Ou : Les minutieuses notes d'un petit scribe socialiste fort appliqué, Joseph Delcroix

 

Dire que la découverte de cet incroyable réseau de fausses factures résulte, au départ, d'un accident du travail, survenu en 1990 au Mans ! Instruisant l'enquête diligentée sur les causes de cet accident (ayant entraîné la mort de deux ouvriers), le juge manceau Thierry Jean-Pierre tombe, par hasard, sur le pot aux roses.
Dire qu'on nous avait seriné que la Gauche, c'était la morale ! On a pu vérifier l'authenticité de cette parole verbale, dès lors que le PS était visé pour extorsion de fonds, corruption, faux et usage de faux... et autres babioles.
Le juge Jean-Pierre, comme l'inspecteur de police Gaudino (c'est lui qui, au cours d'une perquisition en avril 1989, eut la bonne fortune - mais funeste pour sa carrière - de tomber sur les quatre "cahiers Delcroix") ont, quant à eux, dans des registres différents, pu mesurer l'ignominie du monde politique, ici "progressiste" - ou se prétendant tel.
Les Henri Nallet, Lionel Jospin (mais oui, mais oui, l'incorruptible), Michel Rocard (mais oui, mais oui), Pierre Arpaillange, Pierre Joxe, Pierre Mauroy (sur ces Pierre je bâtirai mon pouvoir) et bien d'autres encore ont été sauvés par l'incroyable amnistie (dont une grande partie des dispositions avait été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel !) destinée, paraît-il,  à "moraliser" la politique...
En définitive, seul Emmanuelli, sorte de paratonnerre ou de fusible de type (relativement) naïf écopa d'une peine légère. Il n'était pourtant pas le plus mouillé, loin de là.

Dans une interview accordée à l'Humanité, le juge Jean-Pierre devait déclarer : "1981 marquait pour moi l’arrivée d’une éthique, d’une certaine morale. (…) C’est pour cela qu’on élit la gauche. Et quand on voit ce qu’elle est devenue dix ans plus tard, c’est vrai que ça rend très très amer".  Ah, la politique n'est plus ce qu'elle était, comme dit René Rémond, et les enfant de Marie de la SFIO font bien pâle figure, à côté des sinistres magouilleurs et autres aigrefins du PS !
Les habituels défenseurs de l'indéfendable auront beau crier sur les toits que Jean Montaldo, qui a publié et commenté les "cahiers Delcroix" (Jo Delcroix, scribe particulièrement scrupuleux de tous les rackets, de toutes les combines et malversations du PS)  est un fieffé homme de droite, qu'il sue la haine anti-socialiste, et autres pauvres arguments éculés, ce n'est pas lui, le malhonnête. Et rien ne vaut la lecture de quelques-unes de ses pages pour se faire une idée de l'incroyable corruption appliquée à la France dans les années Mitterrand : quand on affirme que le texte complet est abominable, on est encore en-dessous de la vérité. Ce n'est pas parce q'un Inspecteur de police plus curieux, ou plus courageux, que bien d'autres a été vidé de son poste (c'est vrai que Pasqua, ultérieurement l'a réintégré - pour la forme, car l'oiseau avait compris la musique) que pour autant, le fil qu'il avait commencé à tirer - au milieu de quelles difficultés ! - n'avait pas, à son extrémité, des choses fort intéressantes à montrer pour l'édification du citoyen moyen, pratiques peu ragoûtantes (en comparaison, les incontestables filouteries chiraquiennes ne sont que roupies de sansonnet) qu'il fallait à tout prix cacher. Pratiques peu ragoûtantes qui ont été bien oubliées, depuis...
Et les socialistes se sont refait une virginité, se montrant aujourd'hui plus blancs que neige, et naturellement impitoyables censeurs de l'ère sarkozyste. On songe irrésistiblement à cette phrase de Proust : "Des ministres tarés et d'anciennes filles publiques étaient tenus pour des parangons de vertu". Aussi, lorsqu'une certaine Martine Brochen, dite Aubry, s'exclame que Sarkozy fait honte à la France, la main démange de toutes les paires de claques qui se perdent...

