La France condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme ! Ce n'est pas la première fois, mais ici ça fait particulièrement plaisir. Le clan Mitterrand (par le truchement de son conseil) a beau dire que cette décision de justice a quelque chose d'un peu ridicule (certes, une décision de justice mettant fin à une incroyable interdiction de lecture durant depuis deux lustres, c'est ridicule ! Comme le fait que les juges européens déboutent les juges français ayant estimé que cet ouvrage était "un abus caractérisé de la liberté d'expression", c'est évidemment ridicule !), elle est, au contraire, fort importante. On peut lire, à nouveau, Le grand secret, dont voici un tout petit extrait (il faut bien reconnaître - ce n'est pas un grand secret - que les qualités littéraires de l'ouvrage sont assez ténues !) : c'est là une incontestable victoire du droit fondamental à la liberté d'expression - dans le respect, naturellement, des individus].

 

 

François Mitterrand me donne carte blanche pour organiser et superviser sa couverture médicale. Cette question lui paraît secondaire et il souhaite qu'on s'arrange en coulisses sans l'importuner. Ma première tâche consiste à organiser la structure hospitalière sur laquelle nous allons pouvoir nous appuyer.

 

 

J'ai le choix entre le Val-de-Grâce et l'hôpital Cochin, les militaires ou l'Assistance publique. Pourquoi Cochin de préférence à tout autre hôpital parisien ? Sans doute parce que le général de Gaulle s'y était fait opérer de la prostate en 1964, et qu'à cette occasion des locaux spéciaux avaient été aménagés pour le chef de l'État.

Je mène incognito, sur place, une enquête comparative d'où il ressort que le service de santé des armées possède toutes les qualités requises. D'abord l'expérience, puisque depuis les débuts de la V e République, le Val-de-Grâce suit tous les notables, du chef de l'État aux députés en passant par les ministres. Ensuite la connaissance des lieux, indispensable en cas d'urgence, pour les médecins-aspirants, détachés du service de santé des armées à l'Élysée, chargés de la couverture médicale quotidienne du Président. Le Val-de-Grâce possède une infrastructure solide et performante ainsi qu'une capacité d'intervention rapide. Enfin, je supposais que le goût du secret légendaire chez les militaires serait précieux en cas de problème.

Avec le général Laverdant, gastro-entérologue, chef de service à la clinique médicale du Val-de-Grâce, et le général Thomas, directeur du Val, nous établissons fin 1981 - début 1982 ce qu'on appelle dans notre jargon les procédures ou les plans d'urgence, selon l'emploi du temps du Président. Ce dispositif de secours, baptisé plan Vega, prévoit les hypothèses les plus variées en fonction du lieu où se trouve le chef de l'État : à Paris, dans la région parisienne, à Latche ; des circonstances : voyage officiel ou privé, court ou long, en France ou à l'étranger dans un pays où l'infrastructure médicale est moderne ou au contraire insuffisante. Pour chacun de ces cas, les autorités médicales, administratives et militaires sont désignées, et les moyens hospitaliers recensés. Le plan Vega établi en février 1982 a été réactualisé en 1991. Il a donc donné satisfaction pendant deux septennats. Dans son introduction il est dit qu'il a pour but de «mettre à disposition du président de la République tous les moyens nécessaires à assurer sa sécurité en cas d'incident ou d'accident».

Plusieurs tests d'évaluation du dispositif ont été effectués à Paris et sa région ainsi qu'en province. Par exemple, nous avions envisagé l'hypothèse d'un accident de la circulation sur la route nationale 10, au lieu-dit La Lanterne à Versailles. «La victime, indique ce scénario catastrophe, a reçu un choc violent au niveau du thorax et de l'abdomen, et présente des difficultés respiratoires tout en étant conscient. Le pouls est rapide». Minute par minute, les détails des secours sont ensuite énumérés sur la base du premier bilan clinique établi par le médecin du Samu. On y apprend qu'il a fallu onze minutes aux sapeurs-pompiers pour arriver sur place, douze minutes aux premiers secours médicaux, et que quarante-deux minutes après l'accident, la «victime» était hospitalisée.

