche et à la correction. Il permet d'afficher l'organisation des tâches, que ce soit le " menu " de la journée ou les consignes destinées à chacun des groupes lorsqu'il en existe. Il sert à exposer la collecte d'informations auprès de la classe ; il constitue le support de l'explication, du dialogue entre le maître et la classe lors des temps de recherche et/ou de corrections. Les synthèses, traces écrites des leçons que les élèves auront à recopier éventuellement sur leur cahier y sont élaborées. L'écriture de l'enseignant, la plus fréquente, apparaît comme le modèle, la référence.

Les élèves perçoivent le tableau comme une aide à la mémoire, un moyen de "mieux voir", de "mieux comprendre" ; ils disent tous aimer aller au tableau pour écrire la correction ou exposer aux autres leur travail.

Recommandations :

L'inspection générale souligne l'importance pour les apprentissages d'une utilisation pertinente du tableau : le tableau permet de susciter à la fois la recherche, la réflexion, l'interactivité des élèves entre eux ainsi qu'avec le maître et il convient d'en encourager l'usage pour le travail d'élaboration collective et les activités de synthèse. Le tableau doit constituer également un moteur de la lecture et de l'écriture, tant par l'action directe des enfants que par la transcription sur cahier des écrits du tableau, ce qui facilite apprentissage et mémorisation. Si l'écriture du maître est évidemment essentielle - et modélisante -, il est bon de faire appel à l'écriture des élèves, utile et motivante. Enfin le tableau peut aussi aider à recentrer l'attention de la classe.
L'efficacité du tableau repose sur un choix rationnel des contenus, une bonne gestion de l'espace, une mise en page claire, une écriture soignée. En cela, le tableau contribue utilement à l'appropriation par l'enfant d'une culture de l'écrit. Il y a là un enjeu important : il est nécessaire de former les professeurs des écoles stagiaires à un usage pertinent du tableau, à son organisation spatiale ainsi qu'à l'écriture magistrale.

Les outils collectifs d'apprentissage :

- Les cartes murales : il en existe dans toutes les écoles élémentaires, mais la gamme représentée est souvent lacunaire. La carte de France est la plus courante ; il est plus rare de trouver un planisphère ou une carte de l'Europe et, plus encore, une carte de la région, même sous la forme d'une carte routière. Le plus surprenant est que la carte qui représente l'environnement immédiat soit la plus rare, y compris dans des classes et des écoles où, à l'évidence, le souci de l'étude de l'environnement est très présent ; il y a là un paradoxe et une incohérence auxquels il est urgent - et facile - de remédier, compte tenu de l'intérêt que portent les collectivités locales à l'école et à l'image de leur circonscription.

Par ailleurs, bien souvent, les cartes sont rangées hors de la classe et il faut aller chercher à l'extérieur celle qui est nécessaire à la leçon de géographie ou parfois d'histoire. L'utilisation en est de ce fait réduite à des moments identifiés de la classe et la carte n'est pas l'outil de référence qu'elle devrait être. En outre, même présentes dans la classe, certaines cartes ne sont guère utilisables compte tenu de leur vétusté. Leur état montre à l'évidence que leur renouvellement n'est pas une priorité et traduit, de fait, le faible intérêt qui leur est porté par le ou les maîtres. Enfin, il faut observer qu'on ne trouve guère de cartes dans les classes d'enseignement spécialisé.

Il est important que ces outils, en bon état, figurent dans les classes, y compris les classes d'enseignement spécialisé, dès le cycle II et, s'ils ne peuvent tous être accrochés au mur faute de place, au moins convient-il qu'ils soient facilement accessibles pour permettre de s'y référer à tout moment de la classe pour situer une ville, une région rencontrées au détour d'une lecture ou d'un exercice dans n'importe quel champ disciplinaire.

- Le globe terrestre : généralement présent dans la classe au cycle III, plus rare au cycle II, il est traditionnellement placé au fond de la salle, sur une armoire ou quelque meuble de rangement. Souvent trop petit pour permettre une utilisation par les élèves, il semble bien qu'il ait perdu vie et qu'il ne soit, la plupart du temps, qu'un élément inerte du décor, héritage devenu sans objet. Cela est d'autant plus dommageable qu'il est nécessaire de familiariser les élèves du cycle III avec les grands ensembles du globe et leur apprendre à se repérer sur des cartes à différentes échelles, sur des cartes planes comme sur le globe.

- L'horloge : Plus souvent analogique que numérique, l'horloge est présente dans les classes du cycle III dans la grande majorité des cas ; quelques-unes des classes observées en sont toutefois dépourvues. En général, la situation de l'horloge la rend visible des élèves sans contorsion et indique bien sa fonction : apprendre à se repérer dans le temps et à s'organiser en fonction des consignes du maître et du temps attribué à chaque séquence. Au cycle II, on n'en trouve guère, bien que les programmes prévoient à ce niveau l'apprentissage de la mesure du temps et, concrètement, de la lecture de l'heure.

Les affichages dans la classe : des supports riches, inégalement exploités : Quel que soit le niveau, les affichages sont toujours présents dans les classes et parfois au-delà, investissant par exemple les couloirs. Cependant, dans certains cas, ils sont à l'évidence fixés depuis des années, jaunis et poussiéreux ou présentés dans un désordre contre-productif : ce sont alors des outils morts, partie de l'environnement habituel, mais qui ne sont d'aucune utilité et auxquels ni le maître ni les élèves ne font jamais appel au cours des activités de la classe. Mais on trouve également des affichages de qualité, vivants, auxquels le maître se réfère à bon escient. Pourtant, même lorsque le maître s'en sert effectivement, il ne semble pas toujours conscient qu'il possède là un support efficace pour établir les liens nécessaires entre les disciplines.

Les affichages observés dans les classes répondent à une ou plusieurs des fonctions :

- La valorisation des productions des élèves : il s'agit de mettre en évidence les réussites des élèves. Tout type de production peut donc être affiché. On relève une majorité de dessins et de peintures, parfois des poèmes. Souvent sont ainsi mis en évidence les comptes rendus de sorties éducatives, (avec photographies, écrits des élèves, documents divers rapportés en classe ou objets fixés au mur...).

- La fonction esthétique : le but est ici, tout en cherchant à familiariser les enfants avec les arts, de décorer la classe de reproductions de tableaux, de sculptures et autres ?uvres de référence que le maître leur a présentées et fait découvrir. La présentation est néanmoins assez fréquemment mal adaptée à la classe et à l'âge des élèves. Il y a parfois excès de sollicitations visuelles. Les surfaces vitrées peuvent être utilisées, avec mesure évidemment : ce support a été par exemple astucieusement employé dans une classe pour coller des dessins de vitraux transparents dont le volume raisonnable n'amoindrissait pas la luminosité de la salle. Globalement on peut regretter que cet affichage soit assez peu fréquent dans les classes élémentaires.

Il est souhaitable de s'attacher à développer l'affichage esthétique, qui concourt à l'éducation artistique, mais de façon mesurée, en veillant à tenir compte de règles élémentaires de présentation : installation adaptée à la taille des élèves, alignement des documents, répartition équilibrée des couleurs et des formats, relation avec le mobilier scolaire existant notamment. Il doit évidemment s'agir d'un affichage vivant, élaboré avec les élèves, en liaison avec les apprentissages et les activités du moment.

- La fonction didactique de référence : les affichages se rapportant à cette fonction sont très divers selon le niveau de la classe et l'âge des enfants ; le plus souvent, ils ont trait aux mathématiques et au français : au cycle III, ce sont par exemple des tables de multiplications, des conjugaisons, des règles de grammaire ; au cycle II, il peut s'agir notamment de lettres, de l'alphabet tout entier, de mots, de phrases, de petits poèmes, de suites de nombres... Certains affichages traduisent un souci d'éducation civique tout à fait bienvenu : ainsi en est-il d'illustrations de l'actualité, de l'affichage des règles de vie concertées de la classe ou de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou encore de celle des droits de l'enfant.

Les frises chronologiques permettent de situer événements et personnages dans la chaîne du temps. Leur rôle est à la chronologie ce qu'est celui des cartes à la situation géographique : les uns et les autres sont des outils indispensables à l'élève pour apprendre à se repérer dans l'espace et le temps. Pourtant, certaines frises sont mal situées, masquées par des meubles par exemple, et à l'évidence ne sont là que pour sacrifier à un rite ou à une demande institutionnelle. Elles ne sont alors d'aucune utilité dans l'enseignement dispensé par le maître.

La majorité des frises proviennent du commerce et présentent une grande fresque qui va de la préhistoire à nos jours ; d'autres s'en tiennent à l'époque contemporaine ou ne remontent qu'au moyen-âge. Ces frises du commerce sont le plus souvent médiocres. Elles mettent sur le même plan des éléments hétérogènes : par exemple, sur la ligne des périodes, on peut trouver côte à côte la Gaule romaine, le moyen-âge et la monarchie absolue, ce qui ne peut que créer des confusions entre les découpages de l'histoire en périodes (antiquité, moyen-âge, temps modernes...) et des éléments de ces périodes.

Certaines frises du commerce sont enrichies par les élèves qui les illustrent ou les annotent ; d'autres frises sont fabriquées par la classe, grâce à un travail transdisciplinaire, pourtant rarement repéré comme tel par le maître. Ces réalisations sont souvent de qualité et bien adaptées au travail fait en classe. Cette appropriation de l'outil par l'élève et donc son rôle vivant et actif sont à encourager.

