Un qui ne s'en laissait pas compter, c'est assurément le sieur Bénazet (1876-1948), député (de gauche !) et ancien ministre. Au plus fort de la Grand Guerre, il n'hésitait pas à mettre les points sur les "i". Et lorsqu'il parle de "souci niais de parisianisme", on s'y croirait presque... Mais son texte a, naturellement, un peu vieilli : les tramways ont disparu du paysage parisien, et il n'y a plus de fraudeurs dans les transports en commun... Et "l'Entente" a vécu [il s'agit de la coalition alors opposée à l'Allemagne. Elle comprenait la France et l'Angleterre puis l'Italie (arrivée en retard) et la Russie (partie en avance, pour cause de révolution)].
En tout état de cause, le second texte donné à lire montre, une fois de plus que nil novi sub sole...

 

Il va sans dire que toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé, toute ressemblance avec des faits réels ne seraient que pures et fortuites coïncidences.

 

 

I. Octobre 1917

 

Je me trouvai, il y a quelques jours, sur la plate-forme d'un tramway qui fait le service de la banlieue. Une discussion très vive s'éleva entre la receveuse et un homme grand, jeune, robuste, à l'accent étranger : il ne voulait payer que deux sous sa place qui en valait trois. Il répondait par des injures aux réclamations de l'employée et, arrivé à destination, il descendit sans avoir réglé le supplément de cinq centimes qu'il devait. Un voyageur ayant voulu s'interposer, l'individu porta vivement la main à sa poche, pour en tirer un couteau ou un revolver. Le tramway s'éloigna, tandis que la receveuse disait à son défenseur :

- Laissez donc ! Ça me coûte un sou ! Ça ne vaut pas un mauvais coup que vous auriez pu recevoir !

 L'homme ricanait, montrant le poing à la voiture. La receveuse ajouta :  

- Tout de même, c'est. malheureux ! J'ai mon mari aux tranchées et ce sale individu, qui aurait l'âge d'être mobilisé, se balade dans notre pays, m'insulte et me vole ! On ne peut donc pas les renvoyer chez eux ?

 Tout le monde approuva ces sages paroles. Cette brave femme posait en effet une question qui préoccupe l'opinion publique et qu'il faut résoudre sans retard. Pourquoi sommes-nous si accueillants envers les étrangers indésirables ?

 Nous n'avons pas à ménager les susceptibilités des gouvernements alliés. Aucun d'entre eux ne serait froissé si des mesures étaient prises contre ces nationaux tarés ou douteux qui ne peuvent que nuire, chez nous, à la bonne réputation de leurs pays. Regarderions-nous comme un acte inamical de la part d'un peuple allié le fait de nous renvoyer un Français qui vivrait d'expédients ? Évidemment non ! De tels personnages ne méritent la protection d'aucune ambassade, d'aucun consulat. Il est juste qu'ils soient restitués à leurs pays d'origine, - on n'ose dire à leurs patries, de peur de souiller ce mot.

 Il ne s'agit pas seulement de basses fripouilles comme celle que j'ai aperçue sur la plate-forme de ce tramway. Il y a lieu de s'inquiéter d'autres étrangers qui ne se font pas transporter par ces véhicules à bon marché, mais qui roulent en taxis ; et même dans des automobiles luxueuses. Ils scandalisent les Françaises qui les voient passer joyeux, bruyants, et qui murmurent,  comme la receveuse, du tramway :

- Pourquoi ces hommes s'amusent-ils chez nous, tandis que nos maris sont aux tranchées ?

 Il y aurait lieu, semble-t-il, d'appeler l'attention des ambassades sur la situation militaire de ces déclassés. Je suis persuadé qu'ils sont en règle. Leur premier soin, en effet, est d'obtenir les papiers qui leur sont nécessaires. Mais ne pourrait-on réviser sérieusement leurs cas de réforme ? Il est évident qu'ils n'ont pas toujours été examinés avec assez de sévérité. Nous avons le droit, et même le devoir, de dire à ces étrangers :

- Notre administration militaire vous enverrait aux armées ou dans les services de l'arrière. Dans ces conditions, nous ne pouvons vous garder en France où vous prenez indûment la place de nos concitoyens soumis aux obligations de la guerre. Retournez chez vous !

 Il va sans dire que les Français qui résident dans les pays alliés seraient soumis au même contrôle des autorités militaires locales et cette réciprocité préviendrait tout froissement entre les divers peuples de l'Entente.

 Il ne s'agit pas seulement de donner satisfaction au public justement irrité d'apercevoir tant d'alliés jeunes et valides, gagnant largement leur vie en France et s'y divertissant, tandis que nos hommes se battent ou sont, du moins, mobilisés dans l'auxiliaire. D'autres raisons nous obligent à nous inquiéter de certains étrangers, - alliés ou neutres -, qui sont en France.

 Je ne parle pas des ouvriers, des agriculteurs, qui remplacent la main-d'œuvre française dont nous prive l'état de guerre. Encore faut-il remarquer que des emplois ainsi occupés pourraient être restitués à nos concitoyens si l'on décidait à libérer les effectifs mal utilisés. Le pouvoir hâterait, sans doute, cette démobilisation logique, si la main-d'œuvre étrangère n'était point là.