Au moment où ces procédures sont mises au point, François Mitterrand est un homme de soixante-cinq ans, apparemment en parfaite santé. Aucune mesure particulière n'est prise. On entre simplement dans la routine propre à la protection médicale du chef de l'État. Le président a une hygiène de vie satisfaisante. Il mange et dort bien, boit peu, ne fume pas, joue encore au tennis et s'est remis au golf. Il a la silhouette alourdie d'un sexagénaire en forme. Ce qui n'empêche nullement les rumeurs les plus malveillantes de circuler fréquemment sur sa santé.

Ainsi, en 1974, j'ai entendu au cours d'un dîner l'un des convives affirmer d'un ton péremptoire, ne sachant pas que j'avais le futur président comme patient : «Mitterrand est gravement malade, il est condamné. Je le tiens de mon anesthésiste qui connaît son médecin personnel...» C'est une constante de notre société. Dès qu'un homme ou une femme accède à une certaine notoriété, à plus forte raison si c'est un homme politique qui dérange et qu'une élection approche, les rumeurs sur sa santé, ses mœurs, son passé, ou l'origine de sa fortune se multiplient et trouvent partout une attention complaisante et des relais zélés.

En 1977, à la veille d'élections législatives pour lesquelles la gauche était donnée favorite et François Mitterrand susceptible de se retrouver à Matignon, les rumeurs reprirent de plus belle. Le principal intéressé préférait ironiser : «Laissons les médecins de Molière se livrer à leur diagnostic. Ces maladies sont d'autant plus mystérieuses que je n'en étais pas moi-même informé. Je peux éternuer quand passe un courant d'air sans qu'il faille qu'il soit mortel. J'ai l'impression, de la façon dont on m'ausculte, que cela dénote une certaine nostalgie».

Deux mois après son élection, François Mitterrand reçoit Jean Lecanuet, dirigeant du CDS, ancien garde des Sceaux, et lui tient des propos insolites :

- J'ai le pouvoir, j'ai les institutions, je suis ici pour sept ans.

- C'est la durée normale du mandat, répond son interlocuteur qui ne sait pas où le Président veut en venir.

- Normale, oui. Mais qu'est-ce qui peut mettre fin à un septennat ? Un cataclysme mondial, un accident de santé. Oh, je sais, on glose sur ma santé !

- Je ne suis pas au courant.

- Comment, vous ne le savez pas ? On raconte que j'ai une maladie, que j'ai un cancer. Des journaux l'ont écrit.

- Je ne lis pas les mêmes journaux que vous, murmure Jean Lecanuet, abasourdi par cette franchise inattendue.



À la différence de ses prédécesseurs, le Président a pris l'engagement de publier un bulletin de santé semestriel. Valéry Giscard d'Estaing en avait fait la promesse en 1974, mais sans donner suite. François Mitterrand, fortement impressionné par la fin pitoyable de Georges Pompidou qui traumatisa le pays, avait décidé de tabler sur la transparence médicale. Cette servitude nouvelle devait peser très lourd sur les événements à venir.

Des examens biologiques, cliniques, paracliniques, etc., furent réalisés dès son entrée en fonctions afin de rédiger le premier bulletin. En juin-juillet 1981, tout était parfait, il n'existait aucun signe d'appel d'une quelconque maladie, hormis peut-être - mais il est facile de le dire avec le recul du temps - quelques petits troubles communs à la plupart des hommes de plus de soixante ans.

Il n'est pas prévu que je l'accompagne dans ses voyages et je continue mon activité professionnelle, cabinet, clinique, hôpital - la vie ordinaire d'un médecin, d'un généraliste de quartier. Entre juin et octobre, j'ai dû être appelé une ou deux fois seulement rue de Bièvre, pour soigner une fatigue passagère ou un mal de gorge. Rien de plus.

Tout a commencé au retour du sommet de Cancún, fin octobre. Avant de partir pour son premier grand voyage à l'étranger, le Président se plaint d'avoir mal au dos et à la jambe. Il boite, ne se sent pas en forme et souffre. Je le place sous antalgique et sous anti-inflammatoire. Remèdes banals puisque les examens ne sont pas révélateurs. Inutile d'innover, même si le patient est président de la République.