 

 

"Les socialistes ont une si haute idée de leur propre moralité qu'on croirait presque, à les entendre, qu'ils rendent la corruption honnête en s'y livrant, loin qu'elle ternisse leur vertu quand ils y succombent" J.-F. Revel, La connaissance inutile, p. 160.
On ferait un roman des ravages de l'argent-roi qui déferla sur une France socialiste : à peine revenue de sa «rupture» avec le capitalisme, elle lui tomba dans les bras comme un séminariste dans ceux d'une fille de joie. [...] Pourvu qu'à l'ère de la ruse, de l'ombre trouble, de la tolérance amusée pour les filous succède celle de la dignité publique !" Claude Imbert, Le Point, 18 février 1995
 
Ah ! la belle équipe que voilà ! J. Montaldo

 

 

9 mars [1987]. Les méthodes musclées des commandos Monate portent leurs fruits. Quarante entreprises ont déjà réservé des stands pour le congrès socialiste de Lille. Au final des courses, "cinquante-deux" auront craché au bassinet. Et Urba leur aura "soutiré" la modique somme de "cinq millions de francs". Malheureusement, il y a des défections : "Montenay nous claque dans les pattes", note Jo Delcroix. Une autre annulation fait mauvais genre: Les Nouveaux Constructeurs, le groupe immobilier d'Olivier Mitterrand - le propre neveu du Président -, oppose un "niet" formel. Lui n'a pas besoin d'Urba pour décrocher ses marchés.

30 mars. Urba croule sous les Pascal, l'or et l'argent. Les caisses débordent. Le député de Marseille Philippe Sanmarco vient d'annoncer, pour sa seule ville, "un chiffre d'affaires [sic] compris entre 10 et 20 unités [millions]". Promesse enregistrée par Urba, le 23 mars. Devant son état-major, Gérard Monate peut s'exclamer, sans rire : "Heureusement qu'on a le 'Congrès' sinon on ne saurait pas comment dépenser !"

Les camarades d'Urba auraient été bien inspirés d'aller prendre des cours de gabegie chez Bernard Tapie, la coqueluche de François Mitterrand. Bientôt, les occasions de dépenser ne manqueront plus. Après le congrès PS de Lille - simple amuse-gueule - un autre objectif se profile, autrement plus stratégique : "Maintenant, il faudra penser aux présidentielles", prévient Gérard Monate, toujours premier de corvée.

2 avril, 15 heures. On est au jour J-1 du congrès socialiste. Salle Amaryllis, à l'hôtel Ibis de Lille, l'équipe des délégués d'Urba est au grand complet. Pour l'heure, après l'exposé traditionnel du président Monate, on inventorie diverses "solutions pour maintenir ou développer le chiffre d'affaires". Les délégués sont invités à la "sélection [sic] d'entreprises françaises à promouvoir [resic] par Gracco", et à étudier les "organigrammes de groupes tels que CGE, SLEE, Bouygues, SAE ou SOGEA". Autant dire le gratin du BTP français.

La preuve est donc bien rapportée, par le directeur administratif d'Urba, que la corruption n'est pas organisée au niveau des entreprises. Sans qu'elles le sachent, celles-ci sont examinées à la loupe par les vautours du PS, avant qu'ils ne reçoivent l'ordre de s'abattre sur elles.

Ensuite, et tout naturellement, l'éternel problème de la "clé de répartition" des commissions engrangées, grâce à leur racket, revient sur la table. Pour le lendemain soir, à Lille, un dîner est prévu avec les représentants de l'Aecl [Assurance expertise des collectivités locales], la très spéciale société d'assurances du Gie [Groupement d'intérêt économique] .Pendant que, en public, les camarades dirigeants du Parti amuseront la galerie, en chantant L'Internationale, ce sera, pour Urba, l'occasion de parfaire son dispositif d'attaque, en vue d'une plus complète pénétration des collectivités locales socialistes dont les contrats d'assurances représentent une manne fantastique.

Gérard Monate est radieux. Avant de lever la séance, le président d'Urba proclame, tout fier :

"Nous battons des records de réservations de stands... Même si nous avons perdu le pouvoir [lors des élections législatives de mars 1986] et sommes privés de nationaux (exemple: RATP et PTT)".

Cette privation ne durera plus très longtemps. Dans un an, au printemps de 1988, grâce au retour des socialistes au gouvernement, après la réélection du Président Mitterrand, le racket repartira de plus belle dans le secteur public et les sociétés nationalisées.

11 mai. Une fois retombée l'euphorie du congrès de Lille, la réalité reprend doucement ses droits. Les grandes manœuvres commencent pour l'organisation du financement frauduleux de l'élection présidentielle des 24 avril et 8 mai 1988. Le président Monate a déjà reçu des instructions de la rue de Solférino. D'emblée il annonce la couleur:

"Pour la campagne 1988, sur 100 unités [millions de francs], le PS nous réclame 20 à 25 unités [millions]".

