Après les "révélations" concernant le trouble passé de François Mitterrand, qui ne signerait des deux mains cette "confession" bouleversante ?

 

 

François Mitterrand a été pétainiste ; il a servi Vichy et, simplement, rallié la Résistance assez tôt et habilement pour en tirer un important profit politique à la Libération. Tout cela n'est que trop normal, et dans la moyenne française, justement.

Ce qui pose problème réside ailleurs. L'aventure personnelle de cet opportuniste obstiné et ambitieux devait le conduire à diriger le combat de la gauche et à connaître le fabuleux destin que l'on sait. Que François Mitterrand, là encore, ait savamment voilé une partie de son passé n'a rien d'étonnant : il ne fut pas le seul.

Mais, pour ceux qui ont cru à sa sincérité lors de la rénovation du Parti socialiste et des luttes qui suivirent, ce rappel inspire un doute. Si l'ami de Bousquet, l'admirateur de Benoist-Méchin, le Garde des sceaux de Guy Mollet, le candidat anti-gaulliste de tous les républicains (de Tixier-Vignancour aux communistes) en 1965 s'est métamorphosé en prétendant à la succession de Jean Jaurès et de Léon Blum, n'aurait-ce pas été, par hasard, dans le même esprit que celui qui présida à ses engagements de jeunesse : la quête égotiste du pouvoir, de la réussite individuelle ? Du nationalisme au socialisme, le principe apparent de l'entreprise avait changé : cela, au fond, avait-il tant d'importance ?

À l'heure des bilans, on voit où conduit pareille attitude. La gauche laminée, son programme désintégré, sa réputation morale définitivement atteinte. Reste la gestion d'un capital électoral amenuisé auquel on explique que les pauvres ont bien de la chance d'avoir un président pour les défendre.

Un des grands remords des hommes de ma génération aura été d'avoir cru, un moment, à la sincérité politique de François Mitterrand.

 

© Un lecteur du Monde, 17 septembre 1994, p. 2

 

 


 

 

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