- La fonction administrative : cela n'est pas imposé par les textes, mais très souvent et à tous niveaux, on trouve affichés emploi du temps, liste des élèves, responsabilités attribuées aux élèves, progressions, plannings d'utilisation de certains locaux communs, liste des demi-journées consacrées à la concertation de l'équipe pédagogique. Ces éléments sont en général regroupés à proximité du bureau et n'occupent qu'un faible espace.

L'affichage peut être un précieux auxiliaire pour l'enseignant, pour fixer des notions comme pour en rappeler d'autres, déjà étudiées, pour aiguiser la sensibilité esthétique ou développer le réflexe de recours à la documentation. Mais, pour être efficace, il doit résulter d'un choix raisonné, il doit être pensé en cohérence avec la progression des apprentissages ; il est nécessaire également que les élèves puissent se l'approprier en participant à son élaboration et à son évolution. L'affichage n'est pas un papillon punaisé : c'est une production vivante, donc fonctionnelle et évolutive.

 

1.2. Documents de référence et outils pédagogiques

 

1.2.1. Bibliothèques-centres documentaires et livres de la classe

 

Le nombre des bibliothèques-centres documentaires (BCD) augmente sans cesse du fait de l'accent mis sur l'importance de la lecture, des incitations financières du ministère et de l'aide de nombreuses collectivités locales. L'organisation et la gestion des BCD, qui a longtemps été source de difficultés pour les écoles, ont été facilitées par l'apport des contrats emploi-solidarité (CES) dans un premier temps, puis d'emplois-jeunes maintenant. Beaucoup d'aides éducateurs participent très utilement à la mise en ordre de ces BCD, s'emploient à les rendre attrayantes, couvrent et rangent les livres, informatisent le fonds. Il est regrettable que les ordinateurs ne soient pas toujours suffisamment puissants pour accepter de bons logiciels de gestion, réellement interactifs ; aussi, la saisie de tous les livres du fonds n'a-t-elle pas toujours pu être réalisée. Les aides éducateurs sont ensuite chargés de la gestion quotidienne du fonds et surtout, en liaison avec les maîtres, de l'animation pédagogique de la BCD. Si de nombreuses BCD ont des fonds actifs, régulièrement renouvelés, certaines ne disposent que des rebuts des familles ou des anciens coins lecture.

En complément du fonds des BCD, un certain nombre d'ouvrages figurent très souvent dans les classes. Leur nombre et leur nature varient beaucoup, notamment en fonction du cycle considéré. C'est au cycle III que le fonds présent dans la classe est le plus riche ; il s'agit en général :
- d'ouvrages de référence : dictionnaires adaptés à l'âge des élèves (certains, visiblement relégués en désordre, parfois au fond d'un placard, sont dans un tel état de vétusté qu'ils n'engagent vraiment pas à la consultation ; mais ce n'est heureusement pas la règle générale), encyclopédies dans des éditions diverses, atlas, assez rares ;
- d'ouvrages incitant à la lecture : journaux scolaires, bandes dessinées parfois, mais surtout des livres, adaptés à l'âge des enfants : ainsi trouve-t-on souvent des contes, essentiellement dans les classes du cycle II. Les livres documentaires, les ouvrages de littérature de jeunesse sont très nombreux. Dans les écoles rurales, la situation est inégale, mais généralement le fonds est moins riche, malgré de remarquables exceptions.

Tous ces ouvrages se trouvent sur des étagères ou dans des meubles au fond de la classe et sont en général bien vivants, que ce soient les outils de référence ou les livres documentaires ou les ouvrages de littérature de jeunesse utilisés en classe ou à la maison.

Il y a de nombreuses BCD dans les écoles maternelles. Leur usage doit être encore développé. Il est important que les activités d'initiation à la culture écrite s'y déroulent ainsi que toutes celles qui ont pour support l'album ou le livre documentaire. Les "parcours" de lecture doivent être construits avec soin en essayant de créer des articulations fortes d'un livre à l'autre ainsi que des occasions de rappel. Dans les classes spécialisées pour lesquelles des informations ont pu être collectées, seuls figurent des dictionnaires, plus rarement des encyclopédies et des atlas. Les livres de littérature de jeunesse en sont le plus souvent absents, alors même qu'il y est particulièrement important de cultiver l'envie de lire. Ainsi, c'est un souci "utilitariste" qui semble dominer, sous la forme d'un enseignement intensif et traditionnel de français et de mathématiques.

 

1.2.2. Ordinateurs, logiciels et réseaux informatiques

 

À l'école élémentaire :

. Les équipements : Quatre-vingts pour cent des écoles faisant l'objet de l'enquête disposent de matériel informatique. Cette forte proportion doit être nuancée par le caractère très hétérogène des matériels cités. L'une des écoles dispose d'ordinateurs totalement obsolètes et abandonnés, deux autres de nano-réseaux en état de fonctionnement et encore utilisés. Une école équipée sur trois dispose d'un matériel multimédia avec lecteur de cédérom. Enfin une seule des écoles de l'échantillon peut accéder à Internet.

Dans l'échantillon étudié, les classes rurales sont plutôt sous-dotées et les classes spécialisées ne sont pratiquement pas équipées, malgré l'intérêt de ce type de matériel pour les élèves qu'elles accueillent.

Si l'on ne peut généraliser compte tenu de la faible taille de l'échantillon, ces constatations renforcent l'impression intuitive de l'observateur : l'intérêt pour les équipements informatiques est réel, un effort sensible est accompli par les collectivités territoriales, mais l'équipement reste très hétérogène.

. Les logiciels : Les logiciels les plus massivement présents sont les logiciels de traitement de texte, presque toujours cités. Les autres logiciels le sont dans moins de 20% des écoles : didacticiels divers - dont ELMO et les logiciels ADI -, logiciels de gestion de BCD. Lorsque l'école dispose de lecteurs de cédérom, les dictionnaires et encyclopédies en constituent l'utilisation la plus fréquente. Ainsi, dans l'échantillon étudié, les didacticiels sont peu représentés.

Utilisations pédagogiques : Plus de 70% des écoles équipées ont installé les ordinateurs dans une salle spécialisée, 15% dans les salles de classe, 15% également à la fois dans les salles de classe et dans une salle spécialisée. L'analyse des questionnaires ne permet pas de savoir si ces configurations correspondent à des choix pédagogiques ou si l'on a simplement reconduit les dispositions rendues nécessaires par les nano-réseaux (salle unique). L'ordinateur installé au fond de la salle de classe permet une intégration des utilisations dans la pratique courante de la classe ; il faut alors une organisation du travail qui évite que seuls les élèves les plus rapides puissent, dans le temps gagné par rapport à leurs camarades, utiliser les machines. L'existence d'une salle dédiée, si elle crée une rupture de rythme dans la pratique de la classe, permet un travail collectif ; mais alors l'informatique devient presqu'une discipline à part entière ; est-ce son rôle à l'école primaire ? Dans les deux cas, le risque existe de se reposer sur des "personnes ressources" (instituteur ayant suivi un stage ou aide-éducateur). Les personnes ressources doivent contribuer à la mobilisation de chacun et non nuire à cette mobilisation.

Dans plus de trois cas sur quatre, la principale utilisation pédagogique citée est la production d'écrits, par l'utilisation de logiciels de traitement de texte et de publication assistée par ordinateur. Tous les questionnaires insistent sur le caractère positif de cette utilisation. Les autres utilisations sont peu fréquemment citées : exercices d'auto-apprentissage et d'entraînement grâce aux didacticiels, gestion de la BCD, recherche documentaire dans les encyclopédies sur cédérom ?

À l'école maternelle :

La présence de l'ordinateur à l'école maternelle est rare. Il convient cependant de noter que, au regard du critère "utilisation de l'ordinateur", l'échantillon de l'enquête ne peut être considéré comme représentatif. Une enquête spécifique de l'inspection générale de l'Éducation nationale, prévue pour la prochaine année scolaire, permettra de collecter des données plus significatives.

Dans l'échantillon étudié, lorsque l'ordinateur est présent à l'école maternelle, il est situé dans un "coin informatique" de la salle de classe. Les logiciels cités sont le plus souvent des logiciels ludo-éducatifs, davantage conçus pour une utilisation familiale que pour une utilisation en classe.

Outre les recommandations générales concernant l'utilisation de l'ordinateur à l'école (cf. infra), on peut souhaiter que des didacticiels spécifiques soient développés pour l'école maternelle, en cohérence avec les programmes : développement de la motricité, de la reconnaissance des formes, de la reconnaissance globale de mots, du travail sur les matériaux sonores de la langue, des exercices de mémoire visuelle, etc.