 

 

Mais ce ne sont pas ces étrangers, à l'humble et utile labeur, qui nous inquiètent, non plus que les voyageurs de commerce étrangers qui, cependant, placent chez nous des articles qui se substituent à nos produits. Au-dessus de ces questions de concurrence, il y a un problème grave, angoissant. Nous nous sentons troublés devant une société cosmopolite qui possède une apparence frivole, et attire, par son charme, des officiers, des fonctionnaires importants. Nous nous gardons bien de tenir pour suspects des étrangers honorablement connus, dont les moyens d'existence-sont clairs. Les étrangers que nous visons vivent largement sans posséder aucune fortune personnelle, sans exercer aucun métier.

 Ces élégants, nous les rencontrons autour des millionnaires aux nationalités bizarres ou dissimulées que, tout à coup, on est contraint d'emprisonner. Ces oisifs, aux mystérieuses rentes, nous les découvrons comme intermédiaires dans ces marchés qui font hausser les prix des objets de première nécessité. N'est-il pas temps de prendre contre eux des mesures ? Nous croyons savoir que c'est le souhait de ceux qui ont le soin d'assurer la police du pays.

 Il est simple de poser à ces brillants individus ces questions :

- Quelles sont vos ressources ? Combien avez-vous gagné pendant les six derniers mois ?

Comment avez-vous réalisé ces bénéfices ?

La vérification est facile. Si elle démontre que l'intéressé a menti ou si la faible somme, dont il peut ainsi justifier, ne correspond pas au train qu'il mène, l'expulsion s'impose.

 On a essayé d'appliquer cette méthode simple, rationnelle. On s'y efforce encore. Mais, en faveur de l'individu menacé, s'interposent aussitôt des protecteurs !

- Pourquoi l'expulser ? C'est un si brave garçon ! Il ne cherche qu'à s'amuser ! Il adore la France et les Françaises ! Il n'est pas dangereux 1

 Ce sont les arguments qu'on fait valoir. Ils n'ont, par eux-mêmes, aucune puissance. Mais le défenseur qui les présente a souvent une autorité qui entrave la police.

 Ces interventions complaisantes sont blâmables en temps de guerre. Qu'on exige seulement des protecteurs une simple lettre de recommandation et leur nombre diminuera vite. Ils hésiteront presque tous à se compromettre pour des gens dont ils n'ignorent pas, au fond, les tares, mais auxquels ils s'intéressent par une facile camaraderie, par une lâche solidarité de viveurs, par un souci niais de parisianisme.

 Nos soldats défendent le pays à l'avant. Défendons-le à l'arrière. Renvoyons les étrangers douteux. Il est incroyable que des mesures administratives ne nous aient pas encore délivrés de tous les rastaquouères qui furent déjà l'objet de plaintes et d'informations judiciaires, de tous ceux qui ont une réputation bien établie d'immoralité. Débarrassons-nous de tous ces individus louches. Les honnêtes alliés qui vivent en France nous sauront gré d'avoir éloigné ces êtres, malfaisants, qui les compromettent, et qu'ils rougissent d'avoir pour compatriotes.

N'hésitons pas ! Épurons !

 

© Paul Bénazet, Député (Gauche démocratique) de l'Indre, in Le Petit Journal, 2 octobre 1917.

 

 

II. Octobre 2018

 

Réaction d'un lecteur du "Point", à la suite d'un article publié dans le n° 2404 du 27 septembre 2018 sur les sagouins, ou le règne des incivilités.

 

Deux comportements et deux résultats

 

SNCF ligne Ermont Eaubonne, 2018 - QUATRE contrôleurs dont un très costaud et une femme. La femme effectue les contrôles. Un petit mec genre nerveux énervé, sac à dos, tatouages.

"Contrôle des titres de transport, SVP".

Murmures indistincts pour toute réponse.

"Monsieur, votre titre de transport".

Le fraudeur se contente de l'insulter vulgairement et profite de l'arrêt en gare pour quitter le wagon.

"Ça s'appelle outrage à un agent public, monsieur ! "

Le contrevenant s'éloigne CALMEMENT en lui faisant un doigt d'honneur.

Pas la moindre réaction des autres contrôleurs dont le costaud.

MAUVAIS LANGAGE, le contrevenant ne comprend PAS.

 

Métro de Prague, 1974. Bornes de validation des entrées.

Pas de tickets ni de cartes d'accès, on insère juste la pièce ad-hoc dans la fente de la borne.

Pas le moindre contrôle ? Ah si, quand même.

Deux grands gaillards blonds, clones d'Ivan Lendl (soit environ 1, 88 m et 90 kg) devant les plots d'accès. Ils discutent entre eux et blaguent parfois avec certain(e)s passant(e)s.

Aucune fraude, aucune contravention, aucune contestation, aucun désordre. Simple détail, les deux Ivan Lendl portaient chacun au côté, bien en évidence, un long bâton en bois.

BON LANGAGE compréhensible par TOUS.