Autrement dit, alors qu'à cette date le Président de la République fait durer le plaisir et n'a pas annoncé son intention de se porter candidat à sa propre succession - ce ne sera chose faite que dans dix mois, le 22 mars 1988 ! -, Urba lance déjà ses légions de carnassiers aux trousses des malheureuses entreprises choisies comme proies. La saison de chasse est avancée. Rue de Solférino, l'équipe de Lionel Jospin est fébrile. Urba va devoir régler un quart des 100 millions de francs dont le candidat François Mitterrand aura besoin pour sa réélection. Plus tard, quand tout sera découvert, le Président ne pourra pas nous rétorquer - ce que d'ailleurs il s'est bien gardé de faire - qu'il a tout ignoré de l'origine de cet argent sale issu de la corruption. Par six fois, au moins (en 1984, 1986, 1987, 1988), Joseph Delcroix mentionne dans ses cahiers les réunions des dirigeants d'Urba avec le "contact Élysée", alias Jean-Claude Colliard, le directeur de cabinet du Président de la République.

À aucun moment, la Justice ne manifestera l'intention d'entendre Colliard... comme témoin. Elle n'a pas tenté, non plus, de savoir pourquoi, à cette date du 30 mars 1987 et alors que le fisc continue de voir, sans réagir, les fraudes du Gie, Joseph Delcroix écrit à propos de Superman Monate :

"GM [Gérard Monate] a vu 'les impôts'. Ça s'est bien passé".

Décidément à la Direction des Impôts, on n'a rien à refuser à Gérard Monate et à ses racketteurs. La fête continue.

4 juin. Lors de la traditionnelle réunion des délégués régionaux d'Urba, l'exposé de Gérard Monate est interrompu par l'arrivée d'Alain Coquard, un ancien du cabinet de Louis Mexandeau, au ministère des PTT. Ce militant du PS est le PDG de la société Citécâble, spécialisée dans l'installation de chaînes de télévision câblées. Ses clients : les petites et moyennes communes, le plus souvent socialistes. Coquard commence par un exposé sur le "plan câble", le ruineux programme - une vingtaine de milliards de francs - que mettent en œuvre les pouvoirs publics pour promouvoir cette nouvelle technique de diffusion télévisuelle.

Bien qu'Urba soit intéressée à l'opération, Coquard est surtout là pour participer à la mise au point d'un dossier autrement plus délicat : le très confidentiel financement de la "campagne présidentielle", dont le premier tour interviendra dans moins de dix mois. Comme de coutume, Delcroix ne perd rien des propos du "président".

"SVP : l'Élysée et [le] trésorier [du PS] "cumulés" [ont besoin], sur 100 millions de francs, que 25 % soient pris en charge par le Gie 'en un court temps'. [Il faut aller] au-delà de la gestion habituelle. [À cet effet], un effort est demandé à nos fidèles élus ; la trésorerie [est] à accélérer avec l'aide des élus ; [il faut] veiller à la facturation, veiller aux encaissements et [il y aura une] démarche de Gérard Monate aux élus : pendant la campagne présidentielle ne faire payer des retombées [c'est-à-dire l'argent dû aux élus et au Parti] que l'essentiel, ne pas utiliser à plein la trésorerie. Attention, on n'ampute pas, il faut rassurer... l'image du groupe s'est améliorée. Le PS nous aidera..."

De cet édifiant exposé, il ressort indubitablement que le financement frauduleux de la campagne présidentielle de François Mitterrand, en 1988, est - du moins dans les hautes sphères du Parti - un secret de polichinelle. Pour venir en aide au président candidat, satisfaire ses besoins, les camarades doivent restreindre leur train de vie, se contenter de l' "essentiel". Le Gie se doit de donner l'exemple :

"Il faut, [dit Monate] vingt-cinq millions de francs [pour les] présidentielles. [Pour cela, il est nécessaire [d'] inverser [la] tendance habituelle : pas d'avance aux élus; éviter [les] 'grosses dépenses' pendant [la] période présidentielle, baisser de moitié les dépenses [des] retombées A...".

Par "retombées A", il faut comprendre les sommes portées au crédit des élus socialistes dans les comptes secrets d'Urba. Les maires, conseillers généraux et parlementaires concernés passeront à la caisse, mais après que le Président de la République aura été servi.

Lors de la même réunion, l'expert-comptable et commissaire aux comptes d'Urba, David Azoulay - celui qui, le 30 juin 1988, osera certifier exacts au Conseil constitutionnel les comptes de campagne de François Mitterrand qu'il savait faux - explique la mécanique à mettre en place.

