Ah ! Si l'on voulait bien, de temps à autre, cesser les polémiques stériles et regarder certaines vérités en face ! Mais sans doute est-ce trop demander à nos concitoyens...

 

"Aux larmes, citoyens !", "Marianne-Laetitia fuit le harcèlement fiscal" : nos gazettes se sont émues en découvrant que notre célèbre top-model réside à Londres. Drôle d'époque où les mannequins et les joueurs de football sont les seuls qui réussissent à relancer le débat sur le niveau des impôts en France !

Quand Ernest-Antoine Seillières révèle son salaire et ses impôts, la gauche pense : "Salaud de patron ; il lui en reste encore trop". Quand une jeune femme de 20 ans, dotée d'un beau sourire et de formes généreuses, gagne trois fois plus et s'exile à l'étranger, elle crie : "Pauvre enfant, ne peut-on la retenir ?". Les Anglais, qui viennent de nous ravir notre place de quatrième puissance économique, ne se sont pas privés pour enfoncer le clou ! Quel symbole : Laetitia Casta, Marianne de l'an 2000, dont !e buste figurera dans nos mairies ! En France, les grands défenseurs du matraquage fiscal, de la redistribution et de l'étatisme se sont déchaînés. Notre classe parlante n'est pas à une contrevérité près. Elle répète bien que nous sommes la "locomotive européenne". Même quand la "locomotive" se fait doubler par le "wagon de queue" anglais, quand deux emplois sur trois en Europe se créent en Espagne, quand sept pays de l'Union européenne ont une croissance supérieure... La propagande n'a pas de limites.

Des journaux "branchés" ont osé titrer : "On paie plus en Angleterre qu'en France". Et toute la gauche y a été de son chapelet de sottises. Mais c'est bien sûr ! C'est d'ailleurs pour cela que 250 000 Français se sont expatriés à Londres ! Parce qu'ils y paient plus d'impôts ! Parce que les conditions de travail y sont déplorables, les rémunérations inférieures ! Parce que les hôpitaux sont mauvais, le métro pourri, les écoles nulles et les retraites aléatoires ! Ils ont été attirés par le climat et la cuisine !

Au lieu d'aligner les absurdités, la gauche, si elle était honnête, considérerait l'ensemble de la charge fiscale : 36 % du PIB en Grande-Bretagne contre 45,6 % en France. D'ailleurs Le Monde lui-même, qui chaque année pour justifier le système s'évertue à trouver quelques riches contribuables français qui ne paient pas impôts, a pourtant le premier repris : "Du jamais vu : les Français basés en Grande-Bretagne constituent désormais le plus gros contingent de fortunes étrangères dans ce pays". Du PDG d'Adecco au fondateur de Délices de France, de Paloma Picasso au fabricant de cartes de crédit Gemplus : ils partent ! Pas qu'à Londres. À Bruxelles, en Suisse, aux États-Unis ! Le déplafonnement de l'ISF décidé par Juppé et la droite molle en est largement responsable.

Les sièges sociaux aussi s'en vont, révèle Valeurs Actuelles. Le siège d'EADS ? À Amsterdam. Celui de Dexia, ex-Crédit local de France ? À Bruxelles comme celui d'ABSAlstom, tandis qu'Altadis, né de la fusion entre la Seita et l'espagnol Tabacalera, a élu domicile à Madrid".

Qui paiera pour les retraités, les fonctionnaires, les assistés, immigrés ou non ? Laurent Fabius n'a pas le choix : il doit passer de la parole aux actes. Baisser les impôts. Ou regarder la France se vider de ses élites comme un corps se vide de son sang.

 

 

© A. Griotteray, in Le Figaro Magazine du 15 avril 2000, p. 32

 


 


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