Recommandations :

. Développer, aux niveaux national, départemental et des circonscriptions, une réflexion sur les modalités d'utilisation de l'ordinateur en fonction des pratiques pédagogiques. En déduire en particulier des conseils concernant les modalités d'équipement : ordinateurs dans la salle de classe, ordinateurs regroupés dans une salle spécifique, ordinateur en BCD, modalités d'équipement utilisant ces diverses solutions. En conséquence, élaborer des guides donnant des conseils d'équipement, pour aider les équipes pédagogiques et les collectivités territoriales dans leurs choix lorsqu'elles décident des investissements en la matière.
. Organiser à l'intention des IÀ -DSDEN, des IEN et des conseillers pédagogiques des actions de sensibilisation à l'utilisation pédagogique de l'ordinateur et des réseaux. Dans les actions de formation concernant les réseaux, distinguer les usages concernant le courrier électronique, la recherche de documents sur la Toile et la création de sites sur la Toile par les écoles. Dans les trois cas, donner au public visé par l'action une initiation à l'utilisation de l'outil et une réflexion pédagogique sur les pistes d'utilisation.
. Dans les actions de formation et les animations pédagogiques destinées aux enseignants, ne pas isoler systématiquement les actions concernant l'ordinateur. Ainsi, l'utilisation du traitement de texte prend utilement place dans les actions concernant la production d'écrits, l'ordinateur contribue à l'enseignement des sciences et de la technologie (cf. site national Internet sur l'opération "La main à la pâte ") et il est utile dans la recherche documentaire.
Initier les élèves dès l'école primaire à une pratique du clavier utilisant les dix doigts. L'apprentissage systématique de la dactylographie trouvera son achèvement dans les cours de technologie au collège.
. Poursuivre la réflexion entreprise par la Direction de la Technologie sur la spécificité des logiciels utilisables en classe, pour marquer les points communs et les différences par rapport aux logiciels ludo-éducatifs destinés au milieu familial. Veiller en particulier à ce que les logiciels produits procèdent à une réelle analyse des réponses des élèves et proposent des itinéraires liés à ces analyses de réponse. Faire connaître les résultats de cette réflexion aux éditeurs et aux enseignants.
. Engager, aux niveaux national, départemental et des circonscriptions, une réflexion pédagogique sur l'utilisation des documents, et en particulier, des documents trouvés sur la Toile : auteur, validité, date de création?
. Poursuivre la réflexion entreprise dans plusieurs académies et départements sur la déontologie de l'utilisation de l'Internet en classe. Diffuser les résultats de cette réflexion.
. Poursuivre également la réflexion entreprise dans plusieurs académies et départements sur la déontologie à mettre en œuvre sur les sites créés dans le cadre institutionnel : responsabilité du directeur de publication, exigences relatives au contenu des sites créés dans le cadre scolaire. Diffuser les résultats de cette réflexion.
. Utiliser le puissant levier que constitue la présence d'aides-éducateurs recrutés sur profil informatique, tout en évitant la dérive d'un dessaisissement de l'ensemble des enseignants au profit du "spécialiste".

 

1.2.3. Les matériels audiovisuels

 

Aucune école n'est dépourvue de matériel audiovisuel, même si les dotations varient beaucoup de l'une à l'autre. Les équipements le plus couramment recensés dans les écoles élémentaires sont les téléviseurs, les magnétoscopes, les magnétophones à cassettes, les projecteurs de diapositives. La quasi-généralisation des téléviseurs et magnétoscopes a été provoquée et accélérée par la diffusion des cassettes "CE1 sans frontière " et des suivantes organisée très massivement pour favoriser l'initiation aux langues vivantes. Les lecteurs de CD se multiplient rapidement ces derniers temps dans les écoles. On peut également rencontrer des chaînes Hi-fi, voire quelques camescopes ou rétroprojecteurs. Par ailleurs, de façon marginale, on trouve ici ou là d'antiques électrophones ou épiscopes. Dans les trois quarts des cas, ces matériels se trouvent en BCD ou dans une salle spécifique ; les maîtres viennent les y emprunter - ce qui ne facilite pas leur utilisation - ou les utilisent in situ avec leur classe. Il n'a pas été possible d'établir une relation entre la richesse des dotations en ce domaine et le type d'école urbaine ou rurale, le classement en ZEP ou non, pas plus qu'avec le cycle concerné. On a l'impression qu'en la matière, tout est affaire de sensibilisation de la municipalité - et des enseignants - et de possibilités financières. Quant aux écoles maternelles, leur équipement se réduit le plus souvent à une radiocassette, mais celle-ci est alors en permanence disponible dans la classe. Pour l'instant, très rares sont les enseignants qui utilisent avec leurs élèves les émissions de "La Cinq", mais il est vrai que l'impossibilité légale de les enregistrer les privait de la souplesse nécessaire. Il faut souhaiter que les nouvelles dispositions prises par le ministère et la direction de la chaîne conduisent les enseignants à en intégrer davantage l'utilisation.

Recommandations :

Le moment est donc opportun pour que les formations initiale et continue des enseignants ainsi que les animations pédagogiques intègrent l'exploitation de la télévision dans les classes. Les élèves de l'école primaire sont bien souvent imprégnés de culture télévisuelle et il est indispensable que les maîtres les amènent à analyser les images et à en appréhender le sens. Ce qui se fait dans les classes doit pouvoir venir élucider et organiser des éléments acquis de façon aléatoire et disparate, au fil des émissions. De même est-il nécessaire de faire clairement connaître, au cours de la formation des maîtres, les textes réglementaires qui régissent l'enregistrement et l'utilisation en classe des émissions télévisées.
Ces propositions valent particulièrement pour les maîtres de l'enseignement spécialisé. Les outils audiovisuels constituent d'excellents moyens d'appropriation des connaissances pour les élèves en grande difficulté.

 

1.2.4. Les matériels de sciences et technologie

 

. Les matériels de biologie et géologie : Ils ne se rencontrent pas couramment dans les classes, notamment au cycle II. Ils sont particulièrement rares en zone rurale, comme si chacun avait ici le sentiment que l'environnement était en lui-même suffisant. Ils sont également absents des classes spécialisées. En zone urbaine ou périurbaine, on trouve quelques vivariums et aquariums. On fait quelques semis et quelques plantations, parfois des boutures, plus spécialement à l'école maternelle. Signalons, parmi les efforts faits ces dernières années dans les cours de récréation des écoles maternelles, le développement des jardins (potagers et décoratifs), ce qui implique le renouvellement régulier des plantes et semences.

On ne voit pas, au travers de ces outils juxtaposés et disparates, le fil conducteur d'une démarche réellement scientifique mais plutôt une sensibilisation très superficielle et ponctuelle, plus un environnement de vie qu'un support scientifique.

. Le matériel de sciences physiques et de technologie : Il est, lui aussi, loin de toujours exister dans les classes. Il n'est pas absent du cycle III, mais au cycle II, il est généralement réduit à la portion congrue. Dans la plupart des classes spécialisées considérées il est inexistant. En tout état de cause, il est limité à de petits équipements généralement entreposés dans un placard de la classe.

On trouve pêle-mêle, inégalement répartis, du petit matériel électrique, parfois présenté dans des mallettes qui en permettent le déplacement, de nombreuses balances Roberval avec leurs boîtes de masses marquées, des boussoles, des chronomètres, des thermomètres, des lampes, des tubes à essais, certains coffrets du commerce comme "Legotechnic", "Lego-dacta" ou des boîtes "Fishertechnik". À noter également des matériels parfois fabriqués par les élèves, par exemple, des pluviomètres.

L'état de ce matériel, rare, hétéroclite, et parfois désuet, semble bien être le reflet de celui de l'enseignement trop souvent dispensé en sciences et technologie, à l'école maternelle comme à l'école élémentaire.

 

1.2.5. Les jeux éducatifs

 

À l'école élémentaire, tous niveaux confondus, moins de 50% des classes possèdent des jeux éducatifs et, lorsque c'est le cas, ils se résument à quelques rares jeux mathématiques visant au développement de l'esprit logique sans qu'il soit possible de se faire une idée précise de la fréquence de leur utilisation. On trouve ainsi des exemplaires de jeux "mégalogix", jeux "pantaminos", "ludimaths", des échecs (assez fréquemment), des jeux de construction dont certains ont été fabriqués par les élèves eux-mêmes ; des recueils de mots croisés sont également parfois présents sinon réellement utilisés. Les classes spécialisées paraissent mieux dotées, notamment dans le domaine de l'apprentissage de la lecture. Cependant certains jeux vieillissent et il n'est pas rare d'en trouver de bien désuets.

À l'école maternelle, la place des jeux éducatifs est essentielle. Ils sont là particulièrement nombreux et variés, utilisés à des fins multiples : apprentissage de notions mathématiques, maniement des lettres et fabrication de mots. Ils aident à développer la logique chez de jeunes élèves, favorisent leur socialisation ainsi que leur latéralisation. Ce sont essentiellement des puzzles, en bois et en carton, des dominos, des mosaïques, des jeux de société, des jeux de construction, rangés dans des bacs, sur des étagères ou dans un placard de la classe accessibles aux élèves.

L'équipement des écoles maternelles, particulièrement riche en ce domaine, se diversifie en permanence, y compris avec des jeux fabriqués par les enseignants et/ou les enfants. Toutefois, dans certaines classes, ce matériel a vieilli prématurément ou n'a pas été remplacé. C'est particulièrement le cas des jeux de construction, peut-être plus utilisés que les autres et qu'il faudrait renouveler plus souvent.

Les cours de récréation des écoles maternelles sont équipées de matériels éducatifs collectifs. Les municipalités ont accompli de gros efforts dans ce domaine, allant jusqu'à doter certaines d'entre elles de cages à écureuils, d'édifices à explorer, de jeux fixes du type cheval de bois monté sur ressort. L'évolution de la réglementation en matière de sécurité des équipements publics destinés aux enfants a amené le démontage d'un nombre important de jeux d'extérieur dont le remplacement par des matériels conformes semble difficile du fait de leur coût élevé.

En fait, les écoles semblent préférer aux jeux fixes des équipements mobiles. Ainsi les écoles rurales qui ont bénéficié en 1997-98 d'une dotation exceptionnelle de la part du ministère de l'Éducation nationale pour remplacer le matériel fixe dangereux ont-elles souvent utilisé cette dotation pour l'achat de petit matériel mobile, vélos, patinettes, tricycles, etc., qui jouent un rôle dans les activités motrices et permettent de faire du temps de récréation un moment d'activité organisée. Les écoles de ZEP semblent également avoir largement utilisé à cette fin leurs subventions.

