Embarras gouvernemental, tollé syndical : la publication, dans Le Canard enchaîné, d’extraits d’une note d'un inspecteur des finances estimant les sureffectifs dans l'administration à 500 000 agents (10 % du nombre total des fonctionnaires), a mis le feu aux poudres, à la veille des négociations importantes dans la fonction publique. Ce document de quatre pages, dont Le Point a pris connaissance, n'a pourtant rien d'un document officiel.

 

Il a été rédigé - de sa propre initiative - par l'inspecteur général Jean Choussat. Diffusées auprès des cadres de l'Inspection, ces brèves réflexions sur l'emploi public n'ont cependant pas été discutées en Comité des inspecteurs généraux, l'instance qui examine tous les quinze jours les projets de rapports officiels.

Toutefois, le document a été adressé à Dominique Strauss-Kahn à Bercy et à Émile Zuccarelli, le ministre de la Fonction publique. Lequel s’est empressé de mettre la note Choussat au panier : "La politique du gouvernement est claire a-t-il expliqué, le gel des effectifs publics est terminé". Fermez le ban.

Expurgé de la langue de bois habituelle, le diagnostic de Jean Choussat incite pourtant à la réflexion. "Personne n’a imaginé qu’il y a probablement davantage de scandales cachés à l’intérieur de l’administration qu’il y en a eu de révélés à l’extérieur", note-t-il. Et, conscient du "risque de soulever un tollé", il va jusqu’à chiffrer le coût pour l'État-patron des 10 % de fonctionnaires en trop à "150 milliards de francs, l’équivalent de la perte du Crédit lyonnais, à ceci près que ce coût est un coût répétitif annuel"..

La solution pour résorber ces sureffectifs selon cet ancien directeur du budget ? Ne remplacer que trois fonctionnaires partant en retraite sur quatre pendant dix ans. "Une telle perspective, que les fonctionnaires jugeront probablement dramatique, serait probablement considérée comme un plan social idyllique par les salariés de Renault, Peugeot ou telle ou telle grande banque", remarque-t-il. Sans toutefois identifier les fiefs publics à dégraisser ni recenser le manque de personnels dans d'autres secteurs.

La note Choussat tord également le cou à certaines idées reçues aussi répandues que fausses. La première est politique : "Contrairement à une légende, les augmentations massives d’effectifs ne sont pas dues aux socialistes, mais à leurs prédécesseurs, écrit-il ; le taux de croissance moyen annuel [des effectifs publics] a été de 3,2 % entre 1960 et 1970, de 3,1 % entre 1970 et 1980, et de seulement 1,1 % entre 1980 et 1990". Une autre idée, communément admise se révèle erronée : celle qui veut que les bas salaires des fonctionnaires soient la contrepartie de leur sécurité de l’emploi et de leur productivité médiocre. Et Choussat d’exhumer une étude interne commandée par l’administration en 1994, démontrant que la rémunération des non-cadres de la fonction publique "était, à responsabilités égales, sensiblement supérieure à celle de leurs homologues du secteur privé". L’écart varierait entre + 6 et + 23,6 %, en fonction des cas.

S’appuyant sur une étude de l’OCDE, Jean Choussat constate enfin : "Chaque fois que la population d’âge actif a augmenté de 100, les pays du G7, pris dans leur ensemble, ont créé 68 emplois privés, 11 emplois publics, 18 chômeurs et 3 inactifs […]. Quant à la France, elle a détruit 18 emplois privés et créé 27 emplois publics, 45 chômeurs et 46 inactifs". Conclusion : "il est temps de sortir la tête du sable". C’est mal parti.

 

 

===> Accéder à la lecture de l'intégralité de la "Note Choussat"

 

 

 

 

© O. Toscer, article publié dans Le Point n° 1310, 25 octobre 1997, p. 34

 

 


 


Texte soumis aux droits d'auteur - Réservé à un usage privé ou éducatif.