Devant la persistance des douleurs à la cuisse et de cette boiterie gênante, sur lesquelles le médecin-colonel Dorne qui l'avait accompagné au Mexique attire mon attention, nous décidons, les médecins du Val-de-Grâce et moi-même, de tenir une réunion à l'Élysée où nous examinerons le Président. Pour la première fois, est avancée l'hypothèse d'une affection de la prostate. Le général Laverdant observe qu'elle a un volume important. Le général Thomas remarque une impression de dureté. Ce dernier signe nous inquiète et nous décidons d'effectuer une batterie d'examens. Ils se font dans le plus grand secret le samedi 7 novembre 1981.

Une voiture sans escorte - ma vieille DS - a amené le Président au Val-de-Grâce où il a été admis discrètement, sans respecter des procédures habituelles. Pour éviter les indiscrétions, il sera inscrit sous le nom d'Albert Blot, qui est celui du beau-frère du général Thomas, directeur du Val. On procède à une scintigraphie osseuse et à une urographie au moyen d'une injection d'iode, que le patient supporte mal. Il profite de l'attente nécessaire (deux heures environ) à la fixation du produit radioactif pour aller déjeuner rue de Bièvre avant de revenir à l'hôpital dans l'après-midi.

Toutes les précautions avaient été prises pour que son passage au Val-de-Grâce demeurât secret, mais ce fut pourtant un échec. Le fameux secret militaire qui devait s'ajouter au secret médical ne fut pas observé. La semaine suivante Paris-Match révèle, photographie à l'appui, l'hospitalisation mystérieuse du Président. Coup de tonnerre dans le Landerneau politique !

Avant même que l'hebdomadaire ne sorte, la Présidence de la République avait eu connaissance de la fuite. À deux reprises, le lundi 16 novembre, jour de bouclage, Pierre Bérégovoy avait téléphoné à la rédaction. Le secrétaire général de l'Élysée voulait savoir s'il était exact que Paris-Match s'apprêtait à parler de la santé du Président. Deux fois, la direction du journal lui fait répondre que c'est faux. Le montage du sujet «Mitterrand au Val-de-Grâce» avait été camouflé. À la place des quatre pages du scoop, Roger Thérond, directeur général de l'hebdomadaire, avait placé bien en vue un reportage sur Tino Rossi, afin d'égarer les curiosités... La substitution ne se fera qu'au moment d'envoyer les pages à l'imprimerie. Il faut éviter les bavardages qui risquent d'éventer le scoop avant la sortie du journal. Un hebdomadaire est tributaire de délais de fabrication qui pendant au moins trente-six heures le placent en situation de vulnérabilité extrême par rapport aux médias plus rapides que lui. D'autre part, il convient de ne pas alerter la « victime » du sujet caché, afin de ne pas lui laisser le temps de s'opposer à sa parution, notamment par voie de justice.

À l'époque, la presse ignore l'attitude que François Mitterrand adopterait en cas d'atteinte à sa vie privée ou de diffamation. Cette affaire allait précisément confirmer ce qu'il avait promis, à savoir qu'il ne poursuivrait jamais un organe de presse, quelle que soit la nature de l'ouvrage, et que les sujets concernant sa santé n'étaient pas tabous.

Les résultats des examens sont très vite connus. Ceux de la scintigraphie sont sévères. Le test spécifique du cancer de la prostate a fait péter les tubes ! Les taux sont inouïs ! Diagnostic : cancer disséminé.

Dès le lundi matin 9 novembre, le Président réclame les résultats. Je n'ose pas les sortir de ma poche. Je gagne du temps. Ce n'est pas facile d'avoir à dire certaines choses au chef de l'État, même si l'on veut ne le considérer que comme un homme ordinaire. Le jeudi 13 novembre, à 9 heures, il me reçoit dans son bureau à l'Élysée et je lui explique que les conclusions des examens ne sont pas bonnes. Je lui fais comprendre qu'il a un cancer, mais le mot n'est pas prononcé, non plus que celui de dissémination. L'entretien se déroule mieux que je ne le craignais. Il n'a pas posé de questions trop précises m'obligeant à des réponses brutales. Il ne comprend pas le rapport entre sa douleur à la cuisse et la prostate. Il ne semble pas inquiet. Lorsque je lui fais part du souhait des militaires de l'hospitaliser quelques jours, il s'insurge: «Pas question !»