Recommandations :

. Les jeux éducatifs sont des dispositifs essentiels de la pédagogie de l'école maternelle ; leur usage doit être planifié avec soin, selon des progressions explicites.
. Il convient de disposer aussi dans la classe de jeux en libre accès qui permettent à l'enfant d'exercer les savoir-faire acquis.
. L'entretien, la propreté et l'hygiène des jeux utilisés doivent faire l'objet d'une grande attention.
. S'il est essentiel que l'enfant construise son autonomie à l'égard des différents jeux qui lui sont proposés, il est aussi indispensable que les situations de jeux soient l'occasion d'activités de langage ; sans pour autant que les ateliers de jeux se déroulent en permanence hors de la présence de l'enseignant.
. Il est souhaitable que les maîtres d'école maternelle disposent d'une meilleure information pour les aider à choisir les jeux (petit matériel comme gros équipement) qu'ils souhaitent utiliser dans leur classe ; une commission de sélection pourrait être organisée comme c'est le cas pour les logiciels informatiques ou les livres.
. Le rétablissement de l'équité nationale en matière d'équipement est particulièrement urgent dans le domaine du gros matériel ; on ne peut laisser se développer plus longtemps des inégalités criantes d'une commune à l 'autre ; une discussion devrait être engagée rapidement avec les collectivités territoriales.

 

1.2.6. Les matériels d'éducation physique et sportive

 

Au cycle II comme au cycle III, l'éducation physique est un domaine bien doté, que les matériels appartiennent en propre à la classe (dans les deux tiers des cas) ou qu'ils soient regroupés dans une salle polyvalente. Les plus courants sont, tous cycles confondus, les balles et ballons, les cerceaux, les cordes, les plots, les rubans ou foulards, les raquettes ("mini" souvent) de tennis ou de badminton. Le gros matériel, plus rare et entreposé en salle spécialisée, sert à de véritables exercices de gymnastique ou au déroulement de sports collectifs : poteaux et paniers de mini-basket, buts de handball, javelots, disques à lancer.

Il est exceptionnel de rencontrer l'ensemble de ces matériels dans la même classe ou école. Ils sont plus courants, toutefois, dans les zones urbaines et périurbaines que dans les zones rurales. Dans certaines circonscriptions, des kits d'équipements prêtés aux écoles permettent la pratique de certaines activités physiques au moins pendant une période.

Les matériels disponibles et leur agencement pèsent de façon importante sur l'organisation des activités d'éducation physique. L'achat de matériels, le choix d'installations, l'organisation de l'espace requièrent une réflexion régulière du conseil des maîtres et du conseil d'école de façon à ce que l'évolution des installations traduise le projet pédagogique de l'équipe et permette la mise en œuvre d'activités relevant des différents domaines d'action définis par les programmes. Il est également nécessaire de porter attention aux caractéristiques des matériels retenus, de s'assurer de leur adaptation à l'âge des élèves ( il est par exemple inutile d'équiper de mini-raquettes les classes de maternelle alors que les enfants ne sont pas encore en mesure de coordonner leurs mouvements avec la trajectoire des balles ?), de sélectionner des matériels qui ne présentent pas de risques objectifs mais permettent aux élèves, au cours d'activités libres ou guidées, de maîtriser des risques subjectifs, dosés, contrôlés par l'enseignant. Le choix des matériels doit également être conçu en fonction des compétences de l'équipe, sauf à ce que celle-ci se mette en situation d'avoir en permanence recours à des intervenants extérieurs.

L'action de l'équipe de circonscription est ici particulièrement importante : il lui appartient de faciliter la coordination entre les écoles, de favoriser la complémentarité des équipements et les échanges de matériels spécialisés, de kits qui peuvent être onéreux.

Dans les écoles maternelles, la salle spécialisée tend à se généraliser, souvent grâce à l'aménagement de locaux désaffectés. Du fait de l'importance donnée à la notion de "prise de risques" dans l'éducation motrice, les équipements en corde permettant de construire des "ponts de singe" et de créer des parcours sur supports mouvants se multiplient. Quelques écoles ont ajouté un mur d'escalade aménagé, soit dans la salle de jeu, soit dans la cour de récréation. Un soin particulier est le plus souvent porté aux tapis de sol dont la qualité permet d'éviter les chutes dangereuses. Signalons enfin les productions bien conçues de certains fabricants qui permettent aux élèves de construire des parcours à partir de maquettes représentant des modèles réduits de gros équipements.

Recommandations :

. La salle de sport est un espace modulable. Il importe de vérifier avec la plus grande attention que les parcours proposés aux enfants ne présentent pas de passages dangereux. Les adultes qui sont en position de "parade" doivent rester particulièrement vigilants.
. La "prise de risques" n'est pas le seul objectif des activités motrices, en particulier pour les plus jeunes élèves. D'autres usages de la salle de motricité peuvent et doivent être développés.

 

1.2.7. Instruments et matériels de musique et d'arts plastiques

 

Les instruments et matériels de musique sont le plus souvent entreposés dans la salle polyvalente, car il s'agit de matériel collectif, en dehors de rares exemples comme la flûte à bec qui, pour des raisons d'hygiène, devrait être la propriété identifiée de l'élève et non un outil disponible dans la classe. Ce sont les instruments à percussion que l'on retrouve un peu partout et, au premier rang d'entre eux, les tambourins. Viennent ensuite, nombreux mais à un degré moindre les xylophones, les cloches et les cymbales, les triangles, les claves et même des claviers électroniques. Moins répandus sont les lames sonores, les métallophones et les maracas dont certaines ont été fabriquées par les élèves.

Les écoles de campagne sont nettement moins bien pourvues que celles des villes et nombre d'entre elles ne disposent d'aucun matériel de musique. Le même constat de carence s'applique, le plus souvent, aux classes spécialisées.

Dans les écoles maternelles, la salle de jeu est fréquemment utilisée pour les activités musicales ; outre les instruments, notamment à percussion, cités plus haut, communs à tous les cycles et servant à la production musicale des enfants, elle dispose d'appareils fixes d'écoute musicale (plus souvent lecteurs de cassettes que de CD). Bien plus qu'aux cycles II et III, ce matériel est régulièrement exploité

Recommandations :

. La fabrication d'instruments est une activité intéressante qui pourrait être plus souvent exploitée.
. Il convient de ne pas limiter aux seuls instruments à percussions ou au seul usage "percussif" des autres instruments.

Dans certains départements ruraux, le matériel musical circule d'une école à l'autre grâce au véhicule des conseillers pédagogiques ou aux EMALA (équipes mobiles d'animation et de liaison académiques). On peut alors voir des équipements constitués d'objets sonores utilisés à tour de rôle, par exemple les structures sonores BASCHET.

Les instruments et matériels d'arts plastiques : un fonds commun existe à peu près dans toutes les écoles et/ou classes. Il se compose principalement de pots ou de boîtes de peintures, de pinceaux, de brosses, de crayons de couleur, de feutres et de supports (papier, carton, tissu, etc.) auxquels s'ajoutent souvent, pour les plus petits, des pochoirs, des éponges et des rouleaux de mousse.

Dans les écoles maternelles également, le coin lecture est fréquemment utilisé comme coin images. Y sont alors groupées des photographies et reproductions d’œuvres d'art (cartes postales et posters ?) mis à la disposition des enfants. Dans une zone rurale, par exemple, les reproductions de tableaux d'une " valise-musée " servent à plusieurs classes de la même école. Les réalisations individuelles sont conservées dans des casiers, notamment à l'école maternelle. Les travaux collectifs sur le volume restent en classe où ils peuvent occuper une place considérable ; rares sont les classes qui disposent d'une salle annexe permettant d'entreposer les travaux des élèves.

Chaque classe devrait disposer d'un lavabo doté de plusieurs robinets, ce qui ne servirait pas uniquement à la pratique des arts plastiques.

D'une manière générale, les dotations en matériels varient grandement entre les écoles de même type, entre les cycles, mais également à l'intérieur d'un même cycle entre les divers champs disciplinaires ; si cette disparité peut résulter pour partie de l'inégalité des subventions municipales, elle traduit surtout l'intérêt porté par l'équipe des maîtres aux différents champs disciplinaires et la nature des priorités qu'elle formule auprès des municipalités.

Le simple examen des matériels disponibles montre à l'évidence que toutes les matières ne jouissent pas de la même considération : si le français et les mathématiques font l'objet d'une attention forte, les disciplines relevant du champ de la découverte du monde, notamment les sciences et la technologie, sont chroniquement négligées, tout particulièrement au cycle II dont les classes sont dans l'ensemble faiblement dotées.

Il faut également relever l'équipement lacunaire des classes situées en ZEP et surtout des quelques classes spécialisées observées. Pourtant il y faudrait, peut-être plus encore qu'ailleurs, solliciter l'intérêt des élèves par des situations pédagogiques qui donnent sens aux apprentissages, qui prennent appui sur des supports variés, abordent des sujets également variés, fassent appel à l'activité des élèves, le cas échéant à la manipulation, à l'aide de matériels scientifiques et techniques par exemple. Les équipes pédagogiques doivent en être conscientes et s'attacher à diversifier leurs approches pédagogiques, quitte à revoir leurs priorités de renouvellement de matériel.