Azoulay est un virtuose. II n'a pas son pareil dans l'organisation des fraudes fiscales, commerciales et, plus généralement, pénales, celles dont Urba a besoin pour blanchir ses fonds de mauvaise provenance. Oubliant ses devoirs (1) et fort de l'impunité que lui confère la carte de visite de ses clients - celle d'Urba et du Président de la République, bientôt -, David Azoulay expose aux délégués "une nouvelle idée pour la mise en place d'un projet"... audacieux: [Il s'agit, prévient-il], de la création d'une société tampon [sic] de courte durée, entre les structures [le PS et les élus], qui reçoivent les retombées [millions de francs], et le Gie [qui s'occupe du racket]".

Cette "société tampon" servira à "dégager 15 à 20 % des retombées" engrangées par Urba.

David Azoulay connaît le droit des sociétés sur le bout des doigts. Il précise que la "société tampon", c'est-à-dire de blanchiment, recevra un nom adapté à son objet : Multiservices. Son objet social ? "Il concerne, ajoute-t-il, les opérations dont on ne peut pas dire qu'elles aient été utiles au fonctionnement des sociétés [déjà existantes] du Gie : imprimerie locale, locaux, pub".

Pour ceux qui ne seraient pas rompus aux arcanes et délices de l'"abus de bien social" et de la "fraude fiscale", je précise que "la nouvelle idée" de David Azoulay, pour financer le futur candidat Mitterrand, est de fonder une société bidon dont l'objet social, finalement adopté ("toutes prestations de services liées à l'imprimerie, la communication, la publicité"), répondra, précisément, aux dépenses - fictives ou non - qu'on lui fera frauduleusement endosser. Pendant la campagne présidentielle, cette société écran sera utilisée à la place d'Urba et de ses satellites, dont les propres objets sociaux ne sont pas adaptés et qui, en outre, doivent rester dans l'ombre... pour ne pas compromettre le Président de la République, son directeur de campagne (Pierre Bérégovoy) et son trésorier, le futur ministre de la Justice (!) Henri Nallet. Ensuite, tout sera mis en œuvre pour entraver le cours normal de la justice, pour empêcher la manifestation de la vérité.

Ainsi donc va naître la Sarl Multiservices : elle entrera en activité le 1er septembre 1987, mais ne sera officiellement fondée que le 14 décembre suivant. Par mesure de sécurité, Multiservices aura une durée de vie égale à celle d'une étoile filante :

"Date prévue d'opérationnalité [sic] : avant présidentielles".

Ensuite, elle n'aura plus aucune raison d'être. Il faudra se dépêcher de la faire disparaître. Ni vue, ni connue. D'où le recours aux compétences de David Azoulay qui, ce  4 juin 1987, fait un grand numéro de prestidigitation destiné à permettre les futurs agissements frauduleux d'Urba, par Multiservices interposé. Dans son exposé, "Monsieur le commissaire aux comptes" donne la marche à suivre pour que l'on ne puisse pas ultérieurement établir un lien entre Urba et Multiservices :

"[Il faut] un siège différent du 140 [boulevard Haussmann, l'adresse d'Urba] ; des hommes différents du 140 [boulevard Haussmann]".

Une fois créée - 8, rue de Liège, à Paris -, l'éphémère Multiservices aura pour gérant Jean-Pierre Barth, le camarade directeur technique d'Urba, chargé des équipements publics.

Omniprésent dans les comptes rendus de Delcroix, Barth apparaît comme l'une des pièces maîtresses de l'organisation Urba-Gracco. Un dossier en ma possession permet d'appréhender son rôle dans la pyramide du Gie. À l'occasion il ne dédaigne pas utiliser son cachet d'"expert auprès de la Cour d'appel" ( !) de Paris, comme pour donner de la respectabilité à certaines de ses correspondances... au nom d'Urbatechnic.

Le 12 juin 1985, il adresse un courrier à Claude Saada, le délégué d'Urba en Normandie. L'objet de cette lettre est la construction d'un centre de télécommunications à Caen, la ville du ministre des PTT de l'époque, Louis Mexandeau. Jean-Pierre Barth a été prévenu du nom des quatre "équipes" (Sublena, Sechaud et Bossuyt, Dupuy et Butier), c'est-à-dire les quatre entreprises, retenues pour la réalisation de ce centre de télécommunications. La première citée par lui a déjà passé des accords avec Urbatechnic. La mention "Connais-tu Dupuy ? Il serait important de prendre un accord avec lui (local)" signifie que Jean-Pierre Barth projette de ponctionner cette société. Ce n'est pas tout. En écrivant : "D'autre part, la société Bouygues aurait les faveurs de la DGT et du ministère ; il serait judicieux de prendre des contacts avec Quille", le directeur technique d'Urba indique que ce n'est pas Bouygues (dont la filiale en Normandie est Quille) qui prend l'initiative de la corruption. Mais bien Urba, l'officine du Parti socialiste. Ce document prouve également que, dans un marché public d'environ 100 millions de francs, Urbatechnic entend s'imposer comme intermédiaire et, ainsi, obtenir une commission pour une activité complètement fictive. Le ton de la lettre montre bien que si les sociétés citées refusent de passer à la caisse, ce marché (comme d'autres) leur échappera.