Les réunions au Val se succèdent et, au cours de l'une d'entre elles, les généraux Laverdant, Thomas et Dali (assistant de Laverdant) manifestent leur embarras et leur inquiétude. «Le Président nous traite un peu à la légère, disent-ils. Ça ne peut plus durer. Il est absolument nécessaire d'établir un document écrit, signé par nous tous, relatant ce que nous avons fait». Le Président estimait en effet qu'on lui « cassait les pieds » avec ces examens qu'il ne prenait pas au sérieux.

«Qu'est-ce que décide le Président ? me demandaient les généraux. - Rien, il dit seulement qu'il va réfléchir». Ce qu'ils redoutaient, c'était d'encourir le reproche de l'avoir mal soigné.

La démarche est surprenante, insolite. Un document est rapidement rédigé, signé page par page comme un acte notarié. Il dégage la responsabilité des médecins militaires au cas où le Président refuserait de se faire soigner par eux ou par d'autres. Dans le dernier paragraphe, il était notifié que le Président accepterait l'idée d'appeler un nouveau médecin. Je lui ai donc proposé une liste de plusieurs grands patrons en urologie et, après hésitation, il a arrêté son choix sur le professeur Adolphe Steg. «Je le connais. Je l'ai rencontré à un congrès de la communauté juive». Je vais voir Steg à Cochin et, après lui avoir demandé la plus grande discrétion sur ma visite, je lui décris la situation, dossier en main.

Rendez-vous est pris un soir à l'Élysée. Nous sommes le 16 novembre 1981. Nous arrivons à 20 heures. François Mitterrand, en costume bleu, nous reçoit dans ses appartements privés. Nous allons dans la salle de bains. Steg l'examine, puis, pendant que le Président se rhabille, il fait une grimace et me confie à mi-voix : «Localement tout est normal». Avant que j'aie le temps d'exprimer mon étonnement, il ajoute : «Mais il n'y a aucun doute, les localisations osseuses sont d'origine prostatique !»

Nous repassons tous les deux dans le salon. Que lui dire ? nous nous interrogeons. «La moyenne de survie, c'est trois ans, murmure Steg, sauf cas rarissimes». J'ai les mains moites, la gorge nouée par une émotion grandissante. Blêmes, nous rejoignons le Président dans la salle de bains. Il est assis sur une chaise près de la porte qui mène à sa chambre, tassé sur lui-même. Nous sommes debout devant lui. Je dis : «nous avons examiné ensemble votre dossier et M. Steg va vous donner ses conclusions».

Steg prend le relais : « Voilà, mon devoir est de ne pas vous cacher la vérité ; vous avez un cancer de la prostate qui est diffusé dans vos os, et cette diffusion est importante. » Le Président murmure : «Je suis foutu». Steg lui répond : «On ne peut pas dire ça, voyons, on ne peut jamais dire qu'on est foutu. Avec M. Gubler nous allons faire ce qu'il faut...». Le Président l'interrompt : «Arrêtez vos salades, je suis foutu. - Il est vrai que c'est sérieux, reprend Steg, mais nous allons commencer un traitement. Il faut nous laisser faire. Il est important que vous soyez d'accord avec ce que nous allons faire sinon... - Sinon, je suis foutu, vous ne me donnez pas le choix».

La scène est extrêmement dure, pénible. Le visage du Président est devenu gris, il baisse la tête et ne dit plus rien. Ni Steg ni moi n'osons parler. François Mitterrand reste assis sans bouger. Les secondes passent. Je me tiens près de la fenêtre et d'un doigt j'entrebâille le rideau pour regarder les arbres du parc que je ne vois pas, car je suis envahi par un flux d'images : le Président est mort, il y a des funérailles nationales, de nouvelles élections... Le film se déroule. Et lui ? J'aimerais tant savoir quelles pensées l'assaillent dans ce silence qui n'en finit pas. L'évocation du mot cancer que nous venons de lui jeter le conduit-il à ce constat cruel : je viens d'être élu et je vais mourir ?