En règle générale, l'école maternelle dispose d'un équipement de qualité, diversifié et bien adapté à ses fonctions propres ; toutefois, la disparité d'une école à l'autre est plus grande encore que dans les autres cycles. Ces différences sont préoccupantes car, si l'égalité des chances des enfants dépend de bien des paramètres, la qualité de l'équipement matériel n'est pas à négliger.

Plus généralement, en observant les outils collectifs de la classe, on a le sentiment que l'école maternelle propose des activités relevant des différents domaines définis par les programmes. À la fin de la scolarité primaire, le cycle III, lui aussi, diversifie quelque peu les situations d'apprentissage en faisant appel au moins à une partie (rarement à la totalité) des champs disciplinaires prévus à ce niveau. En revanche, on a le sentiment que l'accent mis au cycle II et dans les classes spécialisées sur l'acquisition des langages fondamentaux, particulièrement de la lecture, conduit à y négliger l'éducation musicale et les disciplines relevant du domaine de la " Découverte du monde " ; on y considère aussi bien souvent l'usage de l'ordinateur comme prématuré. Pourtant l'acquisition des savoirs fondamentaux se nourrit des activités conduites dans l'ensemble des champs disciplinaires, se référant à divers centres d'intérêt, et ne peut se construire sans appauvrissement dommageable sur la seule répétition systématique des tâches requises par les apprentissages de base conçus stricto sensu.

 

 

II. LES OUTILS INDIVIDUELS DE L'ÉCRIT

 

2.1. Tour d'horizon rapide

 

Avec la croissance des élèves en âge et en niveau, avec l'individualisation progressive des disciplines, les outils individuels écrits deviennent plus nombreux.

À l'intérieur d'un même cycle, le nombre des outils varie beaucoup, particulièrement au cycle III où l'on rencontre de 5 à 18 cahiers ou classeurs par élève, la moyenne s'établissant autour de la douzaine. Un noyau dur se retrouve dans au moins 80 % des classes, mais il prend des formes et des appellations variées. Il se compose fondamentalement des cahiers et classeurs concernant le français et les mathématiques. Les uns et les autres se subdivisent, de façon souvent discutable, en éléments de nombre variable. Plus rares sont les cahiers de langue vivante ou ceux d'études dirigées : ces derniers sont plus fréquents en ZEP, où les efforts portent particulièrement sur l'acquisition de méthodes de travail. Histoire et géographie, biologie, sciences et technologie, éducation civique donnent lieu à des regroupements variés, souvent dans des classeurs, sous l'appellation de "disciplines d'éveil", bien que cette approche ait disparu des programmes depuis plus de dix ans. Les autres cahiers sont beaucoup plus rares : ainsi en est-il de celui de musique, du dossier d'arts plastiques, du "carnet de vie" dans lequel les élèves inscrivent plus ou moins librement et plus ou moins individuellement ce qui les a marqués dans l'actualité. Certains se rencontrent exceptionnellement : par exemple, dans telle classe existe un "cahier de randonnées", dans telle autre, un "cahier d'astronomie", dans telle autre encore, un "cahier de mots croisés".

Les élèves utilisent également des cahiers dont la fonction et l'usage concernent toutes les disciplines : il s'agit le plus souvent du cahier du jour, du cahier de contrôle (ou de bilans), du cahier de brouillon (dénommé aussi "cahier d'essais"), du cahier de textes (ou agenda) ainsi appelé le plus souvent au cycle III, plutôt nommé "carnet de leçons" (ou improprement de "devoirs") dans le cycle II. Quelques élèves enfin utilisent un carnet répertoire, petit lexique, sur lesquels ils inscrivent les mots d'usage à propos desquels ils ont commis des fautes.

À l'école maternelle, les cahiers sont essentiellement consacrés au graphisme et à l'écriture. Toutefois, depuis quelques années, on voit se développer un usage plus systématique de cahiers, classeurs ou fichiers (le plus souvent dans le cadre d'activités d'initiation aux mathématiques). On privilégie ainsi les activités écrites au détriment des séquences didactiques actives fondées sur de véritables situations ludiques. Il y a là un risque de dévoiement des objectifs spécifiques de la maternelle.

 

2.2. Les cahiers individuels consacrés à l'enseignement des disciplines

 

Ces outils du quotidien de la classe, qui concernent l'école élémentaire et surtout le cycle III, se caractérisent par un certain éparpillement et de réelles différences dans leur utilisation

 

2.2.1. En français

 

C'est dans cette matière que la fragmentation est la plus marquée. Il n'est pas rare en effet de trouver six cahiers : pour l'expression écrite, la lecture, l'orthographe, le vocabulaire, la grammaire et la conjugaison, un cahier d'auto-dictées, sans compter celui de poésies parfois dissocié de celui de chant (qui est pourtant d'abord poésie).

Cette multiplication des cahiers pour une même matière engendre la confusion chez les élèves qui n'utilisent pas forcément le bon support pour leurs exercices : nombre d'entre eux n'ont pas une vision claire de l'utilité spécifique de chacun.

Les cahiers ayant trait au français gagneraient à être regroupés et leur nombre réduit, sous réserve toutefois que ce regroupement ne soit pas artificiel et reflète une intégration des enseignements, mettant les apprentissages instrumentaux (orthographiques, grammaticaux et lexicaux) au service de la maîtrise de la langue. La clarté, la cohérence... et le poids du cartable y trouveraient leur compte.

 

2.2.2. En mathématiques

 

Dans cette discipline, les élèves disposent souvent de deux cahiers, un pour la géométrie, l'autre pour le calcul ; cette séparation ne doit pas conduire à écarter l'étude de situations problèmes qui fassent intervenir des activités de mesurage, de calcul et de tracé géométrique.

 

2.2.3. La "découverte du monde" : sciences et technologie, histoire et géographie

 

On relève les mêmes faiblesses pour les outils individuels que pour les outils collectifs : le statut des supports de ces matières est peu valorisé. Les élèves y écrivent quelques résumés et y collent des documents ; le maître les corrige rarement ou pas du tout et, en règle très générale, les enfants ne les emportent pas chez eux. Les parents ne les voient donc pas.

On attend des cahiers ou classeurs d'histoire, de géographie, de technologie et de sciences qu'ils fassent apparaître clairement les thèmes d'étude et les documents sur lesquels on a travaillé (graphique, tableau à double entrée, frise chronologique...). Les élèves ont également à y noter leurs observations et conclusions, ce qui contribue à améliorer la maîtrise de l'écrit. Les documents, réalisés ou dessinés par les élèves, qui doivent apprendre à les manipuler, pourraient être mis en regard des synthèses qui les expliquent et qu'il faudra retenir.

Ces recommandations valent pour les classes spécialisées où, trop fréquemment, on fait encore référence aux anciens programmes et à la réalisation "d'activités d'éveil".

Pour l'instant, l'opération dite "la main à la pâte" qui accorde une grande importance non seulement à la pratique d'expériences par les élèves, mais aussi au rôle du cahier, est loin d'avoir une traduction dans toutes les écoles et toutes les classes, Il est toutefois réconfortant de constater que, là où elle existe, elle induit une attention renouvelée à l'enseignement des sciences et soulève un grand intérêt chez les maîtres comme chez les élèves. Les évaluateurs ont assisté en plusieurs occasions à une leçon pratique et expérimentale faisant appel également à un travail interdisciplinaire en mathématiques et en français. L'élan est donné, il importe maintenant de l'accompagner de façon durable.

 

2.2.4. Le cahier de langues vivantes

 

Quand il existe, on le trouve essentiellement au cours moyen puisque le travail est uniquement oral au cours élémentaire. "Tout est réuni dans un même cahier pour cette discipline" écrit un enseignant : c'est heureux.

S'il est normal que figurent des chants, des jeux, des dessins liés à une activité linguistique, il n'est pas du tout souhaitable que le cahier serve à "apprendre des listes de mots" ou à "garder la trace des éléments syntaxiques vus au cours des séances". C'est évidemment prématuré.

2.3. Les outils "transversaux"

 

2.3.1. Le cahier du jour

 

C'est certainement, avec le cahier de contrôles, celui qui jouit de la plus grande considération. C'est sans doute la raison pour laquelle il ne contient, trop souvent, que des exercices de français et de mathématiques et qu'il est, trop fréquemment, le seul cahier à être corrigé.

Le cahier du jour apparaît parfois dès l'école maternelle, du moins en grande section : les élèves y copient en différents caractères leurs nom et prénom ainsi que chacune des lettres qui les composent, l'objectif étant de les familiariser avec le code graphique. Ils réalisent aussi des frises et des quadrillages, des séries de ronds, de bâtons, de ponts et de ponts à l'envers, pour amorcer l'écriture des lettres comme des chiffres.

C'est au cahier du jour que les maîtres et les élèves accordent fréquemment le plus de soin, car c'est lui qui véhicule l'image de l'école vers l'extérieur. Il témoigne du travail quotidien et collectif de la classe. Il est périodiquement présenté aux parents (en général une fois par semaine) et il est signé par eux.

 

2.3.2. Le cahier d'évaluation (ou de contrôle)

 

Quelle que soit son appellation, il semble bien que l'utilisation en soit la même : périodiquement (une fois par trimestre, parfois plus souvent), il sert à évaluer des connaissances, des réussites ou des échecs ponctuels. D'ailleurs, les élèves ne s'y trompent pas, leur appréciation étant résumée par l'un d'entre eux : "il sert à avoir des notes afin de savoir si l'on peut passer en 6ème".

