Prison ferme pour qui ose frapper un enseignant !

 

De tous temps, l'appareil judiciaire a répugné frapper de prison ferme (ainsi le jugement ci-dessous, infirmé en Appel) tous ceux qui osèrent toucher un enseignant... Et pourtant, n'est-ce pas par là d'abord que la Société montrerait l'importance de la tâche accomplie (e-ducere), et l'infinie dignité de la personne qui en est chargée ? Mais aussi qu'on permettrait à tous les sauvageons, pères et/ou fils, de réfléchir à deux fois, avant de passer à l'acte ?

 

 

 

 

I. Cour d'Appel de Nancy, 29 janvier 1879

[…] L'instituteur communal X***, au moment où il s'approchait d'un groupe formé de plusieurs personnes, fut vivement interpellé par N*** qui lui dit : "vous êtes impossible dans la commune ; faites vos malles, réglez vos comptes". Sans autre provocation qu'une parole et une attitude ironiques, N*** traita ensuite l'instituteur de "chenapan, vaurien, menteur", s'écria "qu'il le briserait et le casserait" ; enfin, s'animant peu à peu et joignant le geste à l'injure et à la menace, il lui appliqua un soufflet sur la joue. C'est par suite de ces faits que la Cour a retenus - mais auxquels le Tribunal de --- avait ajouté des voies de fait et des violences, grief écarté par la Cour, que ledit Tribunal avait condamné N*** à vingt jours de prison par application de l'article 17 de la loi du 17 mai 1819.

La Cour de Nancy a réformé ce jugement du tribunal : "attendu que l'intention malveillante qui animait le prévenu résulte à la fois et des paroles mêmes dont il s'est servi et du ton qui les accompagnait ; - que malgré sa protestation, sa volonté de frapper est prouvée par la nature même du coup porté, par les circonstances de la scène […] ; - que ces faits constituent le délit d'outrages par paroles et menaces, et de violences de l'espèce de celles mentionnées en l'article 228 du Code pénal envers un citoyen chargé de service public à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ; - que, en effet, les expressions dont s'est servi le prévenu : "chenapan, vaurien, je te brise et je te casse", expriment l'outrage et la menace ; qu'en disant à X*** : "vous êtes impossible dans la commune, réglez vos comptes", c'était non pas au simple particulier qu'il s'adressait, mais à l'instituteur à raison de ses fonctions ;

Attendu qu'un instituteur n'est pas, dans le sens de l'article 217 de la loi du 17 mai 1819, un agent ou un dépositaire de l'autorité publique ; qu'il n'exerce, à aucun titre, une portion de cette autorité ; que les premiers juges ont donc fait une fausse application […] ;

Attendu, au contraire, que l'instituteur reçoit une mission publique dont l'importante est incontestable et qu'il doit être considéré comme un citoyen chargé d'un ministère de service public […]

Infirme le jugement de première instance ;

Déclare N*** coupable : 1° d'avoir outragé X*** par paroles et menaces ; 2° d'avoir frappé, en lui donnant un soufflet sur la joue, un citoyen chargé d'un ministère public, à l'occasion de ses fonctions […] ; le condamne à deux cents francs d'amende et aux dépens du procès".

 

Revue pédagogique, 1er semestre 1879, volume 3, pp. 512-514

 

 

II. Proviseurs et principaux veulent une répression accrue de la violence (février 1996)

 

Déjà sous le gouvernement Juppé (la Préhistoire !) les chefs d'établissement estimaient que les phénomènes de violence étaient sur une pente ascendante, et adoptaient un discours répressif (à l'occasion de la Table ronde sur la violence), ce qui est le bon sens même, et même le sens bien compris de l'équité, quelques plaintes que puissent éructer les bons apôtres, qui certes ont les mains blanches, mais qui n'ont pas de mains, comme disait le Péguy que vous savez. Il est un temps pour la pédagogie, et il se doit d'être long, et aussi empathique que l'on voudra. Mais il est aussi un temps pour la répression, et il se doit d'être d'une fermeté exemplaire, et sans états d'âme.

Rétablir l'ordre républicain ? Ah, il ne faudrait pas longtemps, face à ces pauvres loubards minables, avec la loi anti-casseurs. Oui, mais loi abrogée, non ? Alors, ne vous plaignez pas, vous qui avez vu sans mot dire un condamné à la prison ferme par la dite loi (ayant de surcroît insulté de façon ignominieuse ses juges), radié de l'Éducation nationale qui plus est, être finalement bombardé Inspecteur général de la dite Éducation nationale.

 

 

III. Prison ferme pour un père d'élève qui avait frappé un directeur d'école (décembre 2000)

 

Le père d'un élève d'une école primaire de Colmar (Haut-Rhin), qui avait frappé... le directeur de l'école, a été condamné à dix mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de la ville. Jugé en comparution immédiate, l'homme âgé de trente-cinq ans, titulaire d'un contrat emploi-solidarité, a également été condamné à deux ans d'interdiction des droits civiques, civils et familiaux.

 

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IV. Un collégien poignarde son professeur pour se venger (janvier 2001)

 

Un enseignant a été blessé dans un collège de Tourcoing, par un élève de Segpa qu'il avait réprimandé pour ses retards à répétition. L'agresseur, âgé de quatorze ans, était connu des services de police pour avoir poignardé son beau-père au début de l'année 2000...

Les journaux

 

 

V. Des enseignants se mobilisent contre la violence en milieu scolaire (janvier 2001)

 

Un enseignant a été agressé par trois élèves (de douze-treize ans !) et poignardé par l'un d'eux (élève de cinquième !) dans un collège du Val d'Oise. "Ce drame n'est pas l'issue d'un conflit, mais un acte délibéré, a déclaré une enseignante. Ils sont venus avec l'intention de planter un prof, n'importe lequel". Désarroi des enseignants, en première ligne, mais démagogie au sommet, où on répugne à entendre parler de l'insécurité...

 

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