Enfin, toujours silencieux, il se lève de sa chaise. Nous retournons dans le salon où Steg lui explique ce qu'il envisage de faire. «Nous allons essayer quelque chose. C'est un traitement qui a déjà fait ses preuves ; il est à base de perfusions presque quotidiennes. Il faut commencer dès demain». Sans rien dire François Mitterrand nous raccompagne jusqu'à l'escalier, remercie Steg, se tourne vers moi et me dit : «À demain». Ce furent ses seules paroles. Comme deux fantômes, nous descendons jusqu'à la cour Est où j'ai laissé ma voiture. Pendant quelques minutes, nous tournons en rond sur les pavés, dans l'obscurité. «C'est très mal parti, conclut Steg, surtout quand un cancer de la prostate commence par être métastasé alors que localement il n'y a rien... Par contre, il faut qu'on arrive à enrayer tout ce qui se passe ailleurs, sinon il est perdu». Je lui repose la question qui m'obsède : «Combien de temps ? - Si on ne parvient pas à enrayer, c'est quelques mois. De toute façon, me répète-t-il, la moyenne de survie est de trois ans».

[© Dr Claude Gubler & Michel Gonot, in Le grand secret, Éditions Plon, Paris, 1996].

 

 

[On complètera avantageusement les "bonnes feuilles" ci-dessus exposées en lisant le facétieux billet d'humeur que Jean Dutourd donna à France-Soir, le  21 janvier 1996, au sujet de la publication du livre du Dr Gubler].

 

 

Deux septennats de silence

 

Dans l'affaire du Dr Gubler, médecin de M. Mitterrand, qui vient de publier un livre dans lequel il révèle que le ci-devant Président était déjà atteint d'un cancer lorsqu'il entra à l'Élysée en 1981, il y a une question qu'on n'a pas posée et qui pourtant n'est pas sans intérêt : ce médecin était-il membre du parti socialiste ?
Si ce n'est pas le cas, il est singulier que le Président ait confié le soin de s'occuper de lui à un mou, un tiède, un indifférent, un apolitique, voire un homme de droite. Lorsqu'on est un chef d'État comme était M. Mitterrand, entouré de passions fanatiques, adoré des uns, honni des autres, on ne met pas sa santé entre les mains de n'importe qui. On ne choisit pas seulement un bon praticien, mais aussi un individu qui pense bien. C'est-à-dire un disciple qui vous aime, qui vous vénère, qui vous considère comme essentiel au salut de la patrie. Ces sentiments augmentent sensiblement le zèle, je crois, et peut-être l'efficacité.
Si le Dr Gubler est socialiste, comme il serait normal, que va faire le P.S. ? Le conserver dans son sein ou lui ôter sa carte ? Voilà encore une question intéressante que je n'ai vue évoquée nulle part.
Je me souviens qu'en 1981, M. Mitterrand, à qui personne ne demandait rien de tel, s'engagea solennellement à fournir tous les six mois son bulletin de santé à l'opinion publique. Ce bulletin était signé, je suppose, par le Dr Gubler qui ne craignait pas de proclamer au pays que son illustre patient se portait comme le Pont-Neuf. C'était pousser un peu loin le secret professionnel et, oserai je dire, le confondre avec le secret d'État auquel les médecins, à ce qu'il me semble, ne sont pas tenus, fussent-ils socialistes. Peut-être ces quatorze ans de silence pesaient-ils au Dr Gubler. D'où le bouquin qu'il publie en ce moment. Enfin dire la vérité, quel bonheur, quel soulagement !
Dernière remarque, que peut-être le cher docteur a faite dans son for intérieur : c'est qu'il faut être un médecin diablement habile et sérieux pour maintenir en vie un cancéreux pendant quatorze ans. Je ne serais pas étonné que, grâce à son livre, sa clientèle augmentât notablement. Il est vrai que le métier de M. Mitterrand l'a bien aidé. Rien n'est meilleur pour la santé que de travailler beaucoup, d'avoir l'esprit occupé de grands desseins et de subtiles combinaisons politiques. Cela stimule l'adrénaline et tient la maladie en lisière.

Tous les cancéreux ne sont pas présidents de la République. Aussi n'écrit-on guère sur eux.

 


 

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