Quant aux maîtres, ils semblent nombreux à penser que "ce cahier contient les évaluations qui servent à renseigner les livrets de compétences une fois par trimestre". Est résumée là toute l'ambiguïté, largement répandue encore malgré les réels efforts d'animation fournis par les IEN, entre contrôle et évaluation : bien souvent on baptise "livret d'évaluation de l'élève" ce qui n'est que le simple report des résultats des contrôles assortis éventuellement d'une appréciation sur des performances. De plus, lorsque le livret suit l'élève en 6ème - et c'est souvent le cas -, il est alors d'un piètre secours pour appréhender globalement l'élève. Il est nécessaire, au delà des notes qui résultent des contrôles ponctuels de connaissances, de présenter une analyse des compétences acquises. C'est un diagnostic de ce type qui, seul, permet une pédagogie adaptée en 6ème au collège.

Par ailleurs, la photocopie règne toute puissante dans le cahier d'évaluation, car on privilégie le résultat sur le raisonnement et le cheminement ; ainsi voit-on fleurir les questions à choix multiples, (QCM), méthode qui, certes, facilite la correction par le maître, mais ne permet que difficilement de vérifier le raisonnement conduit et ne participe guère à l'acquisition d'une bonne maîtrise de l'écrit et de l'écriture.

 

2.3.3. Le cahier de brouillon (aussi dénommé "cahier d'essais")

 

C'est un cahier où l'on s'exerce, où les erreurs sont non seulement admises mais reconnues comme constructives. C'est un outil individuel de tâtonnement, de recherche libre, d'entraînement avant de rédiger "au propre" sur le cahier du jour.

Le rôle de cet outil n'est pas assez valorisé compte tenu de son importance : il est nécessaire que le maître s'y intéresse fréquemment pour conseiller, guider et encourager. L'élève, quant à lui, ne saurait en arracher des pages : il est tout à fait normal que le travail d'élaboration comporte des ratures et des corrections. C'est vraiment à travers le cahier d'essais que peut s'apprécier le cheminement de l'enfant dans les apprentissages. Mais s'il requiert l'attention du maître, il n'a pas à faire l'objet d'une correction. En effet, dans le processus d'apprentissage, il faut distinguer le temps où l'on apprend de celui où l'on évalue. Le cahier d'essais correspond, lui, au temps où l'on apprend et peut être donc l'occasion d'un dialogue maître-élève.

Quand l'ardoise n'est pas utilisée dans la classe, le cahier d'essais joue le même rôle en permettant de donner des réponses rapides au maître qui peut ainsi partiellement vérifier si les notions sont acquises.

 

2.3.4. Le cahier de textes, agenda ou cahiers de devoirs

 

Cette dernière appellation est la plus communément employée au cycle II. Elle est impropre et ambiguë : on risque de confondre ce cahier avec celui du jour. S'il s'agit de consigner le planning des tâches à effectuer, on peut penser qu'il s'agit de devoirs écrits à faire à la maison, pourtant interdits à l'école primaire depuis 1956.

En réalité, quelle qu'en soit l'appellation, il s'agit de planifier les petites tâches à accomplir à la maison, essentiellement orales, qui ne devraient pas aller au-delà de quelques vers d'un poème à apprendre, d'une page à lire ou d'un dessin illustrant une poésie par exemple. Cet outil est plus important quand les enfants grandissent, car progressivement il prépare à l'utilisation du cahier de textes au collège ; l'élève doit s'habituer à prévoir et organiser son travail pour une semaine, voire quinze jours. Une pratique intéressante relevée dans une classe : un cahier de textes (de la classe), tenu successivement par tous les élèves et vérifié par l'enseignant. C'est une bonne préparation à ce qui sera de règle en sixième. L'utilisation réfléchie d'un tel outil, avec les mêmes objectifs, dans les classes spécialisées, mérite d'être encouragée même si la perspective d'entrée en 6ème est encore imprécise.

Malheureusement, c'est trop souvent un cahier mal tenu, car on y écrit hâtivement en fin de séance, donc mal et dans bien des cas au crayon, sans ordre ni séparation par des traits des différentes tâches. Rares sont les maîtres qui veillent à ce que ce cahier soit rigoureusement tenu. Il devrait pourtant être un outil maniable pour les enfants et, pour les parents, un support privilégié de dialogue avec leur enfant.

 

2.3.5. Le cahier d'études dirigées

 

Son emploi n'est pas courant et les études dirigées sont loin d'être une pratique généralisée. Parmi les maîtres qui observent cette obligation, quelques-uns ont fait adopter à la classe un cahier spécifique. Le plus souvent, ce cahier traduit le souci du maître de favoriser mémoire et acquisition de méthodes de travail. Il n'est d'ailleurs pas indispensable. C'est en fait dans le cahier-journal et/ou le cahier de préparations du maître que les études dirigées doivent être mentionnées avec indication, ne serait-ce que succincte, du contenu de chacune des séquences. Fort heureusement, il est exceptionnel de trouver un "cahier du soir" qui, utilisé pendant la demi-heure d'études dirigées, n'est en fait, que la transposition du travail de devoirs naguère effectué à la maison.

 

2.4. L'utilisation du classeur

 

L'utilisation du classeur ne fait pas l'unanimité : les appréciations divergent en fonction de l'usage qui en est fait en classe et/ou de la fonction qu'on voudrait lui voir remplir. On reproche au classeur son poids et son encombrement importants et, malgré la grande souplesse d'utilisation qu'il offre indéniablement, on peut lui préférer une série de cahiers d'une épaisseur raisonnable fractionnés en plusieurs disciplines.

Le principal obstacle à l'utilisation d'un outil pourtant formateur réside dans la difficulté que rencontrent les élèves, y compris au cycle III, à maintenir en ordre un classeur et à s'y repérer.

Lorsque le maître en demande l'utilisation, il est indispensable qu'il fasse de l'adoption d'habitudes d'ordre un objet d'apprentissage et qu'il s'attache à aider les élèves à organiser méthodiquement leurs travaux, notamment mais pas exclusivement pendant les études dirigées.

Le classeur peut faciliter la continuité du travail au cours d'un cycle. Ainsi, un classeur regroupant plusieurs champs disciplinaires en première année de cycle III, progressivement enrichi au cours du cycle peut traduire l'émergence progressive des disciplines, histoire, géographie, éducation civique, sciences et technologie qui, en fin de cycle, peuvent donner lieu chacune à une rubrique spécifique. De même le classeur peut-il s'enrichir au fil des années de connaissances d'ordre instrumental auxquelles on se réfère régulièrement et qui se construisent progressivement.

Une utilisation du classeur concertée entre les maîtres du cycle III serait un pas appréciable accompli en faveur de l'application de la politique des cycles : les outils sur lesquels écrivent les élèves peuvent devenir les supports d'un travail par cycle faisant l'objet d'une réflexion commune des maîtres du cycle et transmis d'une classe à l'autre.

Les classeurs contiennent en outre très souvent de très nombreuses photocopies, parfois de pages entières de manuels, en histoire, en géographie, en éducation civique, en sciences et technologie, par exemple. Il est évidemment préférable de faire travailler les élèves directement sur le manuel. La photocopie peut dans certains cas apporter un complément au manuel ; en aucun cas, elle ne doit s'y substituer.

 

2.5. L'utilisation des photocopies

 

Le nombre croissant de photocopies qui encombrent les cahiers et classeurs mérite une attention particulière. Quelques repères chiffrés permettent de mesurer l'ampleur du phénomène : jusqu'à 60 000 photocopies en un an dans une école à 12 classes, soit 5000 par classe ; jusqu'à 535 photocopies par an et par élève (dans une classe qui bénéficie pourtant de manuels). Ce sont certes là des cas extrêmes mais la pratique très générale est inquiétante : c'est en moyenne, tous cycles confondus, quelque 350 photocopies qui sont consommées par élève chaque année, le point culminant se situant en cycle III.

L'enquête nationale conduite par l'Inspection générale sur les manuels scolaires a fait apparaître que les enseignants n'ont conscience ni du nombre, ni du coût des photocopies qu'ils utilisent, ni du fait que la photocopie de documents protégés par un copyright est illégale. Pourtant, il est clair que l'abus des photocopies se fait notamment au détriment d'achats de manuels, qui tendent à disparaître : c'est même le cas des livres de lecture au cours préparatoire ! La photocopie conduit également à moins utiliser les règles, doubles décimètres, compas, équerres, rapporteurs, dont la maîtrise est pourtant indispensable aux élèves.

Plus qu'à lire et écrire, ce qui devrait être un entraînement permanent, la photocopie incite à remplir des blancs par des mots ou un résultat, éliminant ainsi toute élaboration complexe. L'enfant doit être entraîné le plus tôt et le plus souvent possible - pas seulement lors des séquences de français - à lire et à rédiger des phrases complètes, des paragraphes, de petits textes : c'est bien là un support de travail transdisciplinaire.

Les enseignants, y compris et peut-être plus encore dans les classes spécialisées, justifient souvent la surabondance de photocopies par le souci de gagner du temps, d'éviter les corrections et de fournir aux enfants des textes propres. Ils confondent en réalité perdre du temps et passer du temps. Pourtant c'est bien du temps perdu que celui que l'enfant emploie au découpage de photocopies et à leur collage ; en revanche, le temps consacré à l'élaboration d'une pensée, à la construction d'une phrase par tâtonnements successifs n'est certes pas perdu.

Toutes les matières sont concernées par cet excès de photocopies, le français plus particulièrement : l'absurde est atteint dans ce domaine lorsque les cahiers de lecture et/ou d'écriture comptent entre 80 % et 100 % de photocopies, ce qui n'est pas rare. Les cahiers de poésie sont aussi souvent largement composés de photocopies collées, alors que l'écriture des textes participe de l'apprentissage.

Utiliser de façon excessive la photocopie, c'est oublier que le cahier est encore sans doute le meilleur endroit pour écrire et le livre pour lire.

 

2.6. L'utilisation des fichiers

 

On observe actuellement un développement important de l'utilisation par les élèves de fichiers édités.

Ces fichiers , à condition de ne constituer qu'un temps du travail des élèves, peuvent être un support intéressant d'une pédagogie différenciée et favoriser le travail par petits groupes. En revanche, ils peuvent induire une parcellisation dommageable des apprentissages (on a pu en trouver jusqu'à quatre pour le seul enseignement du français). En outre, l'utilisation abusive de ces fichiers, comme celle de la photocopie, limite l'activité écrite des élèves. Ces fichiers, individuels, imposent enfin une dépense annuelle souvent élevée qui se fait au détriment des achats indispensables de manuels.

 

2.7. L'utilisation de l'ardoise

 

Ce tour d'horizon ne serait pas complet sans un rappel du rôle de l'ardoise qui, loin d'être remisée dans la panoplie des outils pédagogiques anciens, connaît apparemment un regain de popularité. Globalement, et tous cycles confondus, l'ardoise est adoptée dans quelque 70 % des classes du cycle III. Elle est encore davantage utilisée au cycle II, même si les élèves n'en possèdent pas toujours une en propre. Elle est pratiquement absente des classes d'enseignement spécialisées alors qu'elle peut être le support d'activités formatrices et motivantes pour les enfants. Au cycle I, chaque enfant n'en possède une que dans la moitié des classes observées.

Le rôle de l'ardoise varie selon les cycles : au cycle III, elle est surtout le support d'une évaluation rapide des acquis de l'enfant selon le procédé "La Martinière" qui conserve ses vertus. Les contrôles se font essentiellement en mathématiques, le plus souvent pour le calcul mental et, en français, pour l'orthographe notamment. Au cycle II, si elle sert aussi pour le contrôle, elle a également une fonction d'entraînement qui rejoint partiellement l'usage du "cahier d'essais", l'ardoise servant essentiellement à écrire des mots, une à deux petites phrases ou des opérations, le cahier étant préférable pour écrire assez longuement. En maternelle, en grande section essentiellement, l'ardoise est support d'entraînement au graphisme ( lettres ou chiffres).

En règle générale, l'ardoise est utilisée deux à trois fois par semaine. Tel maître regrette spontanément de ne pas l'utiliser suffisamment, tel autre ne l'utilise pas du tout mais reconnaît : "c'est sans doute se priver d'un support qui permet des contrôles rapides, un changement de rythme dans le déroulement des activités et une dimension d'émulation ludique souvent mobilisatrice pour des exercices parfois perçus comme rébarbatifs".

Les élèves du cycle III trouvent eux-mêmes à l'ardoise une série d'avantages que les maîtres ne perçoivent pas toujours : ils apprécient la dimension ludique du contrôle et se sentent tous mobilisés par une compétition qui les amuse ; ils sont sensibles également à l'aspect pratique de l'ardoise qui, disent-ils, permet une correction immédiate et sur laquelle ils peuvent effacer, contrairement au brouillon. Enfin, on retrouve chez eux le souci d'un produit fini propre et bien écrit, déjà exprimé à propos du traitement de textes : "On peut effacer sans faire de ratures".

L'ardoise demeure un outil moderne, actuel et qui devrait être encore plus répandu et utilisé de façon régulière. En effet, pratique et peu coûteuse, elle permet un travail collectif rapide, efficace, offrant à l'enseignant la possibilité de vérifier d'un coup d’œil toutes les productions des élèves. Permettant un changement de support, elle comporte une dimension dynamique et ludique qui plaît aux élèves et ravive leur intérêt, ranime leur attention. L'ardoise est un instrument utile au calcul mental, avec utilisation du procédé "La Martinière", mais également à l'écriture, à l'orthographe et la conjugaison.

Remarques et recommandations d'ensemble

. Les cahiers, très largement consacrés aux disciplines, sont nombreux, trop nombreux ; même lorsque plusieurs matières figurent sur le même support, elles sont simplement juxtaposées, sans mise en cohérence perceptible pour l'élève. Certains supports pourraient être supprimés sans dommage pour les apprentissages, d'autres regroupés.
. Que le maître privilégie l'utilisation de cahiers ou d'un classeur, il lui incombe d'en concevoir une organisation claire, ne créant pas de frontière artificielle entre les apprentissages, et d'amener progressivement les élèves à en faire un usage méthodique, évitant toute dispersion et évitant, par là même, tout alourdissement inutile du cartable ?
. Cahiers et classeurs sont souvent également mal identifiés : les couleurs spécifiques qui leur sont attribuées selon leur destination, surtout au cycle II, ne devraient pas être exclusives des informations traditionnelles et pratiques qui doivent figurer à la fois sur la couverture et sur la page de garde : dénomination appropriée, indication de l'année scolaire, du cycle, de la classe et, bien entendu, nom et prénom de l'élève.
. L'examen des cahiers d'élèves laisse trop souvent apparaître des négligences dommageables aux apprentissages : il est indispensable que les maîtres attachent une importance réelle à la tenue des cahiers, s'assurent que les corrections soient convenablement portées et les corrigent eux-mêmes régulièrement. Cette exigence intellectuelle est indispensable à la précision des apprentissages.
. Enfin il apparaît indispensable d'avoir une réflexion sur les autres outils, traditionnels comme l'ardoise, qui conserve tout son intérêt pour vérifier rapidement certains acquis, mais également plus récents, comme la photocopie ou les fichiers édités : il apparaît notamment indispensable que les animations pédagogiques, comme la formation initiale des maîtres, portent attention aux enjeux pédagogiques de l'utilisation de la photocopie et des fichiers ainsi, d'ailleurs, qu'aux conséquences pénales du "photocopillage". Il incombe aux IEN de s'assurer au cours de leurs visites dans les classes que l'usage fait de la photocopie est raisonné et que les maîtres peuvent en apporter une justification acceptable.

 

 

III. DE L'ÉCOLE À LA MAISON : LES OUTILS DE LIAISON

 

Entre l'école et la maison, la communication semble souvent avoir du mal à passer, malgré les mouvements pendulaires quotidiens des élèves, de leur cartable et des cahiers qu'il contient.

 

3.1. Le cahier de correspondance (ou de liaison)

 

Selon les maîtres, le cahier de correspondance sert à établir une communication entre l'école et la famille et à prévenir celle-ci de tout événement intervenant dans la vie de l'école ou spécifique à l'enfant. L'information est à sens unique : sauf à l'école maternelle, les parents ne communiquent guère au maître par ce biais une information concernant l'enfant lui-même ou relative à un événement familial. À l'école maternelle, le développement des "cahiers de vie" permet cet aller-retour de l'information. Il est cependant important de vérifier que tous les parents peuvent réellement tirer parti de cet échange de messages.

 

3.2. L'information des parents apparaît perfectible

 

Indépendamment de ce qui a déjà été observé au sujet des cahiers de textes, de correspondance ou de liaison, il apparaît que cahiers et classeurs remplissent très imparfaitement un rôle pourtant très important : l'information des parents sur le travail de leurs enfants. En effet, les parents ne voient et ne visent périodiquement que les cahiers du jour et de contrôle qui traduisent à peu près uniquement les exercices faits en français et mathématiques, les autres disciplines n'y figurant généralement pas et ne faisant que très exceptionnellement l'objet d'une transmission assortie d'une appréciation du maître : ces outils restent pratiquement toujours en classe.

 

3.3. Le livret d'évaluation

 

Un livret d'évaluation existe dans de nombreuses classes, même s'il est peu - ou mal - utilisé. Pour autant, il n'a pas le même statut que les autres supports et le maître le considère comme un outil qu'il utilise lui-même vis-à-vis de l'élève. L'utilisation inégale du livret d'évaluation peut traduire la difficulté à mettre en place effectivement le travail en cycles. Les modalités de suivi et d'évaluation des élèves qu'implique cette organisation de l'école ne sont pas adoptées partout : on observerait plutôt à l'heure actuelle une certaine tendance à un retour en arrière.

On peut également regretter que l'utilisation du livret d'évaluation soit très limitée dans les classes spécialisées et que les références aux compétences par cycle fassent défaut alors même que l'évaluation y est un souci assez constant.

 

3.4. Le cartable de l'élève : contenu et poids

 

L'examen du contenu d'un échantillon de cartables dans les trois cycles et les classes spécialisées est apparu nécessaire dans la mesure où leur contenu n'est pas neutre pour les pratiques pédagogiques ; cela peut également contribuer à la réflexion sur le poids des cartables.

Un contenu hétéroclite

À l'école élémentaire, l'inventaire systématique d'un nombre important de cartables est un acte tellement inhabituel qu'il a nécessité tact et explications de la part des évaluateurs. Le cartable est pour l'élève, a-t-on pu observer, une sorte de jardin secret qui échappe au regard du maître et de sa famille. Son contenu n'obéit que rarement à des demandes du maître. Ce qui explique sans doute la fantaisie la plus totale qui y règne généralement... Cette observation vaut, principalement, pour le cycle III, plus marginalement pour le cycle II et pratiquement pas pour le cycle I.

Aux cycles II et III, la nature et le nombre des petits matériels figurant dans les cartables sont extrêmement variables, y compris au sein d'une même classe. Si tous les élèves sont armés de ciseaux et de colle..., les outils plus fondamentaux, comme la règle, le compas ou la table de multiplication peuvent être absents, tandis que d'autres, comme les crayons de couleur ou les feutres se multiplient sans aucune nécessité.

Il est évident que le nombre très excessif de la plupart de ces petits matériels (deux trousses sont souvent nécessaires pour tout contenir !) ne répond pas à un dessein pédagogique, mais qu'il résulte souvent de l'attrait des présentoirs des grandes surfaces. La vigilance du maître doit s'exercer en ce domaine également ; les rencontres avec les parents d'élèves en début d'année doivent permettre de modérer des ardeurs inutiles et coûteuses.

En maternelle, le plus souvent, les enfants n'ont pas de cartable, tout le matériel utilisé reste en classe. Quand ils ont un petit sac à dos, à l'initiative des parents, on y trouve souvent une pochette qui regroupe les productions que les élèves souhaitent montrer à leurs parents, un morceau de tissu (inséparable et rassurant "doudou"...), parfois, un petit animal en peluche, qui crée un lien entre la famille et l'école, une couche de rechange ; enfin, très fréquemment, les parents prévoient le goûter ou la collation, car peu d'écoles le fournissent alors que nombre d'enfants partent de chez eux le matin sans avoir pris un petit déjeuner suffisant.

La question de la collation reste un problème important en maternelle. Si les familles sont invitées à participer, il vaut mieux privilégier la solution d'un approvisionnement collectif de la classe plutôt que celle d'une approvisionnement individuel des enfants.

Un poids très variable

Cela tient au poids du cartable lui-même, au petit matériel transporté et à surtout la quantité de cahiers, classeurs et livres véhiculés (certains élèves ont dans leur cartable un dictionnaire), facteur déterminant des écarts de poids les plus marqués. Les élèves adoptent le plus souvent le sac à dos, à bretelles et poignée, qui réduit sans doute partiellement, s'il est porté convenablement, le préjudice pour l'enfant de charges excessives.

C'est une approche au cas par cas qui peut, le cas échéant, apporter une solution. Il est indispensable que les enseignants prennent conscience du problème et qu'ils y sensibilisent les parents (avec l'aide éventuelle des personnels chargés de la protection de la santé des élèves). Le laisser-aller dont le cartable est trop souvent l'objet est le reflet d'un manque d'organisation de la part de l'enfant et d'une absence d'attention du maître et des parents sur ce point. Ce sont des mesures concertées entre l'école et les familles ainsi qu'une vigilance conjointe, un travail méthodique avec les enfants, qui s'imposent alors.

 

 

CONCLUSION

 

Une bonne utilisation des potentialités qu'offrent les outils pédagogiques individuels et collectifs peut contribuer à une plus grande efficacité de l'école (ou en être la traduction immédiatement visible). Les maîtres n'ont pas tous clairement conscience que les cahiers et les classeurs, l'affichage de la classe, l'ordinateur, l'ardoise ou le tableau sont de bons supports pour la construction des compétences transversales et permettent de mobiliser l'attention des élèves en développant leur activité et leur initiative.

De nombreux cahiers sont superflus ; d'autres ont un rôle minoré, beaucoup enfin sont "parasités" par un recours excessif à l'usage de la photocopie. L'analyse des cahiers - comme l'inventaire des matériels didactiques présents dans la classe ou dans l'école - montre que certaines matières sont négligées et les apprentissages fréquemment cloisonnés. Les maîtres sont, la plupart du temps, gênés pour répondre à des questions sur le rôle des outils : ils paraissent les utiliser instinctivement, sans se poser la question du rôle de chacun d'eux par rapport aux autres. En tout cas, les cahiers de préparation ne portent aucune trace de réflexion sur ce point.

L'enjeu d'une utilisation raisonnée et cohérente des outils disponibles est très réel et il est nécessaire que les inspecteurs et les formateurs y soient attentifs, en formation initiale et continue, dans les animations pédagogiques, mais aussi au cours des visites dans les classes et de l'entretien qui fait suite à l'inspection.

L'inventaire du cartable, enfin, a mis en lumière la nécessité de prêter attention à ce que les élèves transportent. Il faut conduire une action concertée entre les familles et l'école pour amener l'enfant à bien organiser son cartable, à garder en classe et à rapporter à la maison seulement ce qui est nécessaire à son travail et ce qui permet à ses parents de suivre ce qu'il fait. Pour cela, il faut une volonté partagée - on ne saurait la mettre en doute - et des outils conçus pour faciliter ces échanges indispensables.

Les constats faits au cours de l'enquête sur l'utilisation des outils pédagogiques individuels et collectifs conduisent à émettre une série de recommandations :

En direction des enseignants :

* Définir de façon cohérente et réfléchie le rôle et la nature des différents cahiers et classeurs utilisés par les élèves, faire de leur usage méthodique par les élèves un objet d'apprentissage ; le conseil des maîtres de cycle est le lieu de ce travail concerté.
* Rétablir dans les classes l'utilisation des manuels dans les domaines où ils existent. Développer une pratique assidue de l'écriture sur les cahiers et de la lecture dans les manuels et les livres.
* Réduire de manière significative la place des photocopies et des fichiers utilisés en classe par les élèves, en s'interrogeant systématiquement sur le bien-fondé de leur utilisation.
* Apprendre aux élèves à utiliser avec méthode les différents outils dont ils disposent.
* Faire appel en toute occasion à l'activité des élèves :
- les amener à manipuler et à expérimenter, quel que soit le niveau ou le domaine considéré ;
- les associer à l'élaboration et à l'utilisation des outils collectifs de travail dans la classe ;
- les associer très tôt à l'utilisation de leur livret d'évaluation.
* Conduire en équipe une réflexion sur les choix d'utilisation des crédits alloués à l'école ; veiller à éviter les dépenses stériles et à privilégier le renouvellement progressif des manuels, des outils pédagogiques collectifs utilisés dans la classe en n'écartant de la réflexion aucune discipline.

En direction des inspecteurs d'académie et des inspecteurs de l'Éducation nationale :

* Conduire des animations pédagogiques sur l'organisation, la tenue, le contenu et la correction des cahiers et classeurs.
* Développer des actions départementales de formation et des animations pédagogiques, en montrant en particulier que l'ensemble des disciplines, sciences, histoire et géographie, mais aussi EPS et disciplines artistiques contribue à la maîtrise de la langue : pratique de la description, de l'argumentation, lecture de documents et de livres de vulgarisation, rédaction d'observations ...
* Former les maîtres à l'utilisation pédagogique de l'ordinateur en liaison avec les apprentissages.
* Intégrer à l'évaluation des enseignants l'observation de l'usage qu'ils font des outils disponibles ; interroger sur les raisons des choix d'équipe ; faire réfléchir les maîtres sur l'utilisation des crédits qui sont attribués à l'école, sur le choix des manuels, sur l'importance du renouvellement du matériel pédagogique.
* Souligner, par la pratique quotidienne en circonscription, l'importance accordée à l'ensemble des disciplines : observation de séquences lors des inspections, analyse des cahiers des élèves.
* Encourager la pratique habituelle de l'écriture sur les cahiers et faire réfléchir sur la nature des traces écrites ; encourager la lecture sur les livres.
* Rappeler aux maîtres que l'école est gratuite et qu'ils doivent limiter au strict minimum les demandes d'équipement individuel des élèves adressées aux familles.

En direction de l'administration centrale :

* Pour les enseignements scientifiques, élaborer des listes de matériel conseillé, qui puissent servir de guide aux collectivités territoriales qui le souhaitent.
* S'appuyer sur le réel dynamisme créé par l'opération "la Main à la Pâte" pour développer l'enseignement des sciences, inscrit dans les programmes ; diffuser les fiches d'expériences et les documents pédagogiques élaborés dans les écoles impliquées dans l'opération et les "fiches connaissances " élaborées au niveau national ; sensibiliser les enseignants à l'utilisation du serveur Internet "la Main à la Pâte".

 

 

ANNEXES

 

Académies concernées par l'enquête

 

Académie de Grenoble : Savoie, Haute-Savoie et Drôme.
Académie de Nancy  : Vosges, Moselle, Meurthe-et-Moselle.
Académie de Caen  : Orne, Calvados et Manche.
Académie de Toulouse  : Lot, Tarn et Hautes-Pyrénées.
Académie de Bordeaux  : Pyrénées atlantiques.
Académie de Créteil  : Val-de-Marne.
Académie de Versailles  : Essonne et Hauts-de-Seine.
Académie de Limoges  : Creuse.
Académie de Clermont-Ferrand  : Allier.
Académie de Lyon :  Rhône.
Académie de Rennes  : Morbihan.
Académie de Strasbourg : Bas-Rhin et Haut-Rhin.
Académie de Nantes : Maine-et-Loire et Sarthe.
Académie d'Aix-Marseille : Bouches-du-Rhône.

 

Inspecteurs généraux ayant participé à l'enquête

 


Jean-Michel Bérard
Yves Bottin
Michel Delaunay
Jean Ferrier
Bernard Gossot
Jean-Claude Guérin
Yves Guérin
Jean Hébrard
Marie-Pierre Roussel
Édouard Rubio
Martine Safra

 

Protocole d'enquête

 

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