De plus, Jean-Pierre Barth est un collecteur de fonds vigilant.

"Informe-moi de l'évolution de tes démarches", écrit-il à son délégué régional.

Cette note, signée, je l'ai aussi remise au juge Jean-Pierre. Mais, depuis, la Justice n'en a rien fait. Car toucher à Barth, c'est mettre le doigt sur l'aspect du dossier que l'on ne veut surtout pas connaître, puisqu'il débouche sur l'Élysée et la campagne présidentielle de 1988.

29 juin. Gérard Monate termine une agréable tournée des popotes. Successivement, il a rencontré l'ancien ministre du Logement, Roger Quilliot, sénateur-maire de Clermont-Ferrand et président, depuis 1985, de l'Union nationale des HLM, ainsi que Serge Lamaison, le maire PS de la petite commune de Saint Médard-en-Jalles en Gironde. Il est "l'homme de confiance d'Olivier Mitterrand", écrit Joseph Delcroix, impressionné.

"À Bordeaux, il y a le problème [Michel] Sainte-Marie. C'est un individuel", grommelle Monate, en parlant du député-maire de Mérignac, vice-président de la communauté urbaine de Bordeaux.

Belles fréquentations !

Serge Lamaison et Michel Sainte-Marie ont aujourd'hui l'honneur d'être les deux nouvelles découvertes de mon ami Marcel Dominici, l'infatigable explorateur de la galaxie Jean-Michel Boucheron.

Les 12 et 22 mai 1995, le tombeur de l'ancien député-maire d'Angoulême les a interpellés dans deux lettres ouvertes à propos d'une troublante série de chèques émis par Michel Gabaude, le faux facturier socialiste le plus couru à Bordeaux, Angoulême, Mont-de-Marsan et Libourne.

Comme moi, Marcel Dominici est un homme minutieux, précis. Copies de ces huit chèques à l'appui, il demande à Lamaison et Sainte-Marie quels sont les motifs exacts de ces versements ou cadeaux. En conclusion, il les prie de "restituer ces sommes et celles détenues par (...) Michel Gabaude, y compris les intérêts moratoires, aux taux en vigueur de la Banque de France, afin de les mettre au profit exclusif de l'économie de l'entreprise, de l'emploi et des nouveaux pauvres du socialisme".

Imperturbable, Dominici prévient :

"Sans réponse de votre part, sous huitaine je saisirai l'autorité judiciaire".

Vu les résultats déjà obtenus à Angoulême par l'auteur de cette saine requête, les deux élus cités comprendront plus que d'autres, pourquoi il me revient de les faire figurer dans ce Rendez l'argent ! Je n'ai d'ailleurs pas été étonné de retrouver leurs noms dans les fidèles comptes rendus des activités d'Urba... où Gérard Monate regrette leur indépendance.

En revanche, le président d'Urba ne tarit pas d'éloges à l'égard de Laurent Fabius. Il indique l'avoir vu le 29 juin 1987. L'ancien Premier ministre lui a donné son "feu vert pour rencontrer le secrétaire général du Sgap".

Pour un marché de parapluies ?

À Nevers, la ville dont Pierre Bérégovoy est le maire, les nouvelles sont alarmantes : "Monate a eu appel de Pierre Bovet [le délégué d'Urba pour l'Auvergne]… Béré est dans la m… "

À la ligne suivante, entre deux flèches, figure un mystérieux signe d'alarme : ---> SOS <----

Comprenne qui pourra ! La Justice, elle, en a les moyens. Pour l'heure, 97 % des vilenies exposées dans ces pages ne l'ont jamais inquiétée.

 

 

Jean Montaldo, in Rendez l'argent !, Albin-Michel, 1995, 324 pages (les extraits présentés, pp. 175-186, sont tirés du chapitre 6, "1986-1987, des fromages à 100 % de matière grasse